Xavier DEUTSCH, La déclaration du juste, Sablon., 2021, 210 p., 15 €, ISBN : 9782931112038
Dans ce récit d’anticipation, Xavier Deutsch nous projette en décembre 2087 dans les Asturies. Émile Poil, un vieil homme de 86 ans, dont le métier consiste à conduire des personnes, communiquer des messages et allumer des feux, est chargé cette fois-ci d’emmener un jeune garçon de 12 ans, Antonin, auprès de Cisco, à 40 kilomètres dans les montagnes. Des raisons de ce voyage, nous ne savons rien et un brin de mystère planera tout au long du récit.
Nous découvrons le monde après qu’il a connu une crise climatique, alimentaire et sanitaire. Tel qu’il nous est présenté, il est tout le contraire de celui d’une dystopie : les êtres humains vivent désormais dans la paix, la simplicité et la lenteur. Internet et la publicité n’existent plus, l’électricité est fournie par les arbres, le langage a changé, la terre est respectée par les hommes, qui sont habités par les sensations que la beauté de la nature leur offre.
Pour en arriver là, les êtres humains ont dû traverser la guerre de Guinée dont la paix a été entérinée grâce à la conférence de Tallinn. Nous en apprendrons peu à peu les détails durant le voyage d’Émile et Antonin, même s’il est dominé par le silence. Le jeune garçon est beau car paisible, et sa beauté est embrassée avec bienveillance par le vieil Émile qui se remémore ce qu’Antonin n’a pas connu.
Ma mère avait travaillé quinze ans dans une usine d’Armentières qui fabriquait des revêtements ignifugés. Elle avait manipulé de l’amiante. Elle en avait attrapé une asbestose incurable qui lui avait mangé les poumons. Depuis un mois, revenue de la clinique, elle gardait le lit, dans sa chambre voisine de la mienne.
À 16 heures, lorsque j’étais revenu de l’école, je n’étais pas allé l’embrasser. J’avais filé dans ma chambre et j’avais enclenché Choplifter. Vers 16h30 (le médecin l’établissait avec une relative précision), ma mère était morte, seule, dans son lit, après une dernière et douloureuse convulsion. À ce moment-là, j’envoyais un missile sur une poignée de zombies, je contournais une île par l’ouest et je m’approchais de la base secrète.
Xavier Deutsch nous offre à travers La déclaration du juste un récit oscillant entre le road trip et le conte, où une grande place est donnée à l’atmosphère intimiste et sereine dans laquelle l’être humain vit désormais. Les personnages rencontrés ne sont pas des grands bavards et nous font entendre leur paix intérieure à travers leurs gestes lents. Grâce au style épuré dominé par une économie de mots, le récit gagne en puissance et nous montre que dans un monde où l’homme est imparfait mais bon, la déclaration du juste s’impose comme une évidence. Un roman doux et inspirant.
Séverine Radoux