Heuristique saisonnière

David ANDRÉ, Saisons d’encre, L’âme de la colline, 2019, 114 p., 15 €, ISBN : 978-2-9602025-1-9

Un almanach de 365 tercets entre haïkus et aphorismes racontant la météo intérieure d’un nouvel auteur attentif aux mouvements sourds et certains des jours ; mourant et renaissant… encore et toujours. David André compte les syllabes comme les secondes de la course entre éclairs et tonnerres sur un bout de campagne boueux, herbeux ou pierreux selon le calendrier.

Tout est prévisible / car ce qui est neuf n’est que / rarement nouveau

« Mes tercets s’adressent à toute personne qui peut ou veut chaque jour s’octroyer dix secondes de temps libre. Mes Saisons d’encre n’ont absolument aucun message à délivrer… et c’est heureux ! La poésie n’est pas un outil de communication… ou alors avec le poète lui-même. Écrire, et créer en général, c’est aller chercher au fond de soi la part, aussi infime soit-elle, de divin. C’est en quelque sorte s’offrir quelques secondes d’immortalité. C’est se rebeller contre sa condition de simple mortel. Une mission aussi noble qu’inutile. »

Arrachant ses chaînes / le cliquetis du ruisseau / dans le dos de mars

« J’ai écrit la plupart de mes petits textes en observant le paysage par la fenêtre de la cuisine, tout bêtement. Saisons d’encre m’a pris deux ans. Les idées ne viennent pas à la demande, évidemment. Si on veut être sincère dans ce que l’on écrit, il faut se laisser ‘imprégner’ par la saison, la laisser nous absorber… et attendre, parfois cinq minutes, parfois deux jours. »

Juin est gravi et / la nature hors d’haleine / puise à notre souffle

« J’ai appris l’existence de cette nouvelle maison d’édition, L’âme de la colline, en lisant L’Avenir du Luxembourg début 2018 ; un article lui était consacré. J’ai contacté l’éditrice, Marianne Bastogne, je lui ai présenté mon travail, et demandé de prendre le temps de tout lire, car je voulais uniquement être édité par une maison convaincue de la qualité de mes textes. Être publié coûte que coûte ne m’intéressait pas. »

Aussi épais fût / le brouillard je pus sans peine / l’écarter du pied

« Mes poèmes sont brefs… car je ne sais rien écrire d’autre. Je ne suis pas un homme de phrases, pas un homme d’histoires, mais seulement de mots. Écrire plus de quatre vers m’ennuie profondément, et je finis par perdre la logique de mon propos. En trois vers, je vais droit au but, j’exprime exactement mon ressenti, sans fioritures. J’écris en prose, parce que mon but n’est pas de faire ‘joli’, mais de faire ‘sincère’ : écrire en prose, c’est le mot au service de l’idée, alors qu’en vers, c’est le contraire. Pour moi, le vers sclérose la poésie en bridant la pensée… Mais cette vision n’engage que moi, bien sûr. »

Le prix d’excellence / au sans-faute de décembre / rendant copie blanche

C’est important d’entendre ici l’auteur sur sa démarche littéraire, son contexte et ses intentions. Ses propos démontrent la richesse et la sincérité de sa réflexion poétique. C’est important parce que le livre pose plusieurs problèmes, sans doute inhérents à la collaboration d’un écrivain nouveau avec une maison d’édition dont c’est le deuxième titre au catalogue.

D’abord le format A5 ne convient pas aux tercets, de masses graphiques trop petites, imposant a posteriori, pour remplir l’espace paginé, d’alterner leur justification à gauche, à droite, à gauche, à droite, à gauche, à droite… et toujours quatre par page. Cette régularité est lassante et parasite la lecture dont on penserait qu’il existe un lien entre les tercets ; mais non.

Ensuite, le livre est découpé sans originalité en quatre saisons, chacune illustrée d’une image jolie mais sans plus ni inspiration et dont l’impression digitale donne un effet de photocopie et non d’imprimerie. Enfin, de nombreux tercets sont obscurs. Ils ont parlé à l’auteur, c’est certain, mais il est difficile de s’y projeter. Exemple avec le tout premier.

Preuve s’il en est / que le décor peut sauver / une histoire fade

Quelle preuve ? Quel décor ? Quelle histoire ?

Bienvenue, la préface de Jean-Marie Lhote aide et rappelle combien « créer, puisque tel est l’origine grecque du mot ‘poème’, reste plus que jamais un art juvénile dans lequel le créateur malaxe les mots, à l’image de l’argile dans les mains du potier. »

D’aucuns y entendront la tâche qui attend l’auteur et l’éditrice, comme nous tous d’ailleurs, et si clairement énoncée par Nicolas Boileau dans L’art poétique :


Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.