Déplacements et floraison

Un coup de cœur du Carnet

Christine GUINARD, Autour de B., avec des photographies de France Dubois, Unicité, 2021, 13 €, ISBN : 978-2-37355-580-6

guinard autour de b« […] et rien ne pourrait rivaliser malgré le poids du ciel et le chaos des routes, avec l’aptitude singulière à creuser insensiblement le sillon du renouveau – la fraîcheur de l’eau du nord et l’entrebâillement des langues, des esprits et des corps traversés même loin des côtes par l’eau salée. »

Après son dernier recueil poétique, le merveilleux Sténopé (éditions Unicité), Christine Guinard nous revient avec un autre tout aussi merveilleux (et très différent) recueil, Autour de B., paru aux mêmes éditions. La quatrième de couverture développe le contexte de l’écriture : « Autour de B. évoque le retrait inquiétant mais splendide dans Bruxelles au printemps 2020, entre déambulation intérieure et avènement d’une floraison luxuriante. » Si le recueil est donc pleinement contextualisé, il acquiert pourtant, comme toujours chez Christine Guinard, une dimension intemporelle.

D’où vient cette dimension d’intemporalité qui frémit à la lecture de ce livre ? Sans doute du juste équilibre, dans l’écriture de Christine Guinard, entre habiter un corps et incarner un lieu. De l’un à l’autre, l’écriture est un vecteur de déplacement, une force de soulèvement et l’insufflation d’une transformation. Une floraison, pour ainsi dire, que viennent appuyer dans le présent recueil les photographies de France Dubois. À l’image des magnolias et cerisiers – motifs récurrents dans le texte de Christine Guinard, porteurs de sens – capturés par les photographies de France Dubois, le texte se lit, dirait-on, floralement.

nous vivions en marge et déployés comptant sur B. qui régénérait son ciel et poussait à bout de pore les oiseaux éberlués 

Florale, en effet, que cette écriture qui épouse les linéaments d’une sève intérieure, d’un désir de poussée et d’élévation – entre le « ventre » et les « poumons ». Comme parallèlement aux trajets entre ces deux lieux corporels prégnants dans l’écriture de Christine Guinard, le sujet lyrique se meut, au moyen de la marche, de la course ou de la réminiscence, entre B. et P. (à savoir Bruxelles et Paris évoqués par une simple initiale qui appuie la dimension d’intemporalité précédemment évoquée). Entre B. et P. certes, mais l’horizon de l’écriture est bien celui de l’immensité – le mot par lequel Christine Guinard désigne ce mouvement d’indistinction entre l’âme et le corps.

Scandé en une vingtaine de textes de longueur plus ou moins égale, au travers d’un style aussi déployé que fluide, ce recueil tourne autour d’un élément précis : c’est en habitant notre centre que le regard se diffuse vers nos périphéries. En effet, comme dans Sténopé, la fonction de l’œil et du regard n’est autre que de se rendre sensible à l’envers des formes visibles. Nos périphéries deviennent alors comme autant de perspectives multiples, inquiétantes parfois, mais toujours puissamment transformatrices : « […] attendre de voir serait la condition de survie d’un univers entier ».

Charline Lambert