Retour en Toscane

Vincent ENGEL, Et dans la forêt, j’ai vu, Hévillers, Ker éditions, 2015, 196 p., 10 €

Et dans la forêt, j’ai vuVincent Engel est un écrivain fidèle à certains lieux. Dans Et dans la forêt, j’ai vu, roman destiné à la jeunesse, il plante une nouvelle fois son décor en Toscane, quatorze ans après la publication de Retour à Montechiarro, dont un des personnages fait ici une brève incursion. Le contexte politique, celui de l’Italie des années noires et du règne de Mussolini, imprègne le livre et détermine la destinée de ses personnages. L’histoire se déroule en 1928, dans une petite ville isolée dont le maire applique avec zèle les préceptes du Duce qu’il admire, tout en se lamentant sur le sort de la petite Letizia, sa fille, muette depuis le décès de sa mère, advenu dans des circonstances mystérieuses.

L’arrivée au village d’un petit cirque itinérant éveille cette population qui vit sous une chape de plomb, tourmente les esprits chagrins, chamboule la vie quotidienne de cette communauté rurale. La magie de Sandro, jeune saltimbanque, s’exerce au-delà du modeste chapiteau et le miracle se produit. Letizia sortira-t-elle de sa prison de silence ?

Ce n’est probablement pas un hasard si Vincent Engel, devenu collaborateur de Franco Dragone, nous livre un roman circassien, ni si son Circo delle Stelle, par son nom, rappelle le Cirque du Soleil. C’est bien le seul point commun entre les deux troupes, car, au contraire de la gigantesque entreprise louviéroise, le petit cirque des étoiles de la Toscane des années 20 ne compte que trois individus : Luigi, le vieil illusionniste, son fils Sandro et un éléphant grisonnant appelé Manfred. Pourtant, l’éblouissement de leur spectacle est total et la frontière entre magie et illusion est bien mince.

Le roman ne possède pas un mais bien plusieurs personnages principaux, chose peu courante en littérature de jeunesse. Dans ce roman choral, le lecteur suivra alternativement l’un puis l’autre, l’histoire s’enrichissant de cet entrecroisement de points de vue. L’importance du contexte politique dans l’histoire, ainsi que les rapports entre les personnages, en font malgré l’univers circassien un roman plutôt à destination des adolescents que des enfants.

Fanny DESCHAMPS