Véronique Bergen, Voyage en Mylénie

Un voyage tout intérieur

Véronique BERGEN, Voyage en Mylénie, Éditions La Muette-Le Bord de l’Eau, 2012

veronique bergen voyage en mylenieQue Véronique Bergen éprouve au moins une fascination pour Mylène Farmer, et peut-être davantage, cela paraît évident puisqu’elle a choisi de lui consacrer un livre entier : Voyage en Mylénie. Fascination pour une femme, pour une personne publique, une icône aussi, capable de débrider toute imagination et de transporter, dans tous les sens du terme, celle qui entend bien lui rendre hommage, la chanter, l’explorer comme un pays fantasmé et enchanteur. Ce n’est ni un reportage ni un document, à peine un témoignage sur la rousse charmeuse, mais avant tout un objet littéraire, un roman. Quoique rien ne le signale précisément. Mais il en est de cet écrit comme des autres textes de Bergen sur des personnes réelles traitées en personnages de fiction : un seul point de vue compte, en définitive, le sien, et c’est bien cela qui réjouit le lecteur.

Dire Mylène Farmer, certes, la montrer, la citer, on ne peut nier que l’auteure connaît à fond son sujet. Mieux, elle en a une expérience certaine, physiquement parlant, comme une fan de longue date et toujours assidue. C’est bien ce vécu qui est intéressant, parce que Véronique Bergen se délie, délivre ses obsessions à travers ces évocations, d’abord parce qu’elle reste poète, quoi qu’elle écrive, et puis parce qu’elle se raconte. Il y aurait là comme un récit d’enfance et même un récit de vie. Le texte est bigarré, chatoyant dans sa diversité et son enthousiasme. Même dans les thématiques les plus graves, et il y en a beaucoup, la phrase brille incandescente, violente souvent. En fait (sinon en vrai, et pourquoi pas le délire ?), l’auteure fait la part belle à ses confidences intimes : émotions, goûts sentimentaux et sexuels, indignations, colère, désirs vengeurs. La langue est porteuse de cette volonté ; brillante, elle est grosse de fantaisies, créatrice, riche en néologismes. Le texte est vertigineux, toujours, mais d’une vibration maîtrisée. Ainsi en témoigne l’organisation alerte du partage entre narration proprement dite et retour dans un passé insistant – Maman et David – qu’on ne peut qu’exprimer en italique, comme les citations des chansons de Mylène. La langue (et la graphie) d’un certain voyage.

Jeannine Paque


Article paru dans Le Carnet et les Instants n° 173 (2012)