Le refus de la bigoterie aliénante

Annie PRÉAUX, Les beaux jours, M.E.O., 2020, 145 p., 15 € / ePub : 8.99 €, ISBN : 978-2-8070-0231-9

Le récit de l’autrice nous plonge dans la vie d’Annette, une jeune fille de douze ans qui vient d’être réglée pour la première fois et à qui sa grand-mère annonce que « les beaux jours sont finis ». Spontanément, l’héroïne répond in petto (et le lecteur aussi) : ah, bon ?

Nous voilà plongés dans le quotidien de la jeune héroïne, caractérisé par la vie simple du Borinage. Fille de parents issus du monde ouvrier, Annette nous livre des anecdotes et des éléments clés de son histoire qui montrent tantôt sa difficulté à habiter son corps de future femme, tantôt son questionnement par rapport à l’éducation qui lui est donnée, dont certaines injonctions la brident parfois, révélant les peurs inconscientes et les espoirs cachés de ses parents.

Au lycée, j’ai un professeur de dessin fabuleux, qui obtient de beaux résultats avec chaque élève, même la moins douée pour les pinceaux. Je l’adore. Vu ma passion pour la peinture et le problème que je rencontre, elle me propose de venir chez elle profiter de ses conseils et de son atelier autant que je le voudrai. Mes parents refusent catégoriquement. Pas question de perdre mon temps avec des « futilités » ! « La peinture, ce n’est pas un métier ! dit mon père. Et en plus, tu es bonne élève, tu pourras faire n’importe quelles études et devenir tout ce que tu voudras. »

Les parents d’Annette sont par ailleurs des catholiques non pratiquants et, malgré tout le respect qu’elle leur porte, elle ne peut s’empêcher de s’interroger sur ce Dieu dont l’existence est perçue comme une évidence par son entourage.

Voilà qui n’arrange pas ma mauvaise impression à propose du Créateur : je ne comprends pas qu’on appelle Bon Dieu ce sale type qui insuffle la douleur de l’enfantement à la première de toutes les femmes du monde. Et tout ça pourquoi ? Parce qu’elle a voulu réfléchir, savoir distinguer ce qui est bien de ce qui est mal et ne pas obéir aveuglément, comme une idiote. Comment respecter, voire « adorer » ce Dieu dont la pédagogie n’a rien d’épanouissant ?! Personnage qui, en plus, me semble passablement injuste et cruel, car la « punition » atteint non seulement la rebelle, mais aussi ses descendants qui n’ont rien demandé, son compagnon et même le sol qu’il cultivera pour survivre ! Mon indignation fait sourire mon père : « Ce sont des hommes qui ont inventé cette espèce de conte, ne t’y trompe pas, Annette ! »

Le récit alterne les fragments de la jeunesse d’Annette avec ceux de sa vieillesse où elle garde des contacts avec sa cousine Jeannette, une vieille bigote paranoïaque qui a refusé de vivre toute sa vie, préférant se vouer à Dieu. Annette s’accroche face à cette cousine si différente, impossible à rassurer, difficile à comprendre. Elle continue son petit bonhomme de chemin vaille que vaille en se dirigeant toujours vers la vie qui lui convient. Tant pis si ça déplaît.

Les beaux jours est un roman d’initiation et d’atmosphère qui relate avec une grande simplicité la vie ordinaire d’une jeune femme qui s’interroge sur son bagage familial et persiste à savourer la beauté qui éblouit, même si on lui a annoncé la sentence contraire lors de sa puberté…

Séverine Radoux