Se rafraîchir en barbarie

Jeannine PAQUE

hoexJadis vivait ici, d’emblée, nous voici bien loin en lisant ces mots, et déjà rêveurs. Corinne Hoex a-t-elle décidé de nous enchanter en décidant de ce titre ?

Titre programme, car la suite est bien plus étonnante encore. Once upon a time ? bien mieux, car au-delà du conte nous voici plongés dans les romans, de la table ronde ou non. Sept chapitres ou mieux sept chants vont s’énoncer à l’enseigne de jadis mais aussi annoncer un art du futur – ça reviendra –, des premiers aux derniers vers du recueil. Menace ou espérance ? Danger, s’il s’agit de brûler Tristan et la reine, qui moururent autrement. Espoir car la terre labourée revient à soi, boue natale, terre ferme enfin. Même si domine la violence en cet avenir imaginé, il y a l’assurance de vivre de la terre en sa terre.

Entre ces deux seuils, toute une histoire, comme on dit. D’abord un défilé, un répertoire imagé d’herbes mauvaises, menaçant les enclos, et qu’il faut éradiquer. Ensuite un voyage parmi les « anciens morts » et le décompte des os, des reliques, des mânes supposés qui bientôt se monnayent. Quant aux desservants, ermites, pèlerins, pénitents, sinon martyrs, sont-ils saints, en définitive, ces suppliciés qui saignent en volupté, fréquentent les bûchers ou les potences ? Petit feu ou hautes flammes, il n’y a de salut que dans le scandale, semble-t-il.

Foin de l’aspiration au très-haut, c’est la terre et ses richesses qui importent. Et le retour à l’animalité, celle des bêtes, celle de l’homme premier et même celle de la femme.

En fait, Corinne Hoex nous invite à une excursion, un voyage et une plongée en moyen âge, sauvage ou courtois, c’est selon, mais riche en couleurs, en paroles surtout. Mots rares, mots oubliés, images sorties de manuscrits enluminés. Jadis vivait, ici ou ailleurs, un héros, affreux ou splendide. Je crois que Corinne Hoex a voulu retrouver les charmes de ce temps-là, qu’ils se transmettent sous la forme de poison ou doux breuvage, parce qu’elle a, comme nous tous peut-être, gardé la nostalgie du philtre d’amour dangereusement irrésistible… L’essentiel est d’y croire ou de le désirer. Mais qu’on ne s’y trompe pas, notre auteure n’a aucun goût pour la cruauté. Sa seule délectation est de nommer, de jouer des mots et de l’arithmétique lexicale.  En poète toujours.

Corinne HOEX, Jadis vivait ici, Lausanne, L’Âge d’homme, 2015, 91 p., 14 €