À l’école des hommes

Karine LAMBERT, Les hommes aussi ont la chair de poule, Storylab, 256 p., 17 € / ePub : 7.49 €, ISBN : 978-2381580029

Karine Lambert les hommes aussi ont la chair de pouleLes questions de genre traversent l’ensemble de notre société et il ne se trouve pas un jour où l’actualité n’alimente pas le débat sur les relations hommes-femmes, rendant chaque fois plus indéfendables les inégalités qui subsistent et, partant, les raisonnements et comportements qui les entretiennent. La littérature n’échappe nullement à ce mouvement de fond auquel elle a précisément largement contribué depuis des décennies.

En 2014, Karine Lambert publiait L’immeuble des femmes qui ont renoncé aux hommes, qui lui a valu le prix Saga café 2014 du meilleur premier roman belge. Ce livre a connu un succès significatif qui dépasse de loin nos frontières et celles de la francophonie. Il met en scène cinq femmes qui ont décidé de faire maison commune et ont choisi d’en interdire l’entrée aux hommes.

Avec Les hommes aussi ont la chair de poule, l’autrice y donne un pendant masculin. Tout démarre par une rupture dans un couple qui rénove une ancienne école parisienne pour y aménager des chambre d’hôtes. Louise quitte Max épuisée par ce projet énergivore dans lequel elle ne se retrouve plus, le laissant seul sur le chantier avec ses obsessions de bâtisseur. Il ne restera pas isolé longtemps car il est rejoint par quatre autres hommes dans la même situation que lui. Max, Simon, Théo, Paul et Fabrizio viennent d’horizons et de cultures différents et l‘organisation de la vie commune n’est pas une mince affaire entre ces êtres  qui vivent la rupture sur des registres divers, passant de la colère au spleen amoureux, de l’abattement total à l’hyperactivité. Chacun a son histoire, certes, mais l’infortune partagée favorise l’écoute et la compassion. À telle enseigne qu’une forme de fraternité joyeuse s’instaure dans laquelle chacun trouve son compte. Ils savent pourtant que leur histoire est en suspens alors qu’ils ont décidé eux aussi de ne pas inclure de femmes dans l’école. Vont-ils tenir le coup et faire face aux ragots du quartier et aux provocations des femmes qui ont renoncé aux hommes et qui viennent les narguer ?

Composé de séquences rapides aux dialogues fournis et vifs, animé de personnages colorés, assaisonné d’humour et de situations cocasses, le roman se déroule sur le ton de la comédie mais aborde avec finesse des thématiques contemporaines, tout en prenant le soin de poser des questions sans nécessairement s’empresser d’y répondre. Cette fresque masculine toute en nuances célèbre surtout l’amitié et la solidarité entre pairs qui permettent aux naufragés de reprendre pied et, que l’on soit d’ailleurs homme ou femme, de se projeter dans l’avenir.

Thierry Detienne