Le continent du fragile…

Anne-Marielle WILWERTH, Là où s’étreignent les silences, Bleu d’encre, 2020, 85 p., 12€, ISBN : 978-2-930725-34-5

wilwerth la ou s etreignent les silencesComme nous l’évoquions à la fin d’une précédente recension, c’est sur un quai bercé par une brise marine légère que nous retrouvons avec plaisir Anne-Marielle Wilwerth. Un nouveau recueil qui ne pouvait trouver plus bel ancrage que l’enseigne des éditions Bleu d’encre tant les nuances de la couleur bleue semblent iriser l’œuvre de l’auteure. Un bleu peut-être plus dilué ici que dans le dernier livre, Ce que le bleu ne sait pas du fragile, paru en 2019, un peu plus flou, plus léger qui irriguerait des ciels ordinaires où flânent des funambules. C’est donc en empruntant à la palette du peintre son bleu outremer qu’Anne-Marielle Wilwerth poursuit l’édification de sa cathédrale de silence. Chaque recueil venant d’une certaine manière et presque paradoxalement combler les vides d’une architecture vouée à l’effacement, au retrait.

Au bout du quai
les bleus insulaires
viennent applaudir
l’immense
avant l’effacement

Avec cette envie de briser l’agitation du monde, de laisser résonner en nous ce que le silence a de lénifiant, Anne-Marielle Wilwerth dénoue avec justesse les mailles souvent trop serrées de notre quotidien. Un maillage étroit, étriqué qui ne laisserait que peu de place à l’épuré, à l’insouciance. Calant sa plume au rythme immémorial des marées, la poétesse continue de sillonner le continent du fragile. Se dessine dès lors, cette archéologie du silence qu’elle ne cesse d’explorer et dont la phrase en exergue de Guillevic se fait l’écho : « le poème est la sculpture du silence ». Face aux bouillonnements, aux torrents, aux flots charriant nos incertitudes, l’immensité du large constitue sans doute l’unique lieu où apaiser nos démesures.

Nous naviguons souvent
sur des mers indociles
d’où émerge pourtant le sacré
qui de son plein gré
vient disperser les doutes

Sur la jetée, nous la croiserons sereine, un jour de septembre. Juste à côté d’un phare silencieux, guettant le sillage d’un cormoran, d’un albatros peut-être, le regard gîtant vers l’azur, bien loin des clapotis de mémoire.

Rony Demaeseneer