Échos d’une arborescence évidente

Pierre WARRANT, Le temps de l’arbre, Cygne, 2020, 103 p., 13 €, ISBN : 978-2-84924-625-2

warrant le temps de l'arbreLes récentes recherches en matière de communication végétale ont confirmé ce que beaucoup pressentaient. Les arbres dialoguent entre eux et avec l’environnement. Ces nouvelles conclusions scientifiques n’ont sans doute pas échappé à l’ingénieur Pierre Warrant dont on sait, depuis la publication de ses deux précédents recueils – Confidences de l’eau (2016) et Altitudes (2013) –, l’attention qu’il porte au souffle vital que lui inspire la communion avec la nature. Arpenteur, voyageur, photographe, c’est avant tout en poète qu’il tente de mettre des mots sur ce langage des saisons.

ainsi
se pourrait-il
que l’arbre et son écho
se disent des choses

Des émotions topographiques et climatiques que le poète parvient à décrire au plus près de ce sentiment d’humilité face au spectacle du monde et dont sa poésie se fait l’écho. L’écho de la terre, la rumeur de l’écorce que l’on ne peut arriver à entendre que lorsque la parole s’exile.

je cherche une parole
dans le silence des graines
et ce qu’elles chantent
de la pluie douce
en écoutant la terre.

Ce troisième recueil, Le temps de l’arbre, fait lui-même écho aux deux premiers. La conscience de l’arbre organique dès lors irriguée par les confidences de l’eau et dont le faîte serait bercé par les nuages d’altitudes. Une canopée battant au rythme d’une sève pulmonaire. Des racines comme autant de réseaux de communication, rhizome langagier que seuls les initiés sont à même de déchiffrer, comme une oreille posée / à la fontaine / d’un cœur qui bat.

Régi et chahuté par les saisons, le climat et ses variations, l’arbre-flux doit faire face désormais à d’autres dangers, la fureur et le bruit des hommes. Le poète le sent, le poète le sait car

tout va trop vite
l’amour est brusque
la nuit des ombres est sans remède
les cloches sont sourdes à nos attentes
on erre désespérés entre les ruines

Ainsi, si l’arbre-monde ressent la peur, s’il plie parfois, il sait qu’au fond coule en lui la dernière force vitale, celle que l’on n’oublie jamais, celle qui prend sa source au creux des choses et qui palpite du fond des âges.

Rony Demaeseneer