Poussière, rhum, magot et sueurs fauves

Ben ARÈS, Les jours rouges, Bibliothèque malgache, 2018, 137 p., ePub : 3,99€, ISBN : 978-2-37363-074-9

Avec Les jours rouges, Ben Arès nous plonge dans un recueil de nouvelles dévoilant la vie quotidienne de Madagascar, un pays où règne la sécheresse qui tape sur les cases en tôle de trois mètres sur trois. Un pays où nous découvrons la pauvreté des autochtones aux « petits métiers ou sans métier ». Un pays où les étrangers sont à la fois vénérés et méprisés, mais aussi victimes de préjugés. C’est qu’ils ont pu se payer un billet d’avion pour venir d’Europe ; ils sont donc considérés comme riches, des « pompes à fric » ou des maris potentiels, c’est selon.

C’est à travers des événements banals comme un mariage, une naissance ou la maladie d’un enfant que nous découvrons les coutumes locales d’un pays très imprégné de croyances.

[I]ci l’on croit que la maladie est une histoire de malédiction, de jet de sort et non de médecine. La croyance populaire pense ou suppose que celui qui brille par son absence au chevet d’un malade est peut-être le responsable, le jeteur de sort en personne […] le problème était que la plupart des gens venus de la brousse pensent que si la médecine ne soigne pas quelqu’un dans les vingt-quatre heures, c’est qu’il faut avoir recours à d’autres méthodes, aux idoles, à la magie.

Le lecteur qui ne connaît pas le fonctionnement du pays découvre avec stupéfaction le flou artistique qui règne là-bas, dans la gestion des litiges ou dans le paiement des charges des maisons.

Dans ce pays, il n’est pas rare que les charges d’eau et d’électricité soient communes parce que les installations des circuits et des canalisations de diverses habitations attenantes sont reliées à un seul compteur électrique et à un seul compteur d’eau. Ainsi, les charges mensuelles sont tout simplement réparties sur le nombre de locataires. En principe, de façon équitable. […] C’est comme ça. Flou. Et le flou se justifie aisément, avec les mots qu’il faut, qu’on veut, puisque rien n’est vérifiable. Et puis comment l’attaquer, et pourquoi le bannir après tout ce flou qui tantôt nous incommode, tantôt nous arrange ?

Ben Arès nous donne à lire une réalité plus dure quand il évoque la différence ténue entre une prostituée et une femme entretenue (par un étranger, la plupart du temps), la honte jetée sur les handicapés, mais aussi les associations humanitaires (et pas que !) qui ne se gênent pas pour trouver des sources de profit aux dépens des personnes pauvres. Pour utiliser les mots de l’auteur, la justice est « une vaste blague dans ce pays ».

Les jours rouges, une belle claque qui nous rappelle que nous sommes bien nantis dans notre univers occidental cosy

Séverine Radoux