Xavier Hanotte : traducteur et écrivain,
une double vie éditoriale

Xavier Hanotte

Xavier Hanotte

Les manières d’entrer dans le monde de l’édition sont variées. Celle de Xavier Hanotte est passée par la traduction. Au départ de son goût pour la lecture, de ses études en philologie germanique et du plaisir de décortiquer les textes. La traduction lui a également donné un père en écriture : Hubert Lampo, qui a cru en ses talents d’écrivain avant Hanotte lui-même. Une fois le pas franchi, il s’est retrouvé dans la maison Belfond, où il s’est rapidement senti chez lui. Le début d’une aventure marquée par la fidélité.

Un rapide coup d’œil sur la bibliographie de Xavier Hanotte montre que son nom est lié, dès ses débuts, à ceux d’écrivains flamands. Ce compagnonnage remonte à plus de dix ans et manifeste un intérêt pour la culture de l’autre, dont on se plaît de plus en plus à en déplorer le manque, face à l’émergence de replis sur soi nationalistes. Pourtant, certains, et singulièrement en littérature, ont toujours manifesté une curiosité pour les créations issues d’une autre langue. Xavier Hanotte fait partie du nombre.

Traduire, une manière cachée d’écrire

ʺ « Le premier éditeur que j’ai contacté fut Jacques Antoine. À l’époque, je n’imaginais pas écrire mes propres romans. Je me suis longtemps caché derrière la traduction parce que j’ai le défaut de ne pas croire en moi. Un jour, à la radio, j’ai entendu Jacques Antoine évoquer sa collection Passé & Présent, dans laquelle il envisageait d’inclure des traductions d’auteurs flamands. Je terminais mes études de philologie germanique et sa démarche m’a paru intéressante. Ni une, ni deux, j’ai pris ma plume et je lui ai écris. Il m’a fort gentiment répondu et a proposé que je lui envoie un texte. Il se fait que j’avais commencé une traduction d’un ancien texte d’Hubert Lampo, Don Juan et la dernière main, à l’écriture artiste, un peu vieillie, assez horrible à traduire en français. Je l’avais d’abord fait pour voir ce que je valais. J’ai reçu un coup de téléphone de Lydie Vaes, l’épouse de l’écrivain belge Guy Vaes, qui avait reçu le manuscrit en lecture. Je l’ai rencontrée en compagnie de son mari. J’étais déjà en plein réalisme magique. »ʺ Le projet de Jacques Antoine sera finalement repris par les éditions Labor. Entre-temps, Xavier Hanotte s’est mis à la traduction de Brief aan Boudewijn, de Walter van den Broeck, traduction qu’il terminera lors de son service militaire. « Comme mes deux supérieurs étaient flamands et littéraires, je leur demandais régulièrement des conseils. »

En 1984, la traduction de Lettre à Baudouin est terminée et publiée par les éditions Labor, dont la collection restera malheureusement sans lendemain. Comme si l’histoire éditoriale et ʺtraductorialeʺ de Xavier Hanotte ne devait pas s’arrêter en si bon chemin, celui-ci découvre à l’époque qu’un autre éditeur, Charles-Antoine de Trazegnies, publiait des traductions d’auteurs flamands dans une petite collection, ‘La pie sur le gibet’, aux Éditions de la Longue Vue (cette maison, disparue depuis, a eu le prix Rossel avec Un été dans la combe, de Jean-Claude Pirotte). Une première collaboration porte sur Wurgtechnieken (Techniques de strangulation), de Ward Ruyslinck, que Xavier Hanotte publie sous le titre Ultimes étreintes. Il embraie sur un autre projet, à savoir un recueil de nouvelles d’Hubert Lampo.  « Ce que j’ai apprécié dans ce travail, c’est que j’ai pu le mener de A à Z, notamment le choix des textes. L’éditeur de Lampo, Meulenhoff, attendait plutôt Gallimard évidemment. Il a fallu que j’aille chercher des textes édités par Le Manteau pour que Meulenhoff accepte d’en céder. Ma toute première traduction, Don Juan et la dernière main, a servi à cette occasion puisqu’il est un des quatre récits publiés dans le recueil La Madone de Nedermunster. Avec Hubert, j’ai eu plusieurs contacts, notamment pour des questions de traduction, auxquelles il m’a répondu amplement. Comme d’habitude. Cela m’a encouragé à poursuivre dans la traduction de l’œuvre de cet écrivain qui est devenu avec le temps un véritable ami. Lui savait que j’écrirais un jour. Il avait raison. J’ai souvent dit qu’il était mon père en littérature. Il me manque. J’aimerais traduire d’autres livres de lui, mais cela prend un temps fou

Pour préciser ce qu’a été sa démarche à cette occasion, Xavier Hanotte utilise la distinction que les Anglais font entre l’editor, celui qui travaille le texte, et le publisher, celui qui met le bouquin sur le marché et en fait la promotion, qui ne sont pas nécessairement les mêmes personnes. ʺ « J’étais davantage dans la démarche de l’editor, sans que Charles-Antoine de Trazegnies n’abdique sa faculté d’aller voir dans les textes. »ʺ Pour le même éditeur, il traduira encore Le Perroquet et autres nouvelles, de Gilbert Grauws. Après La Longue Vue, dont la situation financière n’était guère brillante, notre traducteur se met à la recherche  d’autres éditeurs et se retrouve à L’Âge d’Homme, enseigne suisse, pour une deuxième traduction d’Hubert Lampo, La Venue de Joachim Stiller, en 1993. Malheureusement, l’éditeur commet une mauvaise manipulation informatique et le texte sort avec des erreurs techniques. « La belle femme devenait la belle ferme ! Cette expérience m’a laissé un très mauvais souvenir et n’a pas été pour peu dans ma décision d’écrire pour moi, d’autant qu’à la même époque je traversais une période difficile, que je n’arrivais pas à transcender. Écrire, c’était devenu survivre. Je me suis rendu compte à cette occasion que j’avais quelque chose de spécifique à écrire et c’est devenu Manière Noire. Écrire pour écrire ne m’a jamais paru suffisant. Je n’ai pas cherché de sujet, il est venu naturellement. Quand j’écris, c’est d’abord pour moi, égoïstement, pas pour un lecteur déterminé. A mes yeux, chaque roman doit venir des tripes. C’est pour cela que je ne peux pas être un écrivain professionnel, qui travaille sous la pression

D’Exégèse d’une absence à Manière noire

hanotte maniere noire

Xavier Hanotte a la trentaine quand il commence à écrire son œuvre, ce qui est relativement tard : ʺJ’ai écrit Manière noire, sans avoir même l’envie de le publier. « J’avais envie de Bart (ndlr : Barthélémy Dussert, le narrateur et personnage principal, qui va devenir emblématique de l’œuvre d’Hanotte). Une fois terminé, pour que le bonheur soit parfait, je me suis dit que ce serait dommage de ne pas essayer de l’éditer. Pourtant, j’étais persuadé que cela ne marcherait pas : un premier roman, volumineux, à cheval sur plusieurs genres, du polar, du psychologique, de l’ethnologique. En plus c’était belge et cela se voulait tel ! »ʺ Toujours taraudé par ce manque de confiance en soi, Xavier Hanotte imagine que ce roman ne peut qu’être refusé et décide de le présenter sous la forme la plus agréable qui soit : ʺ « Pour les amis à qui je le donnerais… »ʺ Impression double face, mise en page sur deux colonnes, couverture avec dessin et, comme titre original, Exégèse d’une absence. Un manuscrit le plus proche possible d’un livre. Le bel objet. Trente exemplaires sont ainsi imprimés et reliés dans une coopérative éditoriale de Louvain-la-Neuve. Le déjà écrivain encore en attente d’un éditeur décide de les envoyer par dizaine. « Dans les dix premiers destinataires, il y avait les éditeurs dont j’avais des livres dans ma bibliothèque : Gallimard, Le Seuil, Plon, Rivage… et Belfond parce qu’ils avaient édité des romans de Gaston Compère et que j’y avais découvert la poésie de Libuse Monikova. Il y avait aussi Le dernier jour du monde, de Franz Hellens, qui est un de mes grands auteurs et appartient avec Guy Vaes et Hubert Lampo à ces écrivains du réalisme magique. Belfond était donc un de mes favoris. Les dix derniers, mea culpa, étaient destinés à des éditeurs belges. J’en connais plusieurs, qui font bien leur travail, mais il n’y a rien à faire, le fantasme, ce n’est quand même pas de publier en Belgique. Il manque aux éditeurs belges un lectorat français. Si tu es publié en Belgique, tu n’es pas lu par les Français, point à la ligne. Ou alors de manière anecdotique. C’est pourquoi j’admire des éditeurs comme Francis Dannemark ou Luce Wilquin. Mon père s’est chargé d’amener à la poste mes dix premiers envois. »ʺ Ensuite, tout est allé vite. Un mois plus tard, Xavier Hanotte reçoit un coup de téléphone chez son employeur. Au bout du fil : Pierre Brévignon, lecteur chez Belfond, qui lui demande si le manuscrit a déjà été présenté chez des concurrents. ʺ « Comme je lui ai répondu positivement, il m’a dit d’emblée : ‘Il va falloir que l’on se dépêche alors…’ J’en étais bouche bée. J’avais envie de faire des culbutes dans les couloirs de mon bureau. Moralité : je me suis retrouvé avec vingt exemplaires de mon manuscrit qui n’ont jamais servi à rien. »ʺSur ce, Xavier Hanotte quitte son salon pour son bureau et en revient avec un de ces volumineux documents qu’il nous offre, avant de poursuivre. ʺ « Ensuite, sont venus les refus. Exégèse d’une absence est resté longtemps au Seuil. Leur comité de lecture a fini par le refuser. C’était très argumenté. Le plus grand plaisir a été d’écrire à ceux qui ne m’ont jamais répondu pour dire que ce n’était plus la peine de le faire… », conclut-il d’un large sourire.

Toujours sur le métier

Alors qu’il savoure encore l’avis positif communiqué par Pierre Brévignon, l’écrivain belge se trouve face à une situation qu’il revivra chaque fois qu’un de ses textes est confronté à un nouveau lectorat. ʺ « J’ai tout de suite voulu relire le manuscrit et constaté qu’il y avait encore des imperfections. Dès qu’il y a un autre regard sur un de mes textes, il se détache de moi, devient autre chose et je ressens le besoin de le peaufiner, de le dégraisser. »ʺ Preuve en est la version du même manuscrit raturée de noir et de rouge, dont il a supprimé de nombreux paragraphes. Peu d’ajouts. Plutôt des précisions. Parfois, une simple virgule. Pierre Brévignon lui donne rendez-vous chez Belfond. Voilà Xavier Hanotte parti pour Paris. Àl’époque, le siège de la maison d’édition se trouvait encore Boulevard Saint-Germain, dans le célèbre petit hôtel sur cour qui appartenait en propre à Pierre Belfond. La seule fois où Hanotte se rendra en ce haut lieu de l’édition française (la maison  déménagera par après place d’Italie, dans un bâtiment plus fonctionnel, mais plus impersonnel, où différentes maisons d’édition sont regroupées sur un même plateau de Place des Editeurs, filiale d’Editis). Lors de cette rencontre Boulevard Saint-Germain, Pierre Brévignon lui montre les premières pages du manuscrit annotées par Tony Cartano, le grand écrivain, directeur littéraire de plusieurs maisons d’édition, dont Belfond à l’époque. Et, surprise : ʺ« Ses corrections correspondaient généralement aux miennes. J’ai proposé à Pierre de renvoyer l’ensemble du livre, chapitre par chapitre, en tenant compte de cette nouvelle approche. Autre point de discussion : le chapitre treize, qui décrit la visite d’une exposition de Turner par Barthélémy Dussert. Ce chapitre ne fait pas progresser l’enquête, mais contribue à l’atmosphère. Pierre m’a demandé s’il était nécessaire. Pour moi, il n’était pas question de transiger. Pierre m’a aussi suggéré que l’inspecteur Dussert soit originaire de Paris. Ce que j’ai refusé immédiatement, sans même demander à y réfléchir. C’était probablement la bonne attitude puisque je suis toujours chez eux, même si après coup je trouve que je n’ai pas manqué de culot et que j’ai peut-être pris des risques. J’étais déjà un auteur chiant. Mais ils savent maintenant chez Belfond que je soigne à mort mes manuscrits, que je veille de près à la construction d’un roman. Je ne suis pas fils d’architecte pour rien. Jamais, au grand jamais, on ne m’a demandé de densifier ou de mettre du liant ou de couper. Il faut dire que je lis et relis avant de lâcher quelque chose. Je ne peux pas livrer un texte sans que j’en sois tout à fait satisfait. Comme je suis très exigeant et comme je transmets maintenant mes textes sous format informatique, cela laisse peu de place à toute forme d’interventionnisme qui ne m’agréerait pas. Je peaufine jusque dans la mise en page, à tel point qu’il ne faut pas ajouter les accents sur les majuscules, les C avec cédille en majuscule, les oe ligaturés, etc. Et je reste un éternel insatisfait de moi-même: quand on réédite un de mes livres, par exemple pour la collection de poche Espace Nord, je le réécris pour le dégraisser à chaque fois. Manière noire existe en trois éditions

Belfond, Belfond encore, Belfond toujours

hanotte le couteau de jenufaLa fidélité qui va lier Xavier Hanotte à Belfond et Belfond à Xavier Hanotte passera par des personnes différentes. Des femmes désormais, Pierre Brévignon ayant quitté Belfond pour son service militaire. Pascale Richard, personnalité du milieu littéraire parisien, se penchera sur De secrètes injustices et sur Derrière la colline. Pour Les lieux communs, c’est Christine Barbaste, traductrice de formation, qui sera à la manœuvre. Pour Ours toujours et L’architecte du désastre, Xavier Hanotte travaillera avec Christine Mozin, une Belge, d’origine liégeoise. Les deux derniers romans, Le couteau de Jenufa et Des lieux fragiles dans la nuit qui vient, publié l’an dernier, ont été entre les mains de Geneviève Perrin, qui s’est vue confier les destinées de Belfond français. Elle choisit les auteurs, les défend auprès de la direction du groupe, veille à l’équilibre de la collection. Peut-il lever le voile sur le travail éditorial fait sur ses textes ? « En ce qui me concerne, le travail d’édition consiste à repérer les répétitions, parce qu’il y en a toujours, et à poser des questions sur l’utilisation de tel ou de tel mot. On se rend compte que l’usage belge n’est pas toujours compris en France. Ceci dit, on en apprend parfois aux Français. Des expressions que l’on croyait être des belgicismes n’en sont pas. Avec le chef-correcteur de Belfond, Bruno Vandenbroecque, j’ai déjà eu des discussions homériques sur un mot ou un autre. » Un changement notoire, pourtant : le titre. « D’emblée, Pierre Brévignon m’avait prévenu : ‘Ici, c’est Belfond, ce n’est pas Minuit. Il faut que tu trouves autre chose.’ J’ai proposé Manière noire. J’ai rarement trouvé le bon titre du premier coup. De secrètes injustices s’appelaient Trou de mémoire. Derrière la colline, c’était un titre en anglais. Les lieux communs, Bellewaerde, mais que les Français prononçaient de façon impossible. Ours toujours s’intitulait à l’origine La vie privée des ours.ʺ

Bien qu’il ait été approché par d’autres éditeurs, Xavier Hanotte n’a eu de cesse de proposer ces romans à Belfond. « Je reste chez eux parce que la fidélité fait partie de mes valeurs. Si mes livres connaissent un jour un gros succès, j’aime autant que ce soit chez Belfond. Aller ailleurs pour que ça marche me paraît un mauvais calcul et surtout ce serait un calcul tout court. Cela ne m’intéresse pas, même si je dois rester l’écrivain belge qui n’aura jamais le Prix Rossel. »ʺDe plus, la politique éditoriale de Belfond n’est pas pour lui déplaire. « Pierre Belfond, c’est un peu le même personnage que Robert Laffont. Ils sont entrés dans le ce monde avec la volonté de réaliser des coups, mais aussi de publier ce qu’ils aimaient. Ils étaient bourrés de culture. Ils ont réussi à bâtir quelque chose.  Belfond a réédité Stefan Zweig, a publié des prix Nobel. Il s’est surtout fait une réputation dans le secteur étranger. Ils publient des romans qui sont des succès populaires comme ceux de Françoise Bourdin et des écrivains qui ne font pas des best-sellers, mais auxquels ils restent fidèles. Ceci dit, je n’ai rien contre la littérature populaire, il faut qu’elle existe, si on la supprimait, qui lirait encore ? Il ne faut pas se leurrer non plus, Belfond n’édite pas des bouquins pour ne pas les vendre. Depuis quinze ans que j’y suis, je suppose qu’ils ne perdent pas d’argent avec moi

Pas d’ours dans le tiroir

Cet attachement à la même maison d’édition, Xavier Hanotte y voit quelques avantages. « Je fais quasi partie des meubles. Avec mon ancienne attachée de presse, Brigitte Semler, il y a une vraie complicité qui s’est créée. Je ne vais pas souvent chez Belfond, mais je suis toujours content d’y aller. Je connais pas mal de personnes, même si nous ne travaillons plus ensemble. Je suis un auteur maison, comme on dit, et donc je pars avec un apriori favorable. J’ai eu une masse d’articles dans divers journaux. S’il y a des alibis culturels chez Belfond, j’en fais partie. Maintenant, quand je rends un manuscrit chez Belfond, je ne me pose plus la question de savoir s’il sera édité mais quand. Mes tiroirs sont vides. Je n’ai pas d’ours, de manuscrit qui circule et que personne ne veut éditer. Je dis cela à l’intention des cruciverbistes à la dernière page d’Ours toujours. J’y vois un autre confort : pour pouvoir sortir d’un texte et se mettre au suivant, la meilleure façon est qu’il soit édité, avec ou sans succès. Tu n’as donc plus envie de rester des années à attendre. Et puis, je ne suis pas obligé d’écrire, donc je peux prendre le temps de peaufiner mes textes. J’ai la grande chance d’être suivi par un éditeur qui n’est pas le plus petit de Paris et de ne pas être tenu à une obligation de résultat. Pour faire des succès, ils ont d’autres auteurs. »ʺ Pourtant, publier impose quelques obligations, comme les séances de signatures ou la présence à des foires du livre. Xavier Hanotte n’est pas le plus assidu à ce genre de manifestations. Ours, toujours ? « Il y a des habitudes d’édition comme participer à des salons, mais qui fondamentalement ne m’intéressent pas. Je m’y rends quand on me le demande mais, à part celui de Bruxelles où il y a une proximité avec les lecteurs, je préfère ne pas y aller. Ce n’est pas dans mon tempérament. Eric Faye, qui publie ses romans chez Stock et ses nouvelles chez Corti, est le seul écrivain avec qui j’ai une correspondance suivie, mais je ne l’ai rencontré qu’une seule fois. Beaucoup de mes amis ne font pas partie du monde littéraire. » Une belle brochette d’amis, dont Joseph Duhamel (4), qu’il cite en remerciements à la fin de son dernier roman, Des lieux fragiles dans la nuit qui vient. Des lecteurs qui participent au travail éditorial ? « Pas vraiment. Ils me font avancer, surtout avec leurs remarques générales. Je ne leur envoie pas l’ensemble du manuscrit, mais des chapitres, des scènes. Parfois, j’ai un commentaire, mais pas obligatoirement. À nouveau, ils me permettent d’avoir un autre regard sur mon texte. C’est un vertige proche de la schizophrénie. C’est comme cela que je me rends compte où j’ai menti. Le fait de savoir que je vais l’envoyer à quelqu’un accélère la maturation de mon regard. Ils me font gagner du temps. Ce sont des lecteurs de première ligne. »

Michel Torrekens


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°167 (2011)