Huis clos spatial

Un coup de cœur du Carnet

Max de RADIGUÈS, Alerte 5,Casterman, 2021, 192 p., 15 € / ePub : 10.99 €, ISBN : 9782203215795

de radigues alerte 5Disons-le d’emblée : Alerte 5 est un livre formidable. Le bédéaste belge Max de Radiguès s’est attaqué à une grande aventure spatiale : à la suite de l’explosion d’une fusée lors de son lancement, provoquant le décès des trois astronautes qui avaient embarqué à son bord, la NASA suspecte une attaque terroriste. Aussitôt, le secteur est en panique et passe en niveau d’Alerte 5, le plus élevé. Un protocole strict, censé assurer la sécurité de tous, devra être appliqué par les astronautes, mais aussi les cinq protagonistes de cet album, en pleine mission scientifique sur la base d’exploration martienne. Alors qu’ils étaient déjà géographiquement isolés, les rares contacts qu’ils avaient avec l’extérieur leur sont désormais totalement interdits, et ils se retrouvent plus reclus que jamais. Comment vont-ils s’en sortir ?

Le tour de force de Max de Radiguès est qu’au lieu de tomber dans un thriller martien, un récit de suspense et de tension psychologique, il raconte avant tout l’histoire d’une bande de potes coincés ensemble. Confinés, disons-le. Il réalise un album drôle, rythmé, dont le ton se rapproche plus d’un épisode de la série Big Bang theory que d’Alien, bien qu’il rende hommage au personnage d’Ellen Ripley joué par Sigourney Weaver (la capitaine de la base se nomme… Ellen Weaver).

Les références cinématographiques sont là, et l’on sent l’auteur nourri d’une culture avec laquelle il joue avec plaisir. Ainsi, ses personnages débattent de l’ordre idéal dans lequel regarder les épisodes de Star Wars ou utilisent le film Sister Act pour remonter le moral d’une des leurs. Le reste du temps, ils jouent à twister, se disputent à cause d’un ukulélé, se désolent que les discriminations que l’on subit quand on est d’origine marocaine se poursuivent jusque dans l’espace, fabriquent de la vodka avec les patates du labo. Et la boivent… Vous l’aurez compris, l’essentiel se joue dans les relations entre les personnages plus qu’autre chose. On se réjouit de constater que quels que soient le sujet et le décor de ses livres, Max de Radiguès reste fidèle au ton humoristique et à la justesse des rapports humains qu’il donne à voir.  

En prime, l’album se clôture avec deux bonus : un épilogue « Que sont-ils devenus ? », où l’on découvre avec grand satisfaction la suite du parcours de chacun des cinq protagonistes ; et enfin trois pages dans lesquelles l’auteur décrit les conditions dans lesquelles il a créé ce livre, en plein confinement avec deux jeunes enfants qui jouent, s’ennuient bruyamment et envahissent le salon-bureau de legos, playmobils, puzzles et autres objets essentiels. Un huis clos dans un huis clos, donc.

Fanny Deschamps