Archives par étiquette : photographie

Simenon photographe : une expo à Liège

simenon images d'un monde en crise

L’exposition « Simenon. Images d’un monde en crise. (Photographies 1931-1935) » a été inaugurée à l’occasion du festival Le printemps Simenon. Elle est toujours visible au Grand Curtius, jusqu’au 27 août.  Continuer la lecture

Et pourtant elle est si vive…

Arnaud DELCORTE, Tessons au sable, photographies du poète, Coudrier, 2023,136 p., 22 €, ISBN : 978-2-39052-052-8

delcorte tessons au sableTrois ensembles composent la « Table des textes » du recueil Tessons au sable, qui associe poèmes et photographies composant un carnet de voyages. L’ouvrage s’ouvre sur deux exergues, citations de Paul Bowles et de Natsume Sôseki. La phrase extraite du Voyage poétique de l’écrivain japonais se découvre comme une balise à l’entrée d’une navigation, un premier « tesson » éclairant le cheminement auquel Arnaud Delcorte nous invite : rien ne me presse dans ce voyage… Quant à Bowles, ce sont ces moments fugaces et essentiels, vécus dans l’enfance,  qu’il nous invite à célébrer et que nous négligeons si volontiers. Continuer la lecture

Musique du large et déflagration

Dominique LOREAU, Détonation, Esperluète, 2023, 64 p., 18 €, ISBN : 9782359841725

loreau detonationRythmé par des photos en noir et blanc prises par l’autrice, le récit Détonation explore les tessitures du visible, les inflexions du réel, des regards, des gestes, des mouvements de pensée, les mutations météorologiques des émotions. Qu’est-ce qui se joue dans nos rencontres avec l’altérité, avec un pays lointain, avec des paysages maritimes, des êtres chargés d’histoire ? Cinéaste, photographe, écrivain, Dominique Loreau dresse un roman qui dévoile la complexité de la réalité, des rapports que nous nouons avec elle, avec les autres, avec nous-mêmes. Continuer la lecture

Hors-champ

Fabienne VERSTRAETEN, V ou la mélancolie, Arléa, coll. « La rencontre », 2023, 136 p., 18 €, ISBN : 9782363083319

verstraeten v ou la melancolieEn avril, la maison d’édition parisienne Arléa publiait dans sa collection « La rencontre » le premier roman de Fabienne Verstraeten, déjà connue des milieux bruxellois de l’art et de la culture.  Intitulé V ou la mélancolie (comme référence explicite au roman de Georges Perec, W ou le souvenir d’enfance), le roman que propose Fabienne Verstraeten s’inscrit dans la tradition des sagas familiales.

Au départ d’une photographie, prise dans l’immédiat après-guerre, de l’enterrement de son grand-père Aloïs, l’autrice fouille son histoire familiale. Elle l’interroge dans le but de débusquer les causes d’un atavisme bien particulier : la mélancolie. Continuer la lecture

En bordure de crépuscule

Corinne HOEX, L’ombre de toi-même, Tétras Lyre, 2023, 68 p., 15 €, ISBN : 978-2-930685-69-4

hoex l'ombre de toi-mêmePublié aux éditions Tétras Lyre, le dernier ouvrage de Corinne Hoex semble le miroir d’un autre, paru une dizaine d’années auparavant dans la même maison, L’autre côté de l’ombre (2012) : format identique, coexistence du texte et de l’image,  questionnement du visible et fractionnement d’un long poème en petites parts subtiles – comme pour étirer les secondes et y puiser plus encore de matière à explorer. L’ombre de toi-même est un livre délicat, patiemment tissé entre les instants nébuleux qui marquent l’entrée dans la nuit. Continuer la lecture

Des flots

Un coup de cœur du Carnet

Caroline LAMARCHE (autrice) et Françoise DEPREZ (photographe), Toujours l’eau, juillet 2021, Caïd, 2022, 192 p., 20 €, ISBN : 978-2-930754-35-2

lamarche deprez toujours l'eauDes flots. De boue. De furie. De toxicité. De ravage. Mi-juillet 2021, la région liégeoise, à l’instar d’autres parties du pays, est confrontée à des inondations meurtrières à plus d’un titre. Les images retransmises dans les médias, aussi apocalyptiques paraissent-elles, ne traduisent alors que partiellement l’ampleur de la catastrophe. « À la télé, on ne sentait pas la peur » (Guy) « Le bruit, c’était comme dans un film de sous-marin. Les meubles qui s’entrechoquaient en bas, la déflagration des arbres qui rentraient dans la façade. » (Luc) « L’odeur était terrible. Indescriptible. Une odeur de vieux, de pourri, de mort, de gasoil. Et le bruit… » (Laurent) La Belgique, médusée, assiste à l’engloutissement de maisons, de quartiers, de routes et de ponts, à l’anéantissement de vies entières, à la détresse poignante d’une partie des siens. Continuer la lecture

Toujours l’eau : les inondations en textes et photos

lamarche deprez toujours l'eau

En juillet 2021, des inondations ravageaient la Belgique, et plus particulièrement la Province de Liège, faisant 39 morts et semant la désolation sur leur passage. Une exposition, « Toujours l’eau », revient, un an après, sur les événements et donne voix et visage aux victimes. Continuer la lecture

La photographie en amateur, c’est toute une histoire !

Adeline ROSSION, Michel F. DAVID, et Anne DELREZ, En dilettante. Histoire et petites histoires de la photographie amateur, Musée de la Photographie de Charleroi et Editions du Caïd, 2022, 400 p., 55 €, ISBN : 978-871 83 08 49

en dilettante histoire et petites histoires de la photographie amateurQue diable peut bien signifier aujourd’hui le terme de « photographie amateur » ? À l’heure globalisée des selfies omniprésents et des images démultipliées en abondance, l’œil vorace des réseaux sociaux se disperse dans une volatilité sans fin. Tout concourt à ce que, par l’usage exponentiel des téléphones portables et autres appareils pluri-fonctions, soit rendue évidemment « obsolète » cette dénomination de « l’amateur ». N’importe qui de nos jours peut à son gré et en posant le doigt sur quelques touches, non seulement saisir mais aussi communiquer dans des sphères plus ou moins proches ou lointaines, comme on voudra, ces images instantanées, pour le meilleur et pour le pire, d’un instant unique et par essence éphémère. Continuer la lecture

Prétextes à la fugue

Philippe HERBET, Fils de prolétaire, Arléa, 2022, 120 p., 15 €, ISBN : 9782363083043

herbet fils de proletaireSi la photographie a le don de reproduire à l’infini ce qui n’a lieu qu’une fois (Barthes), l’écriture a celui, tout aussi bouleversant, de mettre en mouvement des instantanés. C’est ce que le récit autobiographique de Philippe Herbet, photographe mais aussi – s’il était encore besoin de s’en assurer[1] – écrivain, expose avec clarté. Publié aux éditions Arléa dans la collection « La rencontre », Fils de prolétaire travaille le passage du temps en parcourant de petits tableaux d’un quotidien passé, délicats morceaux de souvenirs effrités dans la soupe du temps, toujours racontés au présent – pour pallier, peut-être, cette sentence lapidaire et presque désintéressée : “Je n’ai pas de photos d’enfance.” Continuer la lecture

Christian Dotremont, 100 ans et 2 expositions

Dotremont A bleu mentir qui vient de près

Christian Dotremont, A bleu mentir qui vient de près, Logogramme, Encre bleue sur papier, [1978] – © Fondation Roi Baudouin / dépôt aux Archives & Musée de la Littérature | photo : Olivier Guyaux – L’Atelier de l’Imagier

Christian Dotremont aurait eu 100 ans le 12 décembre de cette année. Un anniversaire qui appelait une célébration à la hauteur de cette figure majeure tant de la littérature que des arts plastiques. Alors que plusieurs rééditions sont annoncées pour le deuxième semestre, pas moins de deux expositions lui sont dédiées, l’une aux Musées royaux des Beaux-Arts, l’autre à la Bibliotheca Wittockiana.  Continuer la lecture

De l’amitié, sa belle tessiture…

Philippe COLMANT et Philippe LEUCKX, Frères de mots, Coudrier, 2022, 90 p., 18 €, ISBN : 978-2-39052-030-6

colmant leuckx freres de motsPhilippe Colmant  et Philippe Leuckx se sont rejoints dans un volume écrit à quatre mains, orné de photographies en noir et blanc. Le titre Frères de mots se justifie d’emblée : rien n’indique auquel des deux Philippe attribuer tel ou tel poème. L’auteur des photographies, paysages de forêts et chemins de campagne enneigés, n’est pas davantage identifié dans ce recueil paru aux Éditions Le Coudrier.  C’est bien d’un entrelacement délibéré qu’il s’agit pour ces deux poètes, excluant que l’un se prévale d’une image fût-elle stylistique ou argentique.

Chaque poème donne à cette complicité un éclairage fraternel, d’autant plus intense que l’un et l’autre se retrouvent dans chaque mot déposé dont ils se dépossèdent. Y a-t-il échange plus profond que celui-ci, entre deux artistes, mêlant leur encre, rendant de l’amitié/ sa belle tessiture ?  Chaque page du recueil évoque avec une puissance que Montaigne – dont on sait les pages inoubliables que lui inspira la mort de son ami La Boétie –  ne récuserait pas, la force de l’amitié qui irradie de ces Frères de mots. Cette amitié sans laquelle semer le ciel/ reste hors de portée est déclinée en quatre-vingts variations évoquant le partage (partager la sente/et la mie du poème), la fidélité (de la main qui offre / tu sais cette sève / du don qui fait grandir) la communauté de la poésie (Et nos rimes fleurissent / Dans le vase de la vie), le silence bienvenu (Les portes béent / sur les mots / pleins de nos silences). Continuer la lecture

Des mots qui déjouent

Marc DUGARDIN, Antoine DUGARDIN, Psaume, passant, Chat polaire, 2022, 82 p., 12 €, ISBN : 978-2-931028-19-3

dugardin psaume passant 2Marc Dugardin, avec la complicité de son fils à la photographie – Antoine Dugardin – ouvre une fenêtre sur l’activité d’écriture par l’intermédiaire d’un Psaume, passant publié aux éditions du Chat polaire. Ouvrage étrange qui se veut prière, Psaume, passant ne s’adresse pourtant à aucun dieu, comme un appel lancé dans un vide métaphysique. Empruntant sa mélodie à la poésie et la narration d’un « je » vivant, pensant, écrivant au genre du récit, Marc Dugardin permet ici « l’irruption du monde dans le corps du texte ». Continuer la lecture

Devenir-Un-Indien

Sandra DE VIVIES, Vivaces, La place, 2021, 96 p., 15 €, ISBN : 978-2-9602918-0-3

de vivies vivacesEn novembre 2021, Sandra de Vivies publiait son premier livre : une collecte de récits dits photosensibles réunis sous le titre de Vivaces. L’ouvrage est paru aux éditions La place, une jeune maison d’édition bruxelloise puisqu’elle présente deux titres à son catalogue : Vivaces, bien entendu, et Où est ma maison de Haleh Chinikar. Les éditions La place annoncent qu’elles « accompagnent l’exploration, le doute, les textes qui en portent les traces de même que les formes frontalières ou hybrides : récit texte-image, prose poétique, français mâtiné d’une autre langue, etc. » Continuer la lecture

Horizon(s)

Marie COSNAY et Victoire DE CHANGY (autrices), François GODIN (peintre), Matthieu LITT (photographe), Paysages possibles (impossibles), Le Comptoir, 2021, 48 p.

paysages possibles impossiblesDes rues malodorantes et des boutiques qui éclosent à chaque saison, des passerelles prétentieuses et des pavés déchaussés, un fleuve trop boueux et pourtant scintillant, des projets vaguement citoyens, tellement de rafistolages sociaux ; une aspiration au mieux, parfois, un contentement, souvent. Des gens, surtout : faune friquée aux terrasses, déclassée sur les seuils, désœuvrée aux arrêts, colorée un peu partout. Chaleur du dedans, quant-à-soi bravache, simplicité désarmante : Liège, aux mille accents. Cité ardente, mais étouffante, brinquebalante, lassante, attachante. Ville qui s’empêtre et se démène. Irrite, attendrit, ragaillardit. Terre de poésie(s), tout en parallèles et en intersections. Et c’est là qu’il y a vingt ans, s’est naturellement enraciné « Le Comptoir », structure œuvrant avec entrain pour la promotion des petites maisons d’édition et de leurs artistes, et soutenant « les démarches éditoriales sauvages, les fanzines et les livres auto-édités avec un désir d’exigence et le goût du travail bien fait ». Un incontournable pour les entichés de sentiers littéraires moins battus et les curieux en recherche d’affinités électives. « De toutes les rencontres, chacune est la préférée », écrirait à ce propos Victoire de Changy… Continuer la lecture

Portraits de l’écrivaine en personnages

Marianne ROSENSTIEHL, Phénomène. Portraits d’Amélie Nothomb, Gründ, 2021, 188 p., 24,95 €, ISBN : 978-2-324-02962-2

rosenstiehl phenomene portraits d amelie nothombParu aux éditions Gründ sous le titre Phénomène, un beau-livre présente le travail de Marianne Rosenstiehl sur Amélie Nothomb. Quatre-vingts portraits photographiques sont ainsi rassemblés, assortis d’interviews accordées par l’écrivaine à l’émission À voix nue de France Culture.

Actes de colloques, livres d’entretiens, monographies, abécédaire, parodies… les livres sur Amélie Nothomb sont désormais presque aussi nombreux que ceux écrits par la pourtant prolifique romancière. Phénomène explore un pan important de la présence publique et médiatique, voire de l’œuvre, de l’écrivaine : les photos. Depuis 2003 et Antéchrista, la couverture de chacun de ses romans est en effet invariablement ornée d’un portrait en pleine page, tandis que ses interviews dans la presse sont toujours agrémentées d’images artistiquement mises en scène. Au fil des années, Amélie Nothomb a collaboré avec de grands noms de la photographie. On pense par exemple à Jean-Baptiste Mondino, Sarah Moon ou encore Pierre et Gilles. Et, donc, Marianne Rosenstiehl. Continuer la lecture

Alechine face à ce qui se dérobe

Ivan ALECHINE, Divinités, Galilée, 2021, 128 p., 11 €, ISBN : 978-2-7186-1018-4

alechine divinitesPour une fois, commençons par la fin. En guise de terminus à Divinités, cette nouvelle échappée d’Ivan Alechine dans la Sierra Madre mexicaine et au-delà, l’auteur d’Enterrement du Mexique (Galilée, 2016), par ailleurs excellent photographe, clôture son récit par une de ses images en noir et blanc : une vue de toits pointus, faits de tôles ondulées qui se chevauchent, maintenues par des blocs de pierre. Il n’y a pas si longtemps, dans les hameaux et villages de Tuxpan de Bolanos, au pays des Indiens Huichols, où Alechine s’immerge régulièrement depuis plus d’une vingtaine d’années, les petites pièces d’habitat disposaient d’un toit de chaume. Aujourd’hui, constate Alechine, « tous les toits sont en tôle ondulée. Il n’y a pas à les renouveler. Ça renouvelle la paresse. Là où il y avait de l’espace, des habitations isolées les unes des autres, chacune sous leur toit de chaume, les enclos de pierre se sont transformés en murs. » Continuer la lecture