Sardane dansera

Édith HENRY, J’ai septante ans et je danse la sardane, Coudrier, 2019, 75 p., 16 €, ISBN : 978-2-930498-97-3

L’anagramme de sardane, c’est dansera. Un cercle de garçons et de filles, de mèches, allumées par la fébrilité des mains qui bien se tiennent, bras tendus à la perpendiculaire du corps, buste droit et jambes autonomes ; les danseurs se touchent des yeux et se mesurent sur le pavé des places publiques par petits pas syncopés, répétés et synchrones jusqu’au tournis destiné.

Sur Cnrtl.fr, il y a cette très jolie citation : « Dans la sardane, quand le cercle des danseurs, aux pieds compliqués et ardents, cesse pour un instant son oscillation énigmatique, fusent les notes aiguës du fluviol, cette petite flûte en os qu’on joue avec une main, tandis que l’autre frappe sur le tambori » (Montherl., Pte Inf. Castille, 1929, p. 607).

Cependant, la danse « seins nus » d’Édith Henry va bien plus loin car elle ne se contente pas d’écrire, de décrire, elle en gigue et elle enchante dès les premiers vers :

Au flux des foudres, mes adorations
je me bistre à toutes les jouissances
et la vie me déborde,
la vie me cicatrise.

Si son âge apparaît dans le titre et justifie son texte, c’est pure provocation : « à te regarder, je ne prends aucune ride ! » Partout dans son poème, des « paumes titubantes », « le double sceau de tes bras », « entrelacée aux mêmes roseaux », « enrobée de toi », « Je n’ai que faire des souvenirs, je préfère les fontaines vives » « de nos membres mêlés ». « Uniques et seuls », « La mort ne nous distraira pas de nous-mêmes » !

Déclaration d’amour total, son chant, narratif et ininterrompu sinon par la mise en page, est souvent physique ; comme l’illustre de vives couleurs Catherine Berael. Sans sagesse, « je n’ai pas envie de devenir sage », l’hymne réfléchit l’auteure qui s’emporte, « Le paradis s’insurge » :

La vieillesse rougit de son impiété
et moi, je rougis
de mes terres brûlées.

Vibrante, lyrique, énergique et urgente, l’écriture d’Edith Henry bondit et fuse à petits pieds syncopés, thèmes répétés et synchrones jusqu’au vertige consacré.

Que savais-je en art de l’amour,
que savais-tu quand tu me versais,
me déversais
dans les anneaux de ta convoitise ?

Tito Dupret