Archives par étiquette : Éric Brogniet (auteur de la recension)

L’atelier de l’écriture et la pensée du suspens

Jacqueline DE CLERCQ, Entre solstices et équinoxes, suivi de Des mots en un certain ordre assemblés, préface de Philippe Leuckx, peintures de Dominiq Fournal, Coudrier, coll. « Sortilèges », 2023, 73 p., 20 €, ISBN : 978-2-39052-045-0

de clercq entre solstices et equinoxesDeux parties, à la fois distinctes formellement et liées par la même thématique : l’espace-temps, donnent à lire une conception de l’art de l’ordre du peint ou de l’écrit. Les peintures de Dominiq Fournal qui rythment les différentes séquences du livre en sont une trace illustrative ; Jacqueline De Clercq s’inspire ici du peintre nabi et historien de l’art Maurice Denis pour qui il convient de  « se rappeler qu’un tableau — avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote — est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées ». Elle propose donc un ensemble très structuré : une première partie, Entre solstices et équinoxes, qui évoque les quatre saisons, chacune définie par trois poèmes, tous titrés, sauf la troisième, le printemps, qui n’est composé que d’un couple de poèmes ; une seconde partie, avec un prologue, quatre pièces en vers et un poème en prose final. Toutefois, la rigueur de cette structure est équilibrée par une liberté totale donnée aux vocables, provoquant des germinations de sens et de sonorités. Continuer la lecture

Rentrée littéraire 2023 : abondance et diversité

rentrée littéraire 2023

Le rituel est connu : chaque année en juin, les maisons d’édition dévoilent le programme de leur rentrée littéraire. Et lectrices et lecteurs de partir en vacances avec la certitude de trouver en librairie, dès la mi-août, pléthore de nouveaux livres qui adouciront à n’en point douter le retour à la vie professionnelle.

Cette année encore, auteurs et autrices belges seront nombreux à participer à ce temps fort de l’année éditoriale. La rentrée littéraire est traditionnellement associée au roman. Il ne sera pas, loin s’en faut, le seul genre à faire l’actualité cet automne, mais il en sera certainement l’un des points névralgiques. Tour d’horizon des sorties annoncées. Continuer la lecture

Poésie et profondeur

Serge NUÑEZ TOLIN, Les mots sont une foudre lente, Rougerie, 2023, 13 €, ISBN : 978-2-85668-421-4

nunez tolin les mots sont une foudre lenteSerge Nuñez Tolin est né à Bruxelles en 1961 de parents immigrés d’Espagne au début des années cinquante. Il a publié aux éditions le Cormier : Silo (2001) ; Silo II (2002) ; Silo III  (2003) ; Silo IV (2004) et L’interminable évidence de se taire (2006). Il a ensuite publié chez Rougerie : L’ardent silence (2010) ; Nœud noué par personne (2012) ;  Fou, dans ma hâte (2015) ; La vie où vivre (2017) ; Près de la goutte d’eau sous une pluie drue (2020) et ce récent Les mots sont une foudre lente (2023). Auteur discret au ton personnel, il a construit une œuvre rigoureuse où le poème interroge par fulgurance : « Les mots ne séparent pas du temps, ils sont comme une gifle » mais aussi par réflexivité : « Tout ici — les mots et les choses — n’a-t-il pas le même poids ? Cette chose du réel qui finit toujours par retomber dans sa disparition. » Chez Nuñez Tolin, le poème se présente comme une trace « n’allant nulle part ». Pourtant, la nécessité de dire et de noter trouve son origine dans « ce qu’on écoute » et l’intime pressentiment du néant. Il y a une forme de simplicité et de mystère dans cette poésie économe en images et orientée vers le questionnement de l’être. Dans la lignée d’un Philippe Jaccottet, Serge Nuñez Tolin poursuit une méditation sur le sens de la vie, du rapport à l’autre, à l’écriture : Continuer la lecture

Le Texte comme antidote à l’enfermement

Laurent DEMOULIN, Slam femme & autres textes, Dessins d’Antoine Demoulin, Maelström, coll. « Bookleg », 2022, 47 p., 3 €, ISBN : 978-2-87505-419-7

demoulin slam femme & autres textesLaurent Demoulin (1966) a étudié à l’université de Liège, où il a reçu les enseignements de Jacques Dubois et de Jean-Marie Klinkenberg. Il y enseigne aujourd’hui. Son premier roman, Robinson, obtint le prix Victor-Rossel 2017. Son frère, le peintre Antoine Demoulin, dit Demant, illustre le présent recueil. Il avait déjà publié d’autres dessins en frontispice d’autres recueils : Filiation, Même mort, Palimpseste insistant et l’édition revue et largement augmentée d’Ulysse Lumumba. Les deux frères avaient aussi publié une œuvre singulière à quatre mains, Homo saltans, où le texte et l’image s’entrelacent en un pas de deux très réussi. Continuer la lecture

L’arpenteur, le voyageur et l’utopie

Célestin DE MEEUS, Atlantique, Tétras Lyre, coll. « Accordéon »,2022, 16 p., 12 €, ISBN : 978-2-930685-63-2

de meeus atlantiqueAvec Atlantique, Célestin de Meeûs confirme une démarche poétique cohérente. Né à Bruxelles en 1991, il a déjà publié Écart-type (Tétras Lyre, 2018, prix Polak) puis deux autres titres chez Cheyne : Cadastres (2018, prix de la Vocation) et Cavale russe (2021). Un premier titre est souvent révélateur d’un thème déterminant, qui fait sens, consciemment ou inconsciemment, pour son auteur : il sera enrichi au gré d’une expérience de vie où le langage et le vécu s’épouseront en de multiples et complémentaires développements. Or, « en termes statistiques, l’écart-type est la part indéfinissable entre deux données, entre deux balises : ce qui échappe au défini et à la règle, l’espace au sein duquel le poème se crée ». De Meeûs y déployait aussi une écriture du voyage puisque « la seconde partie de ce recueil a entièrement été écrite lors d’un voyage, dans lequel les noms des villes choisies au hasard, le déploiement des cartes étaient à la fois la seule trame et les seuls repères ». Le propos géographique sera confirmé par les titres qui suivront : le déplacement dans le temps et l’espace renvoient à un noyau d’inconnaissable, un non lieu et un non temps, moment éternellement suspendu, cœur de toute révélation poétique. Cette leçon proprement philosophique n’empêche pas le poète d’être impliqué dans son rapport au monde. Le poème devient alors le véhicule mouvant d’une prise de conscience entre l’intériorité et l’extériorité, la membrane d’un échange entre la réalité et un réel qui se présente comme le topos d’une absence-présence simultanées, espace où le poème se crée mais où le poème conduit aussi à l’Être. Continuer la lecture

Imprévisible et lumineux, le poème

Colette NYS-MAZURE, À main levée : poésie, Ad Solem, 2022, 107 p., 17 €, ISBN : 9782372981255

nys-mazure a main levée« Écrire à main levée, comme pour laisser les mots en liberté, ou les rendre à leur vocation originaire. Non pas désigner, ou définir, mais évoquer l’inapparent dans les situations qui lui donnent une figure fugitive», tel est le propos d’une autrice qui vient de publier dans le même temps que ces poèmes d’À main levée un ensemble de pages évoquant un parcours de vie : Par des sentiers d’intime profondeur. Pour Colette Nys-Mazure, la marche, au propre comme au figuré, y est une métaphore d’une voie spirituelle jamais coupée de la réalité charnelle. Observer, contempler, faire silence, comme dans toute ascèse, est le véhicule d’une irruption qui transforme à jamais l’ordre des choses, nous sauvant du néant ou de l’insignifiance. Elle ajoute aussi : « Pour écrire, j’ai besoin d’une forme de paix intérieure, alors que se multiplient les trappes secrètes s’ouvrant sous mes gestes, les replis de terrain masquant les gouffres. Dans cet état fébrile, comment permettre à l’imprévisible de surgir ? » C’est bien de ce surgissement-là qu’il est question dans le phénomène de l’écriture poétique : Continuer la lecture

Une journée, une vie

Daniel CHARNEUX, À bas bruit, ill. de l’auteur, Bleu d’encre, 2022, 81 p., 12 €, ISBN : 378-2-930725-46-8

charneux a bas bruitÉcrire, pour moi, c’est chercher l’écart et la trace, confie Daniel Charneux, né à Charleroi en 1955. L’écart : ce qui sort des sentiers battus. La trace : ce qui témoigne d’un passage. Principalement romancier et nouvelliste, il a publié entre 2001 et 2004 deux romans (Une semaine de vacance et Recyclages) ainsi qu’un recueil de nouvelles (Vingt-quatre préludes) à propos desquels on a pu parler de « légèreté du désespoir ». Norma, roman qui traite de la vie de Norma Jean Baker/Marilyn Monroe (éditions Luce Wilquin, 2006) reçoit en 2007 le Prix Charles Plisnier. C’est dans un cri que nous entrons au monde. C’est dans un cri, parfois, que nous en sortons. Entre les deux, cette souffrance que l’on appelle la vie, a-t-il écrit dans Nuage et eau, son roman le plus abouti, inspiré lui aussi par les liens entre deux personnages historiques, cette fois du bouddhisme japonais : le moine Ryôkan et la moniale Teishin. Ce roman fut finaliste du prix Victor Rossel en 2008. En 2009, Maman Jeanne (éditions Luce Wilquin), qui traite de la condition féminine, fut  sélectionné pour le prix des Lycéens, manqua de remporter le Prix Rossel des Jeunes et est réédité chez Espace Nord en 2016 avec Nuage et eau, accompagné d’une postface de Françoise Chatelain. D’autres romans paraîtront tandis que Daniel Charneux contribue à un essai collectif sur un écrivain prolétarien, collaborateur durant l’Occupation, Pierre Hubermont. Continuer la lecture

Du poème comme poil à gratter…

Jean-Baptiste BARONIAN, Anastrophes au Bon Dieu, Lamiroy, 2021, 56 p., 10 €, ISBN : 978-2-87595-495-4

anastrophescouverturebordnoirJean-Baptiste Baronian possède une palette de compétences littéraires très vaste : longtemps éditeur littéraire chez Marabout, auteur de romans — y compris de romans policiers sous pseudonyme — mais aussi de nouvelles, d’essais, de biographies, de livres pour enfants, de dictionnaires et d’anthologies, spécialiste reconnu de l’œuvre de Georges Simenon, il y a peu de sujets et de domaines où il n’exerce pas avec bonheur, de manière  libre et rebelle, ses qualités créatives et critiques. Dans des territoires de prédilection comme la gastronomie, le fantastique, la langue et la littérature, son immense culture et son insatiable curiosité lui permettent toujours d’éclairer avec brio et de manière personnelle les œuvres ou les problématiques qu’il aborde. Continuer la lecture

Liliana Cavani et Véronique Bergen : hérétiques et révolutionnaires

Un coup de cœur du Carnet

Véronique BERGEN, Portier de nuit : Liliana Cavani. Impressions nouvelles, 2021, 224 p., 20 € / ePub : 12.99 €, ISBN : 978-2-87449-899-2

bergen portier de nuit liliana cavaniVéronique Bergen propose une réflexion éblouissante à partir de la trame thématique d’un film-culte qui fit scandale au moment de sa diffusion (1974) : Portier de nuit de Liliana Cavani, réalisatrice qui, dans la plupart de ses films, s’attache à décrire la complexité des sentiments amoureux, les zones d’ombre de l’être humain, englué dans des situations historiques, politiques ou sociales troublées.

Bergen, dont l’œuvre elle-même explore depuis ses débuts des personnalités en rupture et des états limites, traite de manière arborescente de l’histoire du cinéma italien, des parallélismes entre l’art de Cavani et de Pasolini, de ce qui les différencie ou rapproche des autres réalisateurs de leur génération ; du contexte socio-politique de l’Italie et de l’Europe d’après-guerre ; de l’essence du Troisième Reich[1] ; de la psychologie des bourreaux et des victimes ; de la psychologie  individuelle et de masse ; de la fonction de l’art et de la nature de la fonction scopique, de l’image et du cinéma. Continuer la lecture

Contre la douleur, la couleur…

Philippe MATHY, Dans le vent pourpre, Gouaches André RUELLE, Herbe qui tremble, 2021, 116 p., 16 €, ISBN : 9-782491-462161

mathy dans le vent pourpreConstitué de sept sections, chiffre symbolique s’il en est, présent dans de nombreuses cultures, désignant l’absolu, la totalité, l’émergence d’un monde nouveau et l’union des contraires, le présent recueil de Philippe Mathy, rehaussé de gouaches sur papier du peintre André Ruelle (Charleroi, 1949), s’inscrit dans l’esthétique habituelle du poète, avec toutefois une tonalité plus noire, plus dramatique pour les poèmes écrits pendant une résidence d’écrivain à Verdun ainsi que pour ceux de Jours de cendre. Dans le vent pourpre ; Dehors, mains ouvertes ; Rive de Loire et Belle-Ile s’offrent comme des suites renouant avec une méditation sur la beauté de la nature, méditation non dénuée de gravité, sur la sensibilité et l’ouverture à l’autre, sur la fragilité de la vie mais aussi son incomparable pouvoir d’émerveillement. Des poèmes de circonstance clôturent un recueil de belle facture, avec d’incontestables réussites, comme dans ce poème dédié à la mémoire d’André Schmitz : « (…) tes poèmes brûleront encore/comme le feu bleu d’une ambulance/sans que nous sachions/si elle nous conduit à te rejoindre/ou peut-être à nous guérir/de la blessure de vivre. » Continuer la lecture

La quête de l’origine

Paul WILLEMS, L’herbe qui tremble, Préface de Paul Emond, Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique, 2021, 176 p., 18 €, ISBN : 978-2-8032-0059-7

willems l herbe qui trembleRestons ces éternels errants des frontières pour qui le monde n’est pas une apparence qui cache une autre réalité, mais le spectacle immense, cruel et merveilleux de l’instant. Continuons à essayer de le chanter sans jamais y arriver : ces mots sont la conclusion d’une communication de Paul Willems à la séance du 12 décembre 1981 de l’Académie Royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique. Elle éclaire l’art d’écrire d’un écrivain majeur de l’après-guerre en Belgique francophone, d’un prosateur et d’un dramaturge dont la langue aérienne, poétique, parfois ironique, semble constamment chercher une issue positive aux conflits implacables qui font l’histoire humaine. Bien entendu, quand je parle de l’instant, il ne s’agit pas du fait divers qui meurt en naissant, mais de l’instant où le monde semble offrir l’éternité. C’est la mer mêlée au néant. La merveilleuse mer, le merveilleux néant, y confie-t-il. Continuer la lecture

Il n’y a pas d’issue au monde…

Karel LOGIST, Soixante-neuf selfies flous dans un miroir fêlé, Arbre à paroles, coll. « If », 2021, 77 p., 14 €, ISBN : 978-2-87406-707-5

logist soixante-neuf selfies flous dans un miroir fêlé« Discrète et délicate, la poésie de Karel Logist ne vocifère jamais (…). Entre le chant et la confidence personnelle, (…) elle mêle humour et gravité, nostalgie et observation. Les thèmes sont tour à tour l’amour, l’amitié, l’enfance, le voyage, l’observation des autres, le portrait ; mais l’œil de Logist décèle aussi l’insolite, ou même le fantastique, dans la réalité ; son imaginaire est propre à construire de petites fables amusées et non moralisatrices ; sa voix jette un voile sur son angoisse ou son scepticisme. C’est une poésie d’humour noir qui ne se montre pas comme telle ; une poésie de connivence avec soi-même et avec l’autre ; le moyen de communication d’un homme secret  (…) qui ne cherche pas à en imposer, mais qui s’impose au lecteur (…) » (Gérald Purnelle). Auteur d’une œuvre saluée depuis sa découverte par Liliane Wouters – qui fit publier son premier livre[1] où il constatait déjà qu’il n’y a pas d’issue au monde jusqu’à ce recueil, Soixante-neuf selfies flous dans un miroir fêlé, écrit durant la récente pandémie, le poète spadois fait preuve d’une souveraine cohérence thématique et stylistique. Il possède un ton, une voix reconnaissable entre toutes. La discrétion et la pudeur caractérisent « cet homme tellement oubliable », qui n’a jamais été « un garçon expansif », ce virtuose sans afféterie, qui n’a pas hésité pourtant à s’engager dans l’action concrète en faveur de la lecture et de l’édition. Continuer la lecture

Là où tout le réel est poésie…

Marie GEVERS, La comtesse des digues, Postface de Vincent Vancoppenolle, Impressions nouvelles, coll. « Espace nord », 2021, 220 p., 8,50 €, ISBN : 9-782875-6854-14

gevers la comtesse des diguesLà où tout le réel est poésie, écrivait Jacques Sojcher dans sa préface à une précédente édition de La comtesse des digues, premier roman de Marie Gevers (1883-1975). En effet, l’œuvre de celle qui reçut une éducation mi-flamande mi-francophone et vécut de manière quasi exclusive dans le domaine familial de Missembourg où une scolarité originale lui fut dispensée notamment via la lecture du Télémaque de Fénelon et une connaissance approfondie de la Nature, repose sur un ensemble de dynamiques structurantes qui sont généralement celles du discours poétique. La littérature classique et le grand livre du jardin domanial remplacèrent donc avantageusement l’école, faisant de la petite fille un être mi-rustique mi-intellectuel et un écrivain francophone élevé au contact des patois flamands de son milieu natal. Continuer la lecture

La farce dérisoire de tout pouvoir…

Simon LEYS, La mort de Napoléon : roman, Postface de Françoise Châtelain, Impressions nouvelles, coll. « Espace Nord », 2021, 160 p., 8,50 €, ISBN : 978-2-87568-556-8

leys la mort de napoleonLa mort de Napoléon est le seul roman écrit par Simon Leys, pseudonyme du grand sinologue et essayiste belge Pierre Ryckmans (Bruxelles, 1935 – Sydney, 2014). Il offre de multiples bonheurs de lecture : un sens éblouissant de la langue française ; une grande maîtrise des termes de marine –la mer étant une des passions de l’écrivain, qui lui consacra une anthologie de référence ; une  poéticité inspirée dans ses descriptions de la Nature ; un humour ravageur ; un condensé de procédés littéraires empruntés à la fable, au conte philosophique, à la littérature populaire, dans les deux branches de son développement : le roman historique et le roman d’aventure ; la maîtrise du récit uchronique. Toujours en prenant le contre-pied du genre et en faisant d’Eugène Lenormand/Napoléon un exemple-type du anti-héros. Continuer la lecture

De la littérature comme miroir

Un coup de cœur du Carnet

Daniel CHARNEUX, Claude DURAY, Léon FOURMANOIT, Pierre Hubermont (1903-1989) : écrivain prolétarien, de l’ascension à la chute, M.E.O., 2021, 232 p., 18 € / ePub : 11.99 €, ISBN : 978-2-8070-0280-7

charneux et alii pierre hubermontLa littérature prolétarienne belge a peut-être été moins scrutée que celle des écrivains régionalistes. La question de la collaboration culturelle durant la Seconde guerre mondiale n’a que rarement fait l’objet d’une vulgarisation ; des études, des mémoires, des ouvrages universitaires lui ont été consacrée : les auteurs du présent volume en mentionnent quelques-uns. L’épuration des écrivains ayant collaboré avec l’occupant n’a pas donné lieu à un débat public retentissant et à des condamnations fracassantes comme ce fut le cas en France. Un certain nombre d’écrivains aujourd’hui connus passèrent entre les mailles d’un filet institutionnel et judiciaire somme toute assez complaisant. Certains s’exilèrent. D’autres furent condamnés à mort ou à des peines de prison. Continuer la lecture

À l’ombre du paperassier

Béatrice LIBERT, Arbracadabrants, Avant-dire d’Éric Brogniet, Taillis pré, 2021, 80 p., 13 €, ISBN : 978-2-87450-176-0

libert arbracadabrantsLe dernier livre de Béatrice Libert, Arbracadabrants publié aux éditions Le Taillis Pré, s’enracine dans une démarche précise, celle d’un exercice de style dont Éric Brogniet révèle la genèse dans son avant-dire éclairant. À partir d’un mot, « larmier », entendu lors d’un atelier d’écriture qu’elle animait, l’auteure, séduite par sa sonorité, imagine une définition poétique et en fait un arbre à larmes. Irrigués par la sève de ce « larmier », les autres textes, suivant le jeu de l’exercice stylistique, découlent presque naturellement pour donner aux boutures imaginées par Béatrice Libert leurs lettres de noblesse. Continuer la lecture