Lettres sculptées

Annie PRÉAUX, Pierres de vie, Coudrier, 2020, 93 p., 18 €, ISBN : 978-2-39052-002-3

Illustré par des sculptures de pierre de Christian Claus, ce nouveau recueil d’Annie Préaux prend un aspect aussi architectural que formel, tant les lignes des œuvres sont ici pures et géométriques, alors que là, elles sont archaïques et rudes ; à l’image de totems issus de réserves archéologiques. Ainsi, Pierres de vie annonce bien ses couleurs de marbre et de granit, et dit aussi bien son titre. La vie s’exprime ardemment dans ces formes et lignes défiant le poids et l’équilibre lourds de la matière, ainsi que dans les pleins et vides aériens narguant sa permanence et sa stabilité ; s’en trouvant d’autant augmentées.

Les textes relativement longs de l’autrice tirent un fil quasi continu, de page en pages. Cousue de vers particulièrement courts, la marge figure un mur invisible pérenne sur lequel reposent les mots formant pas moins de 44 poèmes commençant par Ma dernière carte pour opportunément finir Dans la pierre brute. Le mot pierre apparait d’ailleurs à profusion pour bâtir l’équivalent d’une tour de vers, à la plus haute verticale possible. On a presque envie de couper le dos du livre pour en aligner les textes selon la largeur, telle une cheminée (p.76) menant à La lumière (p.77), ou bien tel un très long parchemin susceptible d’emballer à la Christo, toutes les sculptures qui y sont photographiées.

La lumière
À clairevoie     
Dans la découpe à l’étincelle

De la pierre

Son éclat ne doit
Rien au métal d’or ou d’argent

Rai ébloui

Semence d’univers
En plein cœur Jetée Dans la pierre têtue

Pétillement
Arraché
À l’infini vibrant

Oui, ce recueil est sculpté, lui aussi. Il est moins l’imprimé de mots à l’encre noire, que l’évidement de pages blanches pour laisser paraître la sombre profondeur des traits de l’alphabet. En tout, la forme poétique fait penser à la glyptique, cet art de la gravure sur pierres fines. Ceci invite à lire avec une attention plus accrue, car il semble bien que les vides entre les lignes en disent au moins autant que le plein des énoncés.

Dans la pierre brute
Un chemin furtif Vers la lumière On peut ne pas le voir
Tout dépend
De l’œil intérieur

Tito Dupret