Le mythe, fil d’Ariane

Metka ZUPANČIČ (dir.), La Mythocritique contemporaine au féminin. Dialogue entre théorie et pratique, Éditions Karthala, collection « Lettres du Sud », 2016, 180 p., 19€/ePub : 14.99 €

zupancicLes mythes sont au cœur de l’humain. Ils marquent notre (in)conscient, tant dans la singularité que dans la collectivité. Certaines figures emblématiques, issues des récits anciens, ont traversé les époques, et se voient donc sans cesse réactivées, refaçonnées, revisitées, notamment en littérature. Rien d’étonnant dès lors que leur permanence et leur transformation stimulent également des réflexions plus théoriques, à l’instar du recueil d’articles La Mythocritique contemporaine au féminin.

Dans sa préface, Metka Zupančič, professeure de français/langues modernes à l’Université d’Alabama et instigatrice du projet, explique comment les mythes et les symboles nourrissent de manière existentielle les femmes auteures, et à quel point ils stimulent leur force (pro)créatrice. Elle retrace la genèse de ce dialogue transfrontalier et transculturel, la faveur des rencontres, les échos qui se répondent, les perspectives qui s’élargissent. D’une baguette de maître, Zupančič, en chef d’orchestre avisé, rassemble les partitions féminines et compose une symphonie harmonieuse, aux accords profonds. Le leitmotiv des auteurs – qu’elles habitent les mythes ou soient habitées par eux – est le rapport, implicite ou explicite mais toujours intime, à cet universel.

Trois des dix voix en présence dans ce chœur sont belges. Il y a d’abord Jacqueline De Clercq qui dévoile son intérêt pour le mythe d’Ariane, à la fois marginal et central, qu’elle explore à travers une oralité assumée. Dans Le Dit d’Ariane, De Clercq réinsuffle dans le récit de la matière pleine et pulsatile dans les vides creusés par le temps ; c’est ce qu’elle épingle comme étant le « deviens qui tu es » au féminin. Colette Nys-Mazure, quant à elle, avec sa contribution « Singulières et plurielles, elles s’inventent », remercie les femmes de sa vie, sa mère d’abord, puis les artistes, les penseuses, les féministes qui ont donné corps et sens à son aventure littéraire, et ont fait d’elle une « passeuse ». Enfin, dans son article « Antigone écrivain : le tombeau littéraire au féminin », Myriam Watthee-Delmotte s’interroge sur le deuil et la symbolique de la sépulture à travers quatre récits commémoratifs de femmes modernes.

Autant d’explorations qui nous rappellent la force intrinsèque et pérenne du symbole, mise en lumière éclatante par Hugo von Hofmannsthal : « Le symbole éloigne ce qui est proche et rapproche ce qui est éloigné, de façon que le sentiment puisse saisir l’un et l’autre »…

Samia HAMMAMI