L’enfance du bout des vers

Julie REMACLE, 8 ans, L’Arbre à paroles, coll. « if », 2015, 124 p., 12 €

remacle_vertenoeilNée en 1984, Julie Remacle est une jeune comédienne liégeoise. Elle vient de publier aux éditions L’Arbre à paroles, 8 ans, un premier recueil. De poésie ? De fragments ? Un recueil de textes, simplement. L’essentiel n’est pas de donner une étiquette à l’ouvrage, mais de saluer avant tout l’émergence d’une nouvelle écriture – féminine – éditée dans la remarquable collection « if » qui défend et publie des « textes à la croisée des genres ». Et l’ouvrage de la jeune femme fait partie de ces genres-là.

8 ans, en effet, se démarque par la singularité de son ton. Résolument biographique, le texte se découpe en trois parties, chacune comportant de courts fragments, regroupés thématiquement. Un premier épisode traumatique de l’enfance : la rédaction d’un texte sur « l’école du futur », demandé par un inspecteur de la Communauté française ; puis suivent une série des flash-backs, des premières sensations, des premiers repères culturels et historiques comme le lobby américain, les questions identitaires de la Belgique fédérale ou encore l’affaire Dutroux :

ce jour-là / deux petites filles partent se promener / elles marchent tranquillement sur le trottoir / comme on leur a appris / en se tenant par la main / parce que ce sont des meilleures amies / en fait elles ne se promènent pas vraiment / elles vont au pont de l’autoroute / de là on a une vue incroyable sur le trafic / on peut faire coucou aux voitures et aux camions […]

Avec 8 ans, Julie Remacle fait le pari d’une écriture simple, sans ponctuation. Le propos se structure par le biais de ces nombreux « retours à la ligne » qui forment de longs vers prosaïques.  C’est de cette simplicité de style qu’émane la poésie du texte. L’essentiel est de se dire tel que l’on l’a vécu, tel qu’on l’a vu, avec la candeur enfantine d’antan. Aussi, chaque phrase, chaque vers reconstruit-il le monologue de l’enfance, jusqu’à cette cruelle conclusion :

un jour/je vais oublier /tout ce que j’ai pensé pendant mon enfance / je me ferai transformé en adulte / en connard / parce que j’ai bien réfléchi /et je crois que les adultes sont des connards

Entre prose et poésie, entre enfance et âge adulte, ce premier recueil a le mérite de faire connaître une nouvelle voix poétique des plus prometteuses !

Primaëlle VERTENOEIL