La rentrée littéraire belge : une revue de presse

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Photo Pixabay

Plus de 500 romans déferlant vers les librairies de la mi-août à la fin septembre, selon le calcul de Livres Hebdo. La rentrée littéraire aura fait dans la démesure, cette année encore. Et condamné à l’anonymat les nombreux livres qui n’auront pas la chance d’être des « têtes de gondole ».

Les auteurs et autrices belges, nombreux, qui ont participé à cette grande liturgie automnale des Lettres ont bénéficié, comme tous leurs confrères, d’une exposition médiatique variable. Tour d’horizon des journaux, magazines et blogs, sur papier ou en ligne, et de ce qu’ils écrivent de la rentrée belge.

Les listes de la rentrée
Nothomb et Wauters, stars de la rentrée
Des premiers romans remarqués
Les romanciers à la fête
Il n’y a pas que le roman…
Pour conclure

Les listes de la rentrée

N.B. : Un hyperlien renvoie vers tous les articles évoqués disponibles en ligne  (gratuitement ou sur abonnement). L’absence de lien indique un article paru uniquement en édition papier.
Les liens sur les titres de livres renvoient à leur recension dans Le Carnet et les Instants.

Face aux piles de livres qui s’amoncellent dans les armoires, une première manière d’opérer une sélection est de présenter une liste, mettant en exergue les 10, 20 ou 50 choix de la rédaction pour cette rentrée.

Les Inrocks en ont même choisi 60 : 30 romans, 10 essais et 20 BD, traductions et livres francophones mélangés. Dans cette liste, une autrice de chez nous : Lou Kanche, pour son premier roman Rien que le soleil, paru chez Grasset. L’hebdomadaire en salue « la phrase sensuelle » et apprécie cette « ode à l’indépendance et à la liberté ».

Le même roman figure dans les « 12 coups de cœur » retenus par Les Échos en introduction à cette rentrée littéraire. « Le coup d’essai de Lou Kanche est fiévreux et tendu », commente Alexandre Fillon.

Focus Vif, le supplément culturel du Vif-L’Express, a quant à lui retenu de cette rentrée 40 romans, francophones et traduits. Trois auteurs belges parmi eux : Philippe Marczewski pour Un corps tropical de  (Inculte), « roman rocambolesque qui ne se départit jamais d’un sens du tragi-comique indéniable » ; Antoine Wauters pour Mahmoud ou la montée des eaux (Verdier), « apnée poétique, […] roman puissant », et Amélie Nothomb pour Premier sang (Albin Michel), « Sans doute le roman le plus intime de la star belge de chaque rentrée littéraire ». Le même magazine a aussi sélectionné « les essais qu’on attend le plus » cet automne. Deux Belges dans cette catégorie : Portier de nuit de Véronique Bergen (Impressions nouvelles) et Paul Klee jusqu’au fond de l’avenir de Stéphane Lambert (Arléa).

Le Soir du 20 août consacre une pleine page à la rentrée littéraire et une colonne à la « forte présence » des Belges. Le quotidien annonce ensuite les romans les plus attendus de cette rentrée, dans une liste non commentée où les livres parus en Belgique voisinent avec ceux qui sont publiés dans l’Hexagone. Y sont de nouveau mentionnés Premier sang, Un corps tropical, Rien que le soleil et Mahmoud ou la montée des eaux, mais aussi L’Asturienne de Caroline Lamarche (Impressions nouvelles), Alice et les autres de Vinciane Moeschler (Mercure de France), Cendres d’Anne Duvivier (M.E.O.), Archie d’Alia Cardyn (Robert Laffont), La garde-robe de Sébastien Ministru (Grasset), L’arbre du retour de Luc Baba (Maesltröm), Crime d’initiés de Michel Claise (Genèse), Le complexe du gastéropode de Catherine Deschepper (Weyrich) ou encore Retour en pays natal de Nicolas Crousse (Castor astral). La liste reprend aussi les premiers romans : S’en aller de Sophie d’Aubreby (Inculte), Ces enfants-là de Virginie Jortay (Impressions nouvelles), La fille sur le banc de Bernadette de Rache (Weyrich). Pour les nouvelles, le journal retient les Belgiques de Luc Dellisse, Colette Nys-Mazure et Laurent Demoulin, les recueils de Tristan Alleman et Carino Bucciarelli à paraitre chez Traverse et les Chroniques de fin de millénaire d’Eric Dejaeger, attendues au Cactus inébranlable. Trois essais – Paul Klee, jusqu’au fond de l’avenir de Stéphane Lambert, Le tapis volant de Patrick Deville (entretiens menés par Pascaline David, Diagonale) et Portier de nuit. Liliana Cavani de Véronique Bergen – et une réédition, celle de la poésie et des essais de Roger Bodart chez Samsa – complètent cette sélection.

Dans sa présentation de la rentrée parue le 18 août, La Libre s’est livrée au même exercice, mettant elle aussi en avant dans la rubrique « On en parle » une sélection de livres d’auteurs belges – des romans exclusivement, et la plupart publiés en France – prévus entre août et octobre : La garde-robe, Un corps tropical, Alice et les autres, Retour en pays natal, Rien que le soleil, L’Asturienne, Ces enfants-là, Archie, Ici, la Béringie de Jeremie Brugidou (éditions de l’Ogre), S’en aller et L’heure des olives de Claude Donnay (M.E.O.).

Dans ses « 20 coups de coeur« , Le Figaro met en avant les 20 romans francophones de la rentrée que la rédaction a préférés. L’un d’eux est Premier sang : « D’une écriture à la fois délicate et vive comme l’épée d’un hussard, [Amélie Nothomb] prête sa voix à son père pour rédiger une vraie-fausse autobiographie« . Le même quotidien propose aussi une sélection de primo-romanciers, « 12 auteurs à découvrir« . Comme Les Inrocks, le journal retient Rien que le soleil de Lou Kanche : « Pari réussi pour Lou Kanche, qui nous offre un premier roman de haute tenue. Si ses personnages principaux sont jeunes, comme elle – elle est née en 1991 -, son texte, son sens de la narration, ses pensées possèdent les accents de la maturité« .

Les Grenades, le média féministe de la RTBF, retiennent de cette rentrée « 10 livres féministes à ne pas manquer ». Deux autrices belges y sont répertoriées : Virginie Jortay dont Ces enfants-là est décrit comme « un  roman déjà largement remarqué et comparé au sensationnel La familia grande de Camille Kouchner » et Joëlle Sambi, pour le recueil de poèmes Caillasses (L’arbre de Diane), que les Grenades saluent comme « une sorte de manifeste contre les violences raciales, sexistes et homophobes ».

Livres Hebdo publie « le palmarès des libraires » : le magazine a interrogé 353 libraires pour établir un classement des 20 romans francophones et 20 romans étrangers parus à la rentrée littéraire. Une seule romancière belge intègre ce classement : Amélie Nothomb, dont Premier sang se classe 16e. Le même magazine souligne que l’autrice belge est la « star » du classement : elle a été l’écrivaine la plus souvent citée en dix années d’existence du palmarès des libraires.

Sous couverture, l’émission littéraire télévisée de la RTBF, propose sur sa page web une sélection d’ouvrages renouvelée chaque semaine depuis la rentrée. Les sélections hebdomadaires ont tour à tour repris Mahmoud ou la montée des eaux d’Antoine Wauters (« Antoine Wauters choisi [sic] la poésie pour parler de la Syrie, de la rage et de l’horreur« ), Rien que le soleil de Lou Kanche,et, le 26 septembre, Retour en pays natal de Nicolas Crousse (« une réflexion sur la paternité et le rôle des pères dans notre société« ) et Ces enfants-là de Virginie Jortay (« un vrai voyage dans le temps, plus précisément au cœur des années 70 en Belgique, dans une famille dite « moderne »« ).

Nothomb et Wauters, stars de la rentrée

Amélie Nothomb est à chaque rentrée littéraire – elle n’en a manqué aucune depuis 1992 et la sortie de son premier roman Hygiène de l’assassin – l’une des autrices les plus médiatiquement en vue. Cette année 2021, où elle présente un roman consacré à son père décédé en 2020, ne déroge pas à la règle. Moins habituel, un autre auteur belge bénéficie lui aussi d’une très grande faveur des médias : Antoine Wauters, dont le roman figure dans les premières sélections du prix Décembre et du Médicis, entre autres.

nothomb premier sang

Si les livres d’Amélie Nothomb sont tous largement commentés dans la presse, ils donnent souvent lieu à des appréciations divergentes. Premier sang, le cru 2021, semble quant à lui susciter une rare unanimité. « Pour la première fois, Amélie nous bluffe », titre d’ailleurs Jérôme Garcin dans BibliObs, sous le charme de cette « comédie pétillante et inconvenante ». Pour Télérama, Nathalie Crom se montre très élogieuse vis-à-vis d’une romancière « au meilleur d’elle-même : cruelle, tendre, drôle ». Dans La Libre, Guy Duplat, qui accorde 3 étoiles à l’ouvrage, apprécie « un fort bel hommage à son père, Patrick Nothomb ». Un peu moins enthousiaste que son confrère (2 étoiles), Pierre Maury du Soir met lui aussi en exergue l’hommage au père : « Dessiné à traits précis et affectueux par Amélie Nothomb, il devient en tout cas un personnage attachant qu’on ne regrettera pas d’avoir connu ainsi, par l’intermédiaire de son double romanesque». Les blogueurs sont du même avis : Le coin lecture de Nath loue « un roman émouvant, magnifique, très personnel », tandis que Lu, Cie & Co met en avant les qualités stylistiques d’un roman « excellemment écrit, avec un goût inouï pour le mot juste ».

Le livre d’Amélie Nothomb a été évoqué dans une large gamme de médias, d’Elle au Masque et la plume, des plus populaires aux plus élitistes, dont on ne peut donner ici qu’un échantillon. Mahmoud ou la montée des eaux d’Antoine Wauters a probablement moins touché les plateformes (très) grand public. À la guerre des étoiles, Antoine Wauters l’emporte toutefois largement.

wauters mamhmoud ou la montee des eauxC’est l’auteur de Césarine de nuit que Le Monde des livres du 27 août a choisi pour sa Une. Jean Birnbaum voit dans le « superbe » Mahmoud ou la montée des eaux un roman qui « réaffirme la puissance des mots pour désigner le Mal ». L’Écho, qui lui décerne 5 étoiles, vante « [u]n récit éblouissant de liberté, à la fois actuel et sans âge ». Pour Le Soir (3 étoiles), Pierre Maury souligne qu’ « Antoine Wauters romancier reste poète ». Une poésie que mettent aussi en avant Véronique Rossignol pour Livres Hebdo  (« la poésie qui reste, quand tout a été submergé ») et Le coin lecture de Nath (« C’est puissant, émouvant.  Certains passages sont à lire à voix haute apportant encore plus de puissance, de force à un espoir, un cri de liberté »). Le magazine en ligne Diacritik évoque le roman d’Antoine Wauters par le biais d’une interview de l’auteur.  Johan Faerber souligne en préambule que Mahmoud ou la montée des eaux est « un des très grands romans de cette rentrée littéraire. Véritable splendeur de langue, bouleversante épopée d’un homme pris dans plus d’un demi-siècle d’histoire de la Syrie, chant nu sur la nature qui tremble devant l’humanité et sa rage de destruction : tels sont les mots qui viennent pour tâcher de retranscrire la force vive d’un récit qui emporte tout sur son passage». Pour Lire – Le Magazine littéraire qui lui décerne 4 étoiles, « [s]a prose incantatoire transfigure les genres (contes, romans, récits, poèmes) pour créer des personnages rares et des mondes parfois imaginaires dans lesquels s’inscrivent les inquiétudes et les drames de notre temps« .
Voix discordante dans ce concert de louanges, Jeanne Bacharach émet de sérieuses réserves sur le roman pour En attendant Nadeau : « Le désir de poésie et de beauté qui habite chaque page de ce livre recouvre malheureusement une forme de naïveté et questionne, par son exotisme, la légitimité de l’auteur à s’emparer d’un tel sujet« .

Des premiers romans remarqués

Après une rentrée 2020 où les maisons d’édition avaient misé sur des valeurs sûres, la rentrée 2021 a vu le grand retour des premiers romans. Nombreux sur la ligne de départ – Livres Hebdo en annonçait 75 sur les 521 romans de la rentrée –, ils ont bénéficié d’une attention certaine des médias.

kanche rien que le soleil

Rien que le soleil, le premier opus de Lou Kanche, a connu, on l’a dit, les honneurs des sélections de rentrée des Inrocks, du Figaro et des Échos. Le webzine Baz’Art se montre tout aussi conquis : « Lou Kanche dit l’incertitude de l’époque et de la jeunesse, le vertige de l’impossible, les contradictions entre confort et attrait des lointains. Rien que le soleil vibre d’une sensualité inquiète et souvent puissante ». Le livre décroche aussi 2 étoiles dans La Libre. Marie-Anne Georges s’attarde notamment sur le style particulier de l’autrice : « Cascade de mots dans une même phrase qui englobe autant le ressenti de l’héroïne que les conversations qu’elle tient avec ses amis ».

jortay ces enfants-là

Ces enfants-là de Virginie Jortay reçoit 2 étoiles dans Le Soir. Jean-Claude Vantroyen voit dans ce livre un « roman violent [qui] est le récit d’un long itinéraire vers la libération ». Les Grenades, qui ont donc classé le volume parmi les 10 livres féministes de la rentrée, lui ont ensuite consacré une critique plus longue, signée par July Robert. Elle décrit le livre comme un « récit visant à retranscrire un mécanisme structurel d’intrusion visuelle et physique », dont elle espère qu’il donnera aux lecteurs et lectrices « force et puissance afin de s’inscrire (plus) sereinement dans le monde ». Sur son blog, Joëlle Palmieri approuve avec vigueur ce « pavé dans le marais des années de « libération sexuelle » et au-delà un javelot dans l’univers invisible de ces mères complices de leurs maris, amants, amis, bien volontiers violeurs, pédophiles, incestueux« . Le blog de Argali salue « [u]n récit brutal, sans faux semblant, qui dit crument mais avec sincérité le vécu d’une jeune fille. Une écriture ciselée et précise, une plume féroce pour une histoire bouleversante et édifiante à lire absolument« . De même pour Bazar Magazin, Anouk Van Gestel parle d’un « premier roman coup de poing« .

brugidou ici la beringie

Publié aux éditions de l’Ogre, Ici, la Béringie de Jeremie Brugidou a fait l’objet de plusieurs papiers élogieux. Il est l’un des premiers romans de la rentrée bénéficiant d’une avant-critique dans Livres Hebdo au mois de juillet. Sean Rose souligne que « tout l’art de ce primo-romancier à l’écriture à la fois poétique et fluide, est de nous plonger dans les blanches étendues de la Béringie comme dans les paysages intérieurs des personnages, et de nous faire entendre la respiration de la Terre en nous rendant attentifs aux battements de cils de ce grand corps cosmique. […] la Béringie est une métonymie de notre condition de vivant, une métaphore de l’impermanence qui la caractérise ».
Diacritik consacre au roman et à son auteur une interview et une critique, signée par Jean-Philippe Cazier. Il expose l’ambitieux projet du primo-romancier : « Le premier roman de Jeremie Brugidou est un roman d’aventure et une forme de dystopie, une réflexion anthropologique et politique autant qu’une œuvre qui tend vers la SF, un livre de rêves comme une enquête où la science et l’imaginaire vont ensemble. Le livre articule toutes ces dimensions pour dire et imaginer le monde – notre monde, ce qu’il est et ce qu’il pourrait être ».
Dans L’Humanité, Alain Nicolas décèle l’influence du cinéma – Brugidou avait déjà un parcours de cinéaste avant de s’essayer à l’écriture romanesque – sur le livre : « Le roman, très visuel, procède par tableaux puissamment évocateurs ». Libération, par la plume de Frédérique Roussel, consacre une brève critique à « cet intéressant et prenant premier roman à trois temps ».
Pour En attendant Nadeau, Sébastien Omont a aussi savouré sa lecture : « La réussite d’Ici, la Béringie tient à la manière dont l’écriture de Jeremie Brugidou tisse des connexions entre ce qu’on a l’habitude de tenir pour séparé – périodes, règnes, disciplines scientifiques – et au fait qu’il arrive à évoquer tout un espace-temps, avec sa flore et sa faune – des champignons aux mammouths – à travers les histoires de ses personnages, tout en esquissant une autre façon à la fois d’habiter le monde et de raconter« .

d aubreby s en aller

Focus Vif a quant à lui beaucoup aimé S’en aller de Sophie d’Aubreby : « En quatre moments-clés encadrés par des ellipses (de quoi permettre au texte de conserver son souffle singulier, entre tensions et relâchements), Sophie d’Aubreby donne corps et gestes à cette protagoniste en quête ardente d’émancipation. Il y a autant de ventre que d’élégance dans ces pages-là ». Le blog Charybde 27 se montre lui aussi particulièrement enthousiaste : « Écrit avec beaucoup d’habileté, de sensibilité et d’intelligence, S’en aller est d’emblée un roman qui marque, qui bouscule les corps, durement, pour inscrire son échappée belle dans le paradoxe et dans la lutte quotidienne qui n’exclut ni amour ni amitié, bien au contraire. Alors que nous avons aujourd’hui plus que jamais besoin de figures mythiques sachant rester subtiles, d’exemples réels et fictionnels dépourvus de caricature mais sources de signification, Sophie d’Aubreby nous en offre une magnifique, puissante et complice ». Un peu plus réservé pour Le Soir, Pierre Maury décerne 2 étoiles au roman et insiste sur la trajectoire féministe nuancée qu’il met en scène : « Une trajectoire unique. Exemplaire quand même ».

de rache la fille sur le banc

Sur son blog Les Plaisirs de Marc Page, Willy Lefèvre met à l’honneur La fille sur le banc de Bernadette De Rache (Weyrich). Il salue « une écriture plaisante, un récit structuré et un art consommé de plonger le lecteur dans l’intrigue. Aux dialogues mesurés succèdent des descriptions d’espace dignes du regard affûté d’un grand metteur en scène. […] Tout semble naturel tant l’écriture est juste, bien ponctuée, loin des exercices de pures fantaisies éphémères d’auteur(e)s en vaine recherche de notoriété ».

Les romanciers à la fête

Si les premiers romans bénéficient souvent d’une attention particulière, due notamment à l’attrait de la nouveauté, les romanciers confirmés n’ont pas non plus été oubliés en cette période.

baba l'arbre du retour

Pour Les Plaisirs de Marc Page, Willy Lefèvre annonce la sortie prochaine de L’arbre du retour de Luc Baba (Maelström reEvolution), qu’il a lu sur manuscrit : « L’écriture est cinglante. Le verbe siffle comme le fouet. La plume acérée de l’auteur marque le lecteur tant la mémoire est mise à vif« .

crousse retour en pays natal

Avec Retour en pays natal, Nicolas Crousse obtient 3 étoiles du journal Le Soir, où il est par ailleurs journaliste culturel. C’est Jean-Claude Vantroyen qui chronique son livre : « Nicolas Crousse se raconte, mais cette intimité n’exclut jamais le lecteur, au contraire, elle parle à tout le monde, elle est, osons le mot, universelle ». Une universalité qui a aussi marqué Emmanuelle Jowa pour Paris Match : « Il y a de l’universel dans ce récit qui, outre la réflexion sur l’amour filial et la paternité, est une ode à la vie, à l’amitié, aux belles choses et aux belles pensées« . Pour Le Soir Mag, qui lui décerne 3 étoiles, le livre est « un très attendrissant bouquet de mots venu de l’enfance ».

donnay l'heure des olives

Pour Les belles Phrases, le blog dont il est rédacteur en chef, Éric Allard a lu et approuvé L’heure des olives, le nouveau roman de Claude Donnay (M.E.O.) : « Un roman beau et fort, qui provoque le frisson. Ancré, engagé dans son époque, la nôtre, il pose de multiples questions existentielles sans les résoudre toutes, de sorte que le lecteur les prenne à son compte et prolonge ainsi sa réflexion ». C’est Isabelle Bielecki qui rend compte du roman sur le site de l’AREAW : « Claude Donnay, nous entraîne d’une plume alerte dans le tournant d’une vie pour nous poser une question existentielle : efface-t-on une mauvaise action par une bonne quand d’autres se contentent d’aller à confesse ?« .

duvivier cendres

Publié comme celui de Claude Donnay aux éditions M.E.O., le roman Cendres d’Anne Duvivier fait lui aussi l’objet d’une recension sur le site de l’AREAW. Patrick Devaux souligne que « [l]’intrigue menée de main de maître touche aux cendres comme on touche à la vie quotidienne« . Dans Les belles Phrases, Philippe Leuckx a apprécié le « charme de vacances » qui émane du livre : « Enjoué, vif, fluide, le roman se lit vite et il y respire un air – assez rare – de légèreté mâtinée de gravité ». Une impression de lecture qui rejoint celle de François-Xavier Van Caulaert dans Les Plaisirs de Marc Page : « si vous en avez marre de la grisaille, que vous souhaitez avoir une impression de vacances italiennes, courez à la librairie acheter ce roman, servez-vous un bon verre et partez découvrir l’histoire d’Hélène, Lila et Violette ». Le blog Mes impressions de lecture salue quant à lui « Un plaidoyer pour la vie familiale calme ou paisible ou plutôt un réquisitoire contre la famille qui n’est que prétexte à mensonges, tromperies et autres vilenies. Chacun lira ce livre à sa façon mais tous le liront avec intérêt et plaisir« .

lamarche l'asturienne

Pour L’Asturienne, Caroline Lamarche récolte une pleine page dans Libération. Frédérique Fanchette voit dans ce grand roman familial « une déclaration de tendresse, une tentative de poursuivre après la mort une conversation avec un père affectueux mais réservé ». Qui s’exprime dans une histoire passionnante pour ses lecteurs : « Peut-on s’enthousiasmer pour l’histoire d’un métal ? Oui, au fil de la lecture, cette saga de pionniers capitalistes, de découvreurs de mines, d’innovateurs, prend corps ». Pour La Libre, Francis Matthys consacre lui aussi un papier élogieux au nouveau livre de la lauréate du prix Goncourt de la nouvelle 2019, lui décernant 3 étoiles : « Cette œuvre ambitieuse réclama des années de recherches à celle qui inscrit ses pas dans ceux de ses ancêtres. […] Pour sa richesse humaine et historique, son intégrité, ses colères et l’élégance de la langue, L’Asturienne est un récit que Marguerite Yourcenar aurait aimé ». Tania Markovic et Pascale Seys, pour la RTBF, mettent aussi en exergue « le travail titanesque effectué par l’auteure » dans les archives familiales au service d’une « quête mémorielle qui aura nécessité la passion des « vieux papiers », de la patience, un amour pour l’écriture et une grande implication personnelle« .
Dans Le Soir, Pierre Maury accorde lui aussi 3 étoiles à un livre qu’il présente comme une saga familiale réussie : « Tout ce qui inscrit une saga familiale dans l’histoire industrielle, sociale et politique se trouve réuni dans un récit fluide et pourtant marqué par de terribles secousses« . Le journaliste voit toutefois surtout dans le livre de Caroline Lamarche « un exemple frappant du grand écart entre ce que vivent les ouvriers et ce qu’en comprennent, ou veulent en comprendre, leurs patrons« .

marczewski un corps tropical

Après le remarqué Blues pour trois tombes et un fantôme, Philippe Marczewski a publié cette année Un corps tropical. Lequel reçoit 4 étoiles de Sophie Creuz pour L’Écho : « Fantaisie métaphysique, méditation sur la nature du temps, la résistance des corps et des mythes, le second roman du Liégeois Philippe Marczewski est un hilarant et brillant trompe-l’œil ». Dans Diacritik, Christian Rosset livre une longue analyse, très enthousiaste, du roman : « Si Un corps tropical joue avec le détournement de certains clichés, avec une belle intelligence du déplacement, ce qui frappe, c’est l’originalité, non du parcours en lui-même – même s’il est aussi imaginatif que savoureux, aussi informé qu’imprévisible –, mais de son point de départ : cette “piscine à vagues artificielles d’un parc tropical” que seul quelque enraciné du Nord qui aurait le sens du Sud, ou plutôt de la navigation entre les pôles, pouvait inventer (je ressens cela comme une invention, même si le lieu existe vraisemblablement dans les environs de Liège). La force d’entraînement du livre vient de l’équilibre bien trouvé entre ce qui procède du calcul et ce qui se fie au hasard – entre composition et improvisation […] ».
Sophie Creuz, qui a décidément beaucoup aimé le livre, l’évoque aussi pour la RTBF-Musiq 3, dans un article qui présente erronément Un corps tropical comme le premier roman de son auteur : « Philippe Marczewski trouve parfaitement le ton et le rythme pour exprimer à la fois la niaiserie bonasse de son personnage et son indolence tout en le plongeant dans la réalité brutale, réelle de Tropiques qui sentent bien moins la vanille mais que [sic] l’huile grasse frelatée et la poudre de kalachnikov« .
Un corps tropical récolte encore 3 étoiles dans Le Soir. C’est Jean-Claude Vantroyen qui commente le livre : « Philippe Marczewski raconte cette drôle d’épopée dans un style totalement personnel, tout inscrit dans la tête de ce « je » qui suppute, rêve, cauchemarde, paranoïse dans une sorte de logorrhée au débit puissant comme l’Amazone, dont on pourrait craindre qu’elle nous lasse et qui, au contraire, nous emballe et imprime sa marque à ce roman« . Pour Frédérique Roussel qui lui consacre une brève dans Libération, Un corps tropical est « un roman d’aventures tragicomique qu’on ne lâche pas, celui d’un porteur de valises crédule, qui de fil en aiguille se retrouve au fin fond de la forêt amazonienne malgré lui« .

moeschler alice et les autres

Alice et les autres, le nouveau roman de Vinciane Moeschler, est triplement étoilé à la fois par La Libre et par Le Soir. Pour la première, Laurence Bertels souligne « l’écriture concise, musicale, imagée et […] une succession de phrases courtes », ajoutant que « cette plongée dans les abysses de la pensée humaine et le pouvoir de l’inconscient dénonce surtout, entre les lignes, l’inacceptable. Et rend aux petites filles la pureté à laquelle elles ont droit, envers et contre tout ». Pour Le Soir, Jean-Claude Vantroyen précise qu’ « On avance dans ce récit comme dans le labyrinthe des glaces de la Foire du Midi. Des miroirs partout, et le plus souvent ils déforment la réalité. […] C’est une histoire dans laquelle l’autrice nous entraîne, implacablement, à nous regarder dans un miroir et à examiner nos doubles et nos troubles, les rôles que l’on endosse. Et dans laquelle, immanquablement, elle se projette, elle l’écrivaine qui vit toujours plusieurs vies à la fois« .

Il n’y a pas que le roman…

Les romans se sont taillé la part du lion dans la presse en cette rentrée. Les autres genres ne sont toutefois pas oubliés. La preuve.

sambi caillasses 1

Côté poésie, Caillasses, le recueil de Joëlle Sambi plébiscité par Les Grenades, reçoit aussi un bel accueil dans La Libre. Marie Baudet signale un « premier recueil de poésie qui grésille, démange, dérange, décape. Par celle qui […] continue de choisir pour arme le stylo ». Le Soir consacre un portrait à la poétesse à l’occasion de la sortie du recueil. Signé par Nicolas Crousse, il présente Caillasses comme « un chant de rage. Joëlle Sambi y évoque poétiquement […] l’ombre du patriarcat et le besoin de sororité. Elle affiche aussi son homosexualité, autre fragment de son identité […] Les chants de Joëlle Sambi sont indissociables de ses colères« .

bergen portier de nuit liliana cavani

Dans La Libre toujours, Francis Matthys accorde 3 étoiles à l’essai de Véronique Bergen, Portier de nuit. Liliana Cavani : « À ce film maudit (mais devenu culte), la prolifique académicienne belge Véronique Bergen consacre une étude qui confirme sa finesse de lecture et l’étendue de sa culture philosophique et artistique ». Pour Lelitteraire.com, Jean-Paul Gavard-Perret souligne que « [l]a phi­lo­sophe ques­tionne de manière essen­tielle ce qu’un tel film trans­porte et trans­forme […] Il existe dans ce livre une lumière néces­saire sur ce qu’un tel film fait cir­cu­ler« . Sur le blog De l’art helvétique contemporain, hébergé par le quotidien suisse 24 heures, le même critique écrit que « Véronique Bergen toujours brillante dans son écriture et sa pensée pousse plus loin les analyses sur ce film et son incandescence aussi érotique que tragique. […] Et Bergen rappelle que les moralistes ne permettent donc pas de répondre à ce qu’il en est de l’éros. Il pèse de tout le poids de l’interdit ou d’un impensable en miroir d’un autre impensable« . Pour Diacritik, Jean-Philippe Cazier aborde le livre via un substantiel entretien avec Véronique Bergen : « Véronique Bergen suit les parti pris esthétiques, cinématographiques, politiques, éthiques de la réalisatrice italienne, se tenant au plus près des forces obscures, paradoxales, peut-être insupportables du psychisme, du désir, forces qui animent des êtres en proie aux souffles les plus violents de l’Histoire, des corps, des âmes« .

lambert paul klee jusqu au fond de l'avenir

Jean-Luc Favre a lu Paul Klee, jusqu’au fond de l’avenir de Stéphane Lambert pour Actualitté : « La précision intérieure, le juste ton, d’emblée », écrit-il, « interpelle le lecteur passionné et averti, — à l’aide d’un filtre exploratoire, ou tout bonnement, une grille de lecture, propre à l’auteur ». Le livre a aussi suscité l’intérêt du média suisse Bon pour la tête,  pour lequel « Stéphane Lambert nous entraîne sur les traces de l’artiste, entre réalité quotidienne et mythologie immémoriale, questionnant le lien entre le paysage montagneux, l’ancrage au sol et la vision lunaire de l’artiste». Pour le site nonfiction.fr, Maryse Emel s’intéresse à la technique d’écriture de Stéphane Lambert, à la manière dont il peut aborder Paul Klee par le langage verbal : « Stéphane Lambert par ce filochement de son écriture dans un retour au chaos de l’origine, s’efforce à une turbulence du signe en train de naître. C’est là le moment de la rencontre entre la poésie et les œuvres de Paul Klee« .

ringlet va ou ton coeur te mène

L’Avenir consacre un article et une interview au nouveau livre de Gabriel Ringlet, Va où ton coeur te mène (Albin Michel), « un livre aux intonations de testament spirituel« , fruit d’un « travail long de deux ans afin de retracer le chemin initiatique du prophète Élie« . Pour La Libre, Bosco d’Otreppe commente, en prélude à son interview de Gabriel Ringlet : « Par une approche littéraire qui fait revivre Élie aussi bien auprès des croyants que des non-croyants, il donne à goûter à la voix d’un prophète qui n’a pas cherché à étouffer le feu d’amour brûlant qui soulevait son cœur, ni à finalement incendier la terre qui ne pouvait le suivre« .

leruth de callatay quand l'économie nous est contée

La Libre a consacré une double page à Quand l’économie nous est contée. Publié sous la direction d’Etienne de Callataÿ et Luc Leruth à la Lettre volée, ce livre donne la parole à d’éminents économistes pour une lecture d’oeuvres littéraires sous l’angle de l’économie : « Ces économistes ont-ils voulu détecter dans la littérature des apports dépassant l’intention des poètes et des romanciers ? C’est possible, et cela n’aurait rien de choquant. Il s’agit là de la liberté du lecteur, miroir de celle de l’auteur. Le seul respect dû à l’écrivain est de ne pas en faire son porte-voix.

david le tapis volant de patrick deville

Dans L’École des Lettres, Norbert Czarny s’est intéressé à un livre d’entretiens édité par Diagonale et orchestré par Pascaline David : « [l]es entretiens [de Patrick Deville] avec la journaliste et éditrice Pascaline David, aussi précis que passionnants et rassemblés dans Le tapis volant de Patrick Deville, éclairent le parcours de l’écrivain, depuis l’ensemble publié chez Minuit jusqu’à ce projet qui devrait arriver à son terme dans dix ans« .

Tuyêt Nga Nguyen Belgiques

Côté nouvelle, le blog Les Plaisirs de Marc Page consacre le 25 septembre un article à un livre qui ne devrait pourtant rejoindre les tables des libraires que le 20 octobre : Belgiques de Tuyêt-Nga Nguyen, à paraitre chez Ker. Willy Lefèvre, qui signe l’article, est conquis par le livre : « le recueil de Tuyêt est sans conteste, à mes yeux, l’un des meilleurs de la collection. […] c’est l’émotion de l’émerveillement qui saute aux yeux dès les premiers mots. […] C’est donc tantôt avec humour, tantôt avec pudeur que Tuyêt-Nga Nguyên va nous conter sa vision de ses Belgiques« .

maeterlinck pelleas et melisande

Enfin, les rééditions patrimoniales ont elles aussi retenu l’attention des journalistes, ceux du Soir singulièrement. Alain Lallemand évoque la réédition de Maeterlinck (théâtre et essais) dans la collection Espace Nord. Rappelant au passage l’indifférence de la Belgique lorsque Maeterlinck a reçu le Nobel de littérature – il est à ce jour le seul Belge à avoir reçu cette distinction –, A. Lallemand met l’accent sur le travail éditorial, cahiers iconographiques et dispositifs critiques, qui accompagnent cette réédition qui ferait « un beau volume de la Pléiade » et conclut : « Ainsi éclairée, l’œuvre retrouve toute son actualité ». Jean-Claude Vantroyen a quant à lui lu la réédition en deux volumes, l’un dédié à la poésie, l’autre aux essais, des œuvres de Roger Bodart aux éditions Samsa. Il souligne que cette double parution « est un événement. Parce que la voix poétique de Bodart est puissante et toujours essentielle » et que l’auteur est « [u]ne personnalité de la vie intellectuelle belge ».

bodart dialogues

Pour conclure

Bien que forcément incomplet, ce tour d’horizon de la rentrée littéraire vue par la presse et le web littéraire esquisse quelques tendances signifiantes. L’attention prépondérante accordée au roman, tout d’abord : il est le genre-roi, à la rentrée peut-être encore plus que pendant le reste de l’année. Il concentre sur lui l’essentiel de l’attention des médias, alors que, paradoxalement, les classements hebdomadaires des meilleures ventes compilés par Livres Hebdo montrent que les lecteurs se tournent plutôt vers les mangas, les livres pratiques et les essais.

Cette revue de presse montre encore que les médias belges à diffusion nationale conservent un fort tropisme parisien, les livres belges qu’ils évoquent étant pour la plupart des livres d’auteurs et autrices belges publiés dans l’Hexagone. Et ces livres-là sont eux-mêmes peu nombreux par rapport aux ouvrages d’auteurs de toutes nationalités recensés, bien que Le Soir ait créé il y a plusieurs mois une rubrique « C’est du belge » dans sa section hebdomadaire consacrée au livre. Ce journal veille ainsi à la présence d’au moins un livre d’auteur belge dans ses pages chaque semaine.

Ce sont surtout les blogueurs qui offrent un écho aux publications des maisons d’édition belges. Ce constat appelle bien sûr des nuances. Ainsi, par exemple, la couverture médiatique donnée au premier roman de Virginie Jortay, paru aux Impressions nouvelles, montre qu’il existe de belles exceptions. Par ailleurs, notre tour d’horizon se borne à la presse écrite, sans prise en compte de la télévision, des podcasts ou de la radio, qui pourraient quelque peu rééquilibrer la balance. Enfin, il se termine au 1er octobre, alors que les éditeurs belges publient traditionnellement leurs ouvrages de rentrée plus tard que leurs homologues français. Alors que l’essentiel de la rentrée hexagonale est déjà disponible, beaucoup de livres édités en Belgique vont seulement se frayer un chemin vers les tables des libraires. D’ici quelques semaines, le bilan pourrait donc être quelque peu différent.

Enfin, on notera que la plupart des recensions évoquées ici sont positives, voire très positives. D’aucuns y verront un affadissement de la critique, devenue machine à promotion plutôt qu’espace d’exigence et de discernement. D’autres l’interpréteront comme une décision réfléchie de consacrer l’espace, forcément limité, dévolu au livre à des lectures qui enthousiasment plutôt qu’à celles qui ont déçu.
Peut-être faut-il aussi voir dans la profusion des étoiles distribuées le reflet d’une rentrée de haute tenue, qui vient couronner une année littéraire 2021 particulièrement riche après les incertitudes de 2020.

Nausicaa Dewez 

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Le site Bibliosurf est une mine incontournable d’informations en matière de critique littéraire : il répertorie de très nombreux livres et pour chacun d’entre eux, des critiques parues sur le web. Une veille réalisée à partir d’un panel de 300 sites et blogs.