La légèreté des lettres
Bruno COPPENS, L’insoupçonnable légèreté des lettres, Legrain, 1991
On ne présente déjà plus Bruno Coppens. Ses spectacles ont fait rire, et il est extrêmement difficile de savoir pourquoi on rit. D’autant que le torrent verbal du monologue donne au spectateur le sentiment de ne pouvoir tout comprendre, fait retenir le rire…pour ne pas manquer la suite. Ce suspens suscite l’envie de retourner y voir de près. La publication de textes chez Legrain représente peut-être l’occasion de démonter le « système » Coppens. Les procédés s’y laissent plus facilement saisir. Certains révèlent une grande sensibilité à la valeur musicale de la langue, à son rythme, par l’exploitation de l’allitération ou de variations sur des sons proches. S’y manifestent également le jeu des citations et leur détournement : locutions, proverbes, comptines ou références culturelles sont joyeusement perverties. Il s’agit sans doute d’un des aspects les plus réussis de l’entreprise. On perçoit cependant aussi la « fragilité » des constructions, l’arbitraire qui préside au déroulement des histoires. Celle-ci ne provient pas de l’enchaînement de séquences, mais plutôt de l’utilisation (parfois trop) systématique des virtualités du lexique, par les calembours, les doubles sens, les à peu près ou les homophonies. La morale qui transparaît (car il y en a une .et toujours sympathique) ne semble alors résulter que de l’aléatoire des richesses strictement phoniques de la langue. Coppens montre par l’absurde la vanité de tout discours. Salutaire nécessité du comique du calembour ou limite de la démarche ? L’insoupçonnable légèreté des lettres.
Joseph DUHAMEL
Le Carnet et les Instants n° 71, 15 janvier – 15 mars 1992