Christine AVENTIN, Scalp, Arbre à paroles, coll. « If », 2021, 110 p., 14 €, ISBN : 978-2-87406-750-1
En avril dernier, Christine Aventin sortait FeminiSpunk chez Zones, une réflexion anti-conformiste sur le potentiel révolutionnaire des filles. Ce livre a occupé l’autrice pendant trois ans. Trois années durant lesquelles il n’y a pourtant pas eu que l’écriture. Non. Or pas de place dans l’essai pour dire « la débandade politique sur la ZAD où [elle] vivait », l’otite qui tourne mal au point de vivre « le coma, la douleur, l’aphasie », le crâne trépané, mais aussi « les deux ruptures amoureuses simultanées ». Non. Pas de place dans FéminiSpunk, livre de force et de puissance. Continuer la lecture →
Rio DI MARIA, Éblouissements d’exil, Arbre à paroles, 2020, 190 p., 17 €, ISBN : 978-2-87406-698-6
Une voix poétique s’est éteinte en mars 2020. Celle d’une sorte de grand frère même pour ceux qui ne l’ont pas ou peu connu. Une voix singulière qui a su traverser les modes et les temps depuis la publication en 1973 de son premier recueil chez Henry Fagne, À travers l’aube. Parus une première fois en 2006, la Maison de la poésie d’Amay nous livre ici une version revue et augmentée (notamment de dessins de l’auteur) de ces Éblouissements d’exil à laquelle le poète travaillait quelques semaines avant sa disparition. C’est dire si l’auteur, qui n’aura malheureusement pas pu voir cette nouvelle mouture, accordait une place privilégiée à ce texte. La préface de Murielle Compère-Demarcy est en ce sens éclairante, insistant notamment sur le mouvement perpétuel de la mémoire, balancement constant chez le poète pour qui l’ « arrachement » à la Sicile, sa terre natale, fut à la fois déchirement et renaissance. La Beauté que chante Rio di Maria ne cesse en effet de renaître comme le lilas au printemps. Une éternité des sensations, des émotions, une force vitale qui toujours renaissent avec l’aube au seuil du réveil, quand le corps de la femme aimée se révèle, une nouvelle fois, au petit jour. Continuer la lecture →
Francesco PITTAU, Épissures, Arbre à paroles, 2020, 258 p., 17 €, ISBN : 978-2-87406-692-4
Francesco Pittau ne va pas chercher ses matériaux poétiques dans des sphères éthérées. Lui suffisent la simple maison, le jardin et la cuisine, une voiture conduite sur la route, quelques recoins du paysage urbain, les courses au magasin. Lui suffisent tout autant : telle piécette au fond d’une poche, la chaleur estivale, une vieille lettre bonne à jeter, des souvenirs anecdotiques, toutes choses proches de l’insignifiant ou du dérisoire. Ce qui accroche l’attention, c’est la manière dont, chaque fois, le poème parvient à leur donner sinon un sens explicite, du moins un relief ou un intérêt – dont la raison exacte reste certes discrète, mais qui s’impose néanmoins avec un effet d’évidence. Multiples, on l’a entrevu, sont les notations relatives à l’espace privé ou public, son occupation étant parfois statique, mais plus souvent faite d’allées et venues. Cette spatialité est tout entière structurée par la dualité dehors-dedans, deux registres qui entretiennent une relation non d’étanchéité, mais d’alternance et de complémentarité. Ainsi peut-on rouler en voiture fenêtres ouvertes, s’émerveiller de la lumière tombée d’une verrière, suivre le spectacle de la rue depuis le bar, remarquer un trou dans le toit. Fréquemment, le soleil vient jouer dans tous ces lieux, attirant le chat sur le carrelage, descendant furtif par la fenêtre, jouant à cache-cache dans l’autobus, tombant à poings serrés. Tout aussi récurrentes, d’autres notations sont moins ragoutantes, qui disent les mauvaises odeurs, la saleté, les « chicots », les cicatrices, tout le côté ingrat de l’existence et de l’apparence. Continuer la lecture →
Claude MISEUR, Sur les rives du Même, Arbre à paroles, 2020, 108 p., 12 €, ISBN : 978-2-87406-699-3
Dédié à Rio di Maria, avant-proposé par Éric Allard, publié par L’arbre à paroles avec l’aide du Fonds national de la Littérature, Sur les rives du Même de Claude Miseur, actif auprès de diverses associations littéraires, au service de la cause des écrivain(e)s, a des allures de lettres nationales. Illustrées de six peintures sculptées par Ferderim Lipczynski, l’ouvrage touche à la sobriété et à la gravité. Le premier poème, parlant bas / de peur d’éveiller / la perte et le manque, prévient et prépare le lecteur. Continuer la lecture →
Rose-Marie FRANÇOIS, Temps sans faux, Arbre à paroles, 2020,135 .p, 13 €, ISBN : 978-2-87406 700-6
Lauréate de nombreux prix littéraires, Rose-Marie François aborde depuis Girouette sans clocher, son premier recueil de poèmes parus en 1971, la littérature sous différents angles. La poésie et le roman en constituent le socle. Elle accoste aussi aux rivages de la scène avec des textes, qu’elle aime à jouer elle-même. Spécialiste de littérature lettone, elle en a été l’ambassadrice en langue française par de nombreuses traductions et contributions à des anthologies plurilingues. Continuer la lecture →
Nous apprenons le décès du poète Francis Chenot. Il était, avec Francis Tessa et Rio di Maria (décédé le 23 mars 2020), l’un des fondateurs de la Maison de la poésie d’Amay.Continuer la lecture →
COLLECTIF, La ligne blanche, Arbre à paroles, coll. « iF », 2020,126 p., 14 €, ISBN : 978-2-8704-696-2
À l’invitation, à l’appel lancé par Antoine Wauters qui dirige la collection « iF » à L’Arbre à paroles, vingt-trois auteurs ont répondu : écrire sur ce que signifie pour eux la ligne blanche. Traversé par une crise, tenaillé par une pulsion qui se traduit en une décision — arrêter d’écrire —, Antoine Wauters voit dans la ligne blanche la manifestation du grand retrait, de l’effacement, une césure, un syndrome Bartleby. La pureté de la ligne blanche est telle qu’elle ne doit plus se traduire en mots. Le syntagme lancé aux contributeurs venus du monde du roman, de la bande dessinée, de la poésie, du journalisme s’apparente à un signifiant flottant que chaque auteur va interpréter, diffracter en récits ou en poèmes. Continuer la lecture →
Jacques IZOARD, Vin rouge au poing, Arbre à paroles, 2020, 110 p., 13 €, ISBN : 978-2-87406-690-0
Il était le poète du soudain. À ses yeux, sous ses doigts, ne valait que la sensation pure. Combien aura-t-il disséminé de ces textes fulgurants, qui sont autant de saisies sensuelles, d’images gravées au vif argent d’une mémoire inscrite dans « le passé qui reste et le présent qui passe » ?
Avec la réédition de Vin rouge au poing, initialement publié en 2001, L’Arbre à paroles nous restitue la parole toujours vivace de l’homme à la fois délicat et caparaçonné, bourrelé de complexions intimes et d’une sensibilité à fleur de peau, que fut Jacques Izoard (1936-2008). Continuer la lecture →
Lisette LOMBÉ, Venus poetica, Arbre à paroles, coll. « iF », 2020, 61 p., 12 €, ISBN : 9782874066931
Selon la deuxième de couverture de son premier roman Venus poetica, Lisette Lombé est une « artiste queer, afroféministe, belgo-congolaise », fondatrice du Collectif L-SLAM. Ce roman est publié dans la collection « iF » dirigée par Antoine Wauters qui propose des textes transfrontaliers et privilégie la liberté de ton et le plaisir d’oser. Définitions qui caractérisent le présent ouvrage, pas tout à fait roman mais poétique sans être un poème. Il commence par une évocation de masturbation et se termine par une allusion claire au lesbianisme. Entre les deux une traversée érotique, celle d’une femme libre et libérée, deux informations évidentes. Qu’il s’agisse d’énumérations rythmées, de séries de mots éblouissantes. D’emblée se présente une fille noire qui écrit je t’aime à un garçon blond et oriente le texte sur la différence, de sexe, de couleur, de statut. De classe aussi. Continuer la lecture →
Véronique WAUTIER, Allegretto quieto, Arbre à paroles, 2020, 190 p., 15 €, ISBN : 978-2-87406-691-7
Si les mots ne libèrent que l’ombre Où toujours je dépose mes pas J’aurai marché sur un leurre bavard.
Douceur et douleur, floraison et fenaison, ténuité et ténacité : ainsi s’articule le jardin de Véronique Wautier. Il faudrait presque imaginer ce jardin comme un coquillage bivalve, se tenant tout entier dans la main et contenant l’espérance. Il faudrait aussi l’imaginer aussi vaste que le silence qui était, pour Véronique Wautier, tantôt un sécateur et toutes les douleurs dedans, tantôt une respiration qui déborde, non, qui borde plutôt. Continuer la lecture →
Edgar KOSMA, #VivreAuVingtEtUnièmeSiècle, Arbre à paroles, 2019, 113 p., 15 €, ISBN : 978-2-87406-688-7
Samedi soir, lors de dédicaces chez Home Frit’ Home, librairie-galerie-boutique du surréalisme et micro-musée de la frite à Forest, Edgar Kosma m’accueille avec douceur et simplicité. Il a manifestement l’habitude de recevoir un inconnu venu de nulle part. Et d’emblée, il absorbe les questions d’un regard profond dans celui de son interlocuteur. De temps en temps, son champ de vision s’élargit et part pas mal loin pendant qu’il répond. Continuer la lecture →
Catherine BARSICS, Disparue, Arbre à paroles, coll. « If », 2019, 13 €, ISBN : 978-2-87406-687-0
« Des petites mains : des menottes. » Dans cette formule se
cristallise, pour une part, l’enjeu du premier recueil que signe Catherine
Barsics aux Éditions L’Arbre à Paroles, Disparue.
Le texte se présente, tel que l’indique l’exergue, comme une « enquête poétique, sur les traces de Suzanne
Gloria Lyall, disparue en 1998 à Albany (état de NY) ». Le pari est
réussi : le lecteur dédale dans l’enfance et l’adolescence de Suzanne
Gloria Lyall, au gré des photos ou des instants vécus et recueillis, comme une
façon de « préparer [s]on souvenir /
des années à l’avance ». Le recueil ne se cantonne ni à un témoignage
extérieur, ni ne transpose, textuellement, la dimension factuelle que nous
pouvons retrouver dans certains documentaires télévisuels traitant de
disparitions ou d’affaires non élucidées.
CEEJAY,
Derrière les paupières… l’immensité, Arbre
à paroles, 2019, 298 p., 18 €, ISBN : 978-2-87406-682-5
Ambitieux sans prétention, aussi mégalomane que généreux, le recueil de CeeJay est volumineux. C’est celui d’un aveugle, Derrière les paupières, qui sait qu’il ne sait rien de l’immensité. Cependant, il la sent et l’aperçoit dans l’intime lumière de son âme. Il écrit sans relâche pour l’appeler à lui, la rejoindre.
L’auteur s’adresse à elle non dans ses replis et interstices, mais dans son incommensurabilité. En un arbitraire abécédaire de l’extrêmement grand — terre, temps, espace, astral, pensée, rêve… —, ses poèmes nous disent, nous rappellent et provoquent le gigantisme qui coule dans nos veines depuis-pour toujours. Le poète illimite nos sens, notre être venu pour donner et notre existence avide d’air. Continuer la lecture →
COLLECTIF, La découverte de la poésie. De ontdekking van de poëzie, Midis de la poésie & L’Arbre à paroles, coll. « Poésie », 2019, 38 p., 8 €
À l’initiative de Passa Porta, du Poëziecentrum et des Midis de la Poésie, huit poètes belges, quatre francophones, quatre néerlandophones, interrogent sous la forme poétique leur découverte, leur entrée en poésie, les liens qu’ils tissent avec elle. Face à la question « comment devient-on poète ? », certains mettent à nu l’épreuve subjective de leur rencontre avec la muse poétique tandis que d’autres placent la poésie en amont, comme une voix qui, depuis toujours, appelle ses possibles hôtes. Rencontre accidentelle ou, au contraire, destinale et élective ? Rencontre physique, avec des mots charnels ou compagnonnage d’ordre conceptuel ? Continuer la lecture →
Christine VAN ACKER, Je
vous regarde partir. Poèmes, Arbre à paroles, 2019, 66 p., 12 €, ISBN :
978-2-87406-680-1
On le sait, les femmes écrivains accordent une attention éminente à la relation entre l’enfant qu’elles furent et leurs parents, leur mère en particulier. Cette remémoration peut prendre diverses tournures, généralement plus proches de la récrimination que de l’idéalisation. Christine Van Acker, quant à elle, adopte une position tout en nuances, combinant le reproche et la tendresse, l’apitoiement et la perplexité, la souffrance et la joie de vivre. Plutôt que la formule du récit, elle a choisi celle du recueil de poèmes, plus libre, plus fragmentaire, non sans analogies avec le journal intime – un journal inspiré en l’occurrence non par les faits actuels, mais par le souvenir des faits passés, de l’enfance de l’héroïne à la mort de ses parents. Je vous regarde partir, toutefois, présente une structure non pas diariste mais ternaire et dyschronique. En effet, jusqu’à la p. 17, les poèmes évoquent le grand Départ et le deuil qui s’ensuit. Des pages 18 à 40, on assiste à un retour en arrière vers l’époque de l’enfance. La dernière partie, enfin, cible la période du vieillissement et de l’agonie. Cette tripartition non linéaire montre clairement que, en matière de questionnement autobiographique, la recherche du sens est de nature foncièrement rétrospective : c’est après-coup seulement que, l’irrémédiable étant advenu, le sujet peut procéder à une tentative de bilan mémoriel et affectif, où la vie cède le pas au vécu. « Vous emporterez avec vous / ce qui nous regarde / et ne vous appartenait pas ». Continuer la lecture →
Jean-Pierre VERHEGGEN, La Grande Mitraque, préfaces de l’auteur, de Jean L’Anselme et d’André Miguel, Arbre à paroles, 2018, 97 p., 12 €, ISBN : 978-2-87406-678-8
Au moment où reparaît, dans la collection patrimoniale Espace Nord, Gisella, le texte sensible et poignant que le poète a consacré à son épouse décédée, les éditions de l’Arbre à paroles ont la bonne idée de rééditer le premier recueil de Jean-Pierre Verheggen, publié en 1968 chez Henry Fagne. Augmenté de fac-simile des courriers reçus à l’époque en provenance d’auteurs ayant, en quelques sorte, adoubé le jeune poète, cette nouvelle édition célèbre les cinquante ans de ce texte qui marque l’entrée en littérature de Verheggen dans la cour des grands. Les signatures prestigieuses sont éloquentes et ont, sans nul doute, encouragé le poète en herbe à poursuivre dans cette voie burlesque et baroque comme le souligne l’éditeur Henri Parisot. Une voie doublée d’une voix poétique inimitable ! La liste des écrivains qui remercient, de son envoi, le jeune récipiendaire est en effet impressionnante. De Norge à Koenig en passant par Scutenaire ou le plasticien dadaïste Raoul Hausmann, tous semblent avoir reconnu dans ce premier souffle, la vivacité d’une langue singulière et novatrice. En suivant le conseil que lui donna André Miguel, celui de faire parvenir le livre aux auteurs qu’il appréciait, Jean-Pierre Verheggen a marqué, à coup sûr, les esprits ! Continuer la lecture →