Déformation poétique

Pascal LERCLERCQ, Hélium, Iconographie et apparitions de Jac Vitali, La Dragonne, 2015, 52 p., 18 €, ISBN : 978-2-913465-90-9

leclercq_primaelleLes recueils de Pascal Leclercq sont toujours aisément reconnaissables. Principalement parce qu’ils sont beaux. Son dernier recueil, Hélium, paru aux éditions La Dragonne, ne déroge pas à cette règle. Le poète, imprimeur à ses heures, soigne l’objet : aussi Hélium  présente-t-il  « des allures d’album vinyl », notamment par son format carré et sa couverture, d’un rouge vive et presque soyeux au toucher. 

Cette dense quadrichromie interpelle et pousse à la lecture. Quelle lecture ? Paru en septembre dernier, Hélium est avant tout le produit d’une collaboration poétique et artistique entre Pascal Leclercq et Jac Vitali. Le recueil se lit comme un journal apocryphe, découpé en quatre saisons où chaque partie comprend différentes strophes, souvent courtes, parfois proches de l’aphorisme (« 26.10. L’espace ne déteste pas les vérités générales »). La matière première du recueil, c’est l’hélium, ce gaz volatil que Pascal Leclercq a inhalé, absorbé pour, ensuite, prêtant attention aux variations de cette voix déformée, produire le présent recueil. La poésie de Pascal Leclercq est avant tout une poésie en prose : « 24.10. Je sors de l’habitacle, essuie mes phares et mes rétros, puis reprends place sur mon siège, la main droite perdue près du démarreur, le regard mou, mauve, flambé au rhum – ou peut-être est-ce un début de fièvre espagnole. » Mais loin de se laisser enfermer dans des catégories poétiques, le texte se risque vers d’autres formes, vers d’autres interrogations comme la matière du poème lui-même « 09.11. Écrire mon nom dans la marge, en attendant que tourne la roue et que l’envie de gratter le papier me démange (…) ». À lire trop vite ces strophes, nées sous l’effet d’un gaz, on pourrait se perdre dans cet apparente ivresse poétique. Mais au-delà des mots, se dessine une vraie homogénéité qui prend racine dans la poésie elle-même.

Certes, l’auteur écrit beaucoup et dans tous les styles – du roman policier à la traduction littéraire – mais cette imposante bibliographie reste profondément cohérente au fil des publications. Hélium s’inscrit dans une œuvre vaste qui prête attention tant aux mots qu’aux choses, tant à la matière qu’à la forme. Une œuvre enfin dont on soupçonne et espère qu’elle s’enrichira encore d’autres objets littéraires.

Primaëlle Vertenoeil