As de pique et Reine de cœur : la littérature avec Éric Allard

Éric ALLARD, Les écrivains nuisent gravement à la littérature, Cactus Inébranlable, 2018, 88 p., 9 €, ISBN : 978-2-930659-68-8

allard les ecrivains nuisent gravement a la litterature.jpg

Éric Allard a de l’esprit et un amour de la littérature suffisamment fin pour pouvoir la taquiner, la moquer ou même la houspiller. Dans son livre récent Les écrivains nuisent gravement à la littérature, il nous offre,  de page en page, ses «Maux d’auteurs, vices de lecture et autres calamités littéraires » avec la jubilation d’un amoureux attentif.

Nous entrons dans une époque singulière de l’histoire littéraire où on distingue nettement 30l’écriture de la littérature. On constate de plus en plus une floraison de livres appartenant plus au genre  « Loisirs et divertissements » qu’à une solide littérature. Qu’est-ce qui ferait la différence ?  Les lieux communs, les situations sans autre motif que la « description » de ce que les naïfs nomment le réel et surtout une coulée de bons sentiments qui semble enfler de jour en jour…

La littérature est une mère dévorante, une ogresse qui engloutit ses enfants au fil des siècles. Certains échappent, mais la plupart sont engloutis dans un rêve sans fin. Éric Allard au long de ces aphorismes, pique, attaque, moque, démonte les turlupinades de ce milieu si comique dans ses manigances faussement secrètes.

Tout y passe : la vanité, les ronds de jambe, les chefs-d’œuvre dégonflés, les illusions perdues… Mais le sourire et  le rire sont régulièrement au rendez-vous de la lecture.

Éric Allard ne manie pas la caricature dans un esprit de cruelle moquerie, il stimule, il honore, il vilipende, il dit sa jubilation et son amour de cette étrange bête qu’est la littérature.

C’est là qu’elle a bien besoin d’être aimée, cette littérature, dans un temps où le récit passe d’abord par l’image et l’imaginaire collectif par les flux numériques. Les livres sont de plus en plus d’étranges animaux qui marchent comme les manchots sur la banquise, se saluant comme des fantômes de Delvaux, le cœur palpitant en scrutant le cachalot blanc qui rôde pour les engloutir. C’est que cette baleine blanche, la littérature, en a dévoré tant depuis des siècles, des manchots-écrivains….

Et Allard les connaît, les reconnaît, les retrouve sous nos traits, dans nos livres, c’est drôle, émouvant, piquant et inventif.

Les écrivains nuisent gravement la littérature est un titre formidable, il résume le drame, parfois la tragédie, qui se joue au cœur des désirs littéraires.

L’écrivain finit toujours par dormir dans ses livres.

Un pet de mots peut-il infester l’air d’un texte ? 

Tu t’es vu quand tu as lu!

Éric Allard nous balade dans un faux musée de l’Innocence où les écrivains jouent les guides mais se perdent si souvent dans le dédale de la maison littérature.

Ce livre devrait séduire nombre d’enseignants pour stimuler chez les jeunes cette formidable force que l’amour de la littérature donne aux lecteurs !

Daniel Simon