Dernières mesures avant la postérité

Vincent ENGEL, Alma Viva, Ker, 2017, 194 p., 18 €/ePub : 9.99 €, ISBN : 2875862235

engel alma viva.jpgVincent Engel nous emmène à nouveau à Venise. En 1740 cette fois et moins pour en parcourir les ruelles, les places et les canaux que pour y pénétrer dans l’intimité de quelques habitants. Parmi ceux-ci, un prêtre qui enseigne la musique au sein d’un établissement pour jeunes orphelines, un compositeur âgé dont le nom et les airs traverseront les époques : Vivaldi. Vivaldi qui évolue ici en tant que don Antonio. Et en fait d’évoluer, on pourrait plutôt dire qu’il se débat. Contre les governatori qui rechignent à le financer, contre sa réputation qui fane, contre la mode qui lui préfère des sonorités nouvelles, contre sa santé fragile, contre la vieillesse qu’il feint d’ignorer, contre les rumeurs qui lui attribuent des mœurs inconvenantes…

Don Antonio veut créer un nouvel opéra qui effacera son dernier échec et le vengera de ceux qui affirment que sa musique est vieille. Lorenzo, le jeune librettiste que lui a conseillé son ami l’ambassadeur d’Espagne a lui aussi besoin de ce succès, afin d’entamer son ascension vers la gloire. Quant à Dolcetta, talentueuse soprano de la Pietà, l’établissement où loge et enseigne don Antonio, elle aspire à une vie dédiée au chant et à la musique, bien loin du destin que sa condition lui impose. Et elle compte sur le prêtre pour l’aider. Dans Alma Viva, tous les protagonistes luttent. Chacun poursuit sa propre quête et tant mieux si celle de l’un peut servir celles des autres.


Lire aussi : un extrait d’Alma Viva


On retrouve dans ce roman des thèmes chers à Vincent Engel : la musique, l’opéra et bien sûr Venise. La cité qui devient presque un personnage à part entière, tantôt muse, tantôt maîtresse jalouse. Comme souvent chez Engel, les personnages ne sont pas particulièrement héroïques : une place prépondérante est accordée à leurs défauts, de l’orgueil de don Antonio à la naïveté de Dolcetta, en passant par la fatuité de Lorenzo. Le lecteur se sentira même parfois mal à l’aise en découvrant l’affection plutôt déplacée que porte le vieux compositeur à ses jeunes protégées. Le personnage principal lui-même n’attire pas forcément la sympathie mais son génie fascine. On se laisse porter par le récit et se découvre l’envie d’en savoir plus sur Vivaldi, de réécouter ses airs et de pouvoir délimiter la part « inspirée de faits réels » de celle inventée. Et finalement, lorsqu’on y réfléchit, l’évidence s’impose : la vraie héroïne de l’histoire menée par ces personnages, c’est la musique.

Estelle Piraux


N.B. : Alma Viva est suivi de Viva !, un monologue sur le même sujet qui verra le jour sur les planches en novembre 2017.