Élégie lumineuse

Yves NAMUR, Les lèvres et la soif : élégies, Lettres vives, 2016, 89 p., 18€

namur_demaeseneerAvec une quarantaine de recueils publiés, Yves Namur n’est plus ni un novice, ni un carabin. D’autant moins, puisque le poète se double d’un médecin, profession qu’il exerce depuis qu’il a prêté le serment d’Hippocrate en 1976. Cette double appartenance d’écrivain-médecin qui n’est pas rare dans l’histoire de la littérature, le relie, de manière imperceptible, à cette lignée d’auteurs qui ont en commun de partager une écriture où se lient rigueur et abnégation. L’œuvre d’Yves Namur, récompensée par de nombreux prix, est de cette trempe-là. Avec ce nouveau recueil, Les lèvres et la soif, le poète poursuit en quelque sorte sa conversation avec l’acte poétique dont on trouve l’amorce dans La tristesse du figuier, paru chez le même éditeur en 2012. Le questionnement sans cesse renouvelé de l’utilité, de l’essence du poème, de son jaillissement aussi, face aux plaies des corps et aux paquets de larmes auxquels le poète-médecin se confronte.

et le poète de s’interroger encore :

un oiseau peut-il vraiment traverser de part en part
le vide ou les parois froides

et devenir du poème,

Entre la densité du poème et la légèreté de l’oiseau qui composent ici les deux figures structurant le texte, il y a le corps et les désirs qui exsudent.

dans ce regard
et ce baiser de l’oiseau flamboyant,

par qui tout advient maintenant,
par qui la soif enfin étanchée

s’étire en longues prières
qui n’en finissent pas de prier l’amour,

par qui le simple désir se lève
et marche au-dehors des corps,

Sans pour autant parler de tournant dans l’œuvre du poète, il est néanmoins intéressant de relever que la parole semble ici plus libre, plus lyrique. Chant d’amour pour la femme aimée dont les blasons émiettés du corps s’assemblent subtilement autour des lèvres rosées qui s’entrouvrent pour laisser passer l’haleine d’un songe. L’élégie que propose Yves Namur est toute entière baignée d’une lumière pleine, charnelle. La luminosité d’un soleil de midi dans le sud, ouverte vers le recueillement du possible et s’extirpant de l’ombre. Et pour faire briller un peu plus l’astre, l’auteur n’hésite pas à emprunter, ça et là, quelques vers aux poètes, Celan, Rilke et d’autres qui ont su étancher cette soif d’absolu comme si c’était du charbon ardent sur la bouche.

Rony DEMAESENEER