Trois instants fragiles…mais emplis d’espoir ?

Agnès DUMONT, Denis LAPIÈRE, Michel VANDAM, C’est écrit près de chez vous, vol. 2, Éditions de la Province de Liège, 2017, 29 p., gratuit.

c est ecrit pres de chez vous.jpgValeureux mais surtout flamboyants de la plume sont les Liégeois et Liégeoises ! Voilà l’heureux  constat fait par La Bibliothèque centrale et les Éditions de la Province de Liège, désireux de mieux faire connaître la diversité littéraire de la région au plus grand nombre. Pour ce faire a été mise en place depuis 2016 C’est écrit près de chez vous, une opération qui varie les plaisirs, entre animations, lectures et rencontres. Après Nicolas Ancion, Luc Baba et Katia Lanero Zamora l’an dernier, c’est désormais Agnès Dumont, Denis Lapière et Michel Vandam qui sont mis en lumière par ces activités et dans la plaquette qui nous occupe ici, à travers trois nouvelles inédites. Notons que ces trois textes sont téléchargeables sur le site des Éditions de la Province de Liège !

Contre une armée de vikings est la valse-hésitation d’un homme touchant de maladresse et des souvenirs qui le construisent. Agnès Dumont nous y donne à connaître James – Djèms comme on dit, chez lui, à Seraing – un fils de garagiste fâché avec les mots, empêché de lecture et féroce avec quiconque lui accolerait l’étiquette d’illettré. C’est entre la mortadella, le provolone et les sachets de farine d’un facétieux et iconoclaste épicier italien qu’il combattra ses démons, apprenant plus d’une leçon de vie au passage. Et désormais, malgré cette appréhension qui l’a poursuivi longtemps à la vue d’une bibliothèque, il pourra peut-être en pousser la porte et s’armant d’un courage monstre, demander conseil et y glaner des histoires qui raviront sa fille, tissant entre eux un lien auquel, au départ, rien ne le prédisposait.

C’est avec un ton documentaire, presque clinique que Denis Lapière nous immerge d’abord dans Profondeur et y passe au peigne fin l’existence de Denise Beaumont, née de père inconnu, abandonnée par sa mère à la naissance, enfuie d’un orphelinat sans demander son reste. Désormais vouée aux rues de Montréal et à l’héroïne – le deal, mais surtout la consommation – depuis ses quinze ans.  Un animal sauvage davantage qu’une jeune fille et qui resterait un cas « non  élucidé » si elle ne croisait pas la route d’un inspecteur désireux de l’aider à entrouvrir sa carapace à travers l’écriture. C’est pourtant le milieu aquatique et l’apnée qui constitueront pour elle le vrai appel d’air : sous la surface, lui reviennent son passé à Mont-Providence et les infamies subies mais aussi une façon d’évacuer ces bulles toxiques et de se réapproprier pleinement sa vie.

La marionnettiste de Michel Vandam, elle, n’aime pas du tout l’eau. Pas du tout non plus les araignées, en particulier les épeires qui « [la] tétanisent, [la] terrorisent, [la] liquéfient ». Emmitouflée dans son farouche caractère, elle fait causette avec grenouilles, libellules et chats et se raconte en mots mouvants et peuplés de monstres monstrueux, dissèque ses peurs fourmillantes tandis qu’à l’étage, un homme dort. Elle qui dit que « le monde, c’est pas des gens convenables », qui n’a connu jusque là qu’un lycanthrope qui l’assaillait et la retenait captive voudrait donner une vraie chance à cette relation nouvelle, bienveillante. Accepte de se désagripper un moment de son coma d’images agitées et de la scène de sa vie, telle qu’elle se l’imagine pour accueillir l’autre, sans pour autant jamais, au grand jamais, à nouveau accepter qu’on lui dicte sa conduite.

Je ne sais si les trois auteurs ont échangé sur leurs textes à façonner pour ce recueil. S’ils ont reçu ou non une même consigne en filigrane. Je suis certaine en revanche qu’entre leurs personnages cabossés se sont tissées des communions invisibles, des parentés se jouant non sur le sang mais sur une résilience à capturer, des haies à franchir la tête haute. Parions aussi que celui qui glissera le regard sur ce recueil aura l’envie d’approfondir cette triple découverte !

Anne-Lise Remacle