Archives par étiquette : Gallimard

François Weyergans in Quarto

François WEYERGANS, Romans, préface de Frédéric Beigbeder, Gallimard, coll. « Quarto », 2023, 1357 p., 34 €, ISBN : 978-2-07-289176-2

weyergans romansDécédé en 2019, François Weyergans nous a laissé une œuvre littéraire qui s’est étalée sur plus d’un demi-siècle et il a bénéficié de nombreux signes de reconnaissance symbolique : élu membre de l’Académie française en 2009, il a accumulé les distinctions littéraires dont entre autres le prix Goncourt, le prix Renaudot et notre prix Rossel. Il nous a donné 14 romans dont 7 font l’objet d’une réédition groupée dans un fort volume de la collection « Quarto » qui, comme à l’accoutumée, offre également une mise en perspective de l’œuvre de l’auteur. Continuer la lecture

Street views

Guy GOFFETTE, Paris à ma porte, Gallimard, 2023, 67 p., 14 € / ePub : 9,99 €, ISBN : 978-2-07-302101-4

Qu’importe le temps quand on aime
Voilà pourquoi je me promène

goffette paris a ma porteLors de son entrée, en anthologie, dans la belle collection Espace Nord (L’oiseau de craie, février 2023), Guy Goffette donnait, à titre d’inédits, une poignée de poèmes ludiques et urbains sous le nom de Paris à ma porte. De quoi éveiller la curiosité d’une Belgique chez qui s’invitaient pour l’occasion, et en exclusivité, les venelles du Ier arrondissement de Paris. Le privilège de cet échantillon devait être de courte durée, et le client fidèle peut aujourd’hui redécouvrir ces textes prometteurs dans leur milieu naturel, entourés de leurs semblables, sous l’indémodable couverture blanche de Gallimard. Continuer la lecture

Georges Lambrichs : « C’est épatant »

Arnaud VILLANOVA, Le chemin continue. Biographie de Georges Lambrichs, Préface de Jacques Réda, Gallimard, 2023,286 p., 21,50 € / ePub : 15,99 €, ISBN : 978-2-07-300161-0

villanova le chemin continueDans sa biographie du Belge Georges Lambrichs, Arnaud Villanova remet à l’honneur un éditeur singulier de la vie littéraire parisienne d’après-guerre, plonge dans les arcanes de plusieurs grandes maisons, révèle un métier sur lequel circulent pas mal de légendes et nous fait revivre une époque intellectuellement dense.

Si on vous demande ce qui relie les noms de Samuel Beckett et J.M.G. Le Clézio, deux Nobel de littérature, Alain Robbe-Grillet, Georges Bataille, Maurice Blanchot, Michel Butor, Michel Foucault, Georges Perros, Michel Chaillou, Jacques Réda, Gérard Macé, Jean-Marie Laclavetine, Jean-Loup Trassard, Christiane Rochefort et bien d’autres, penseriez-vous à Georges Lambrichs, Belge exilé à Paris ? Pourtant, cet homme a été le lecteur et l’éditeur de tous ces écrivains aux éditions de Minuit d’abord, aux côtés de Vercors puis de Jérôme Lindon, chez Gallimard ensuite, après un intermède chez Grasset. Continuer la lecture

Dans  « ma Belgique », il y a « ma belle » et « magique »… 

Grégoire POLET, Petit éloge de la Belgique, Folio-Gallimard, 2022,  115 p., 2 € / ePub : 1,99 €, ISBN : 978-2-07-288599-00
Grégoire POLET, Belgiques – 101 détails, Ker, coll. « Belgiques », 2022, 206 p., 12 € / ePub : 5,99 €, ISBN : 978-2-87586-328-7

polet petit eloge de la belgiqueGrégoire Polet consacre à la Belgique deux ouvrages parus simultanément : le premier à l’enseigne de Gallimard, le second dans la collection « Belgiquese.

Dans Petit éloge de la Belgique, l’éloignement du pays natal pendant plusieurs années a sans doute éclairé d’une lumière nostalgique certains textes. Les épisodes de l’enfance à la Mer du Nord nous valent des pages à la poésie subtile, d’une grâce semblable aux aquarelles de Rik Wouters. Polet y écrit les rêveries d’enfant avec « des mots-voiliers sur l’horizon de la mer ». Continuer la lecture

Frères de silence

Un coup de cœur du Carnet

Alexandre VALASSIDIS, Au moins nous aurons vu la nuit, Gallimard, coll. « Scribes », 2022, 112 p., 15,50 € / ePub : 10,99 €, ISBN : 978-2-07-299536-1

valassidis au moins nous aurons la nuitNous sommes dans une banlieue indéfinie, dans l’ombre de tours de béton, et la vie s’écoule sans que l’on puisse penser qu’il fera meilleur demain. Le narrateur, qui ne livre pas son nom, nous parle de Dylan, dont il était si proche et qui a disparu au creux de la nuit. Il nous dit leur univers commun, celui qu’ils trouvent en lisière de la cité, là où on peut respirer une fois passée la voie ferrée. Entre eux, peu de mots, au mieux quelques regards, une forme de complicité tacite qui ne dit pas non plus son nom.

Entre nous, ça avait tout de suite pris, si je puis dire. Dès la première fois où nos regards s’étaient croisés. J’avais ressenti quelque chose. Une sensation très forte. Sur laquelle je n’avais pas voulu mettre de mots. Pour qu’elle reste comme un cheval sauvage, cette impression. Qu’elle reste libre. Continuer la lecture

La lutteuse amoureuse

Un coup de cœur du Carnet

Anna AYANOGLOU, Sensations du combat, Gallimard, 2022, 88 p., 13 € / ePub : 9,49 €, ISBN : 9782072972454

ayanoglou sensations du combatElle esquive les coups, elle absorbe tout – à l’instar de la boxeuse d’Arthur H, Anna Ayanoglou. Sensations du combat, son deuxième recueil, parait trois ans après le remarqué Le fil des traversées, chez Gallimard encore – collection blanche, et en redéploie, avec vigueur, des traces vives. Un philtre de perception pure.

Dieu soit loué il m’est donné d’aimer encore
de vivre à perte contre le temps Continuer la lecture

Je te cherche dès l’aube

Un coup de cœur du Carnet

Caroline LAMARCHE, La fin des abeilles, Gallimard, 2022, 198 p., 18 € / ePub : 12,99 €, ISBN : 9782072961021

lamarche la fin des abeillesLe nouveau récit de Caroline Lamarche se referme avec des ruisseaux sur les joues, au milieu des premières abeilles du printemps – osmia bicornis, de petites abeilles rousses et solitaires, disparues des zones d’agriculture intensive mais toujours présentes en zones urbaines. Attirées sans doute par  les filets de lumière qui serpentent entre les phrases, par les mots solaires pour dire la nuit, elles contreviennent à leur solitude pour se réunir sous la voûte de papier. Là où Dans la maison un grand cerf (Gallimard, 2017) touchait à la première grande disparition, celle du père, La fin des abeilles se penche sur la figure de la mère, sa très longue vie et sa fin considérablement étirée. Continuer la lecture

Les mots, la guerre, l’amour

Jean-Luc OUTERS, Hôtel de guerre, Gallimard, coll. « L’infini », 2022, 192 p., 18 € / ePub : 12,99 €, ISBN : 9782072944239

outers hotel de guerreAu fil d’une saisissante fiction, Jean-Luc Outers nous embarque dans une remontée dans le temps, un vertige mémoriel, direction Sarajevo assiégée, au cœur des combats dans l’ex-Yougoslavie. Invité par Reporters sans frontières à se rendre à Sarajevo en qualité d’écrivain, l’auteur séjourne en 1994 durant une semaine à l’Holiday Inn où sont regroupés les journalistes internationaux. Vingt-cinq ans plus tard, une force irrépressible le pousse à remettre ses pas dans l’année 1994, à se donner rendez-vous avec un pan de passé collectif marqué par la douleur, avec un fragment de passé intime condensé dans le nom d’Anna, une anesthésiste italienne rencontrée dans un hôpital. Continuer la lecture

Ombres et doubles-fonds

Un coup de cœur du Carnet

Giuseppe SANTOLIQUIDO, L’été sans retour, Gallimard, 2021, 265 p., 20 € / ePub : 14.99 €, ISBN : 978-2-07-291575-8

L’été sans retour est d’abord l’histoire d’un homme, Pasquale Serrai, de sa famille, de la relation proche et riche de silence qu’il a avec Sandro, le fils d’un des ses amis décédé. C’est aussi l’histoire d’un drame dans le beau village de Ravina qui se blottit dans les collines du sud de l’Italie, la disparition d’une adolescente. C’est encore et surtout l’histoire du rapport des hommes avec leur terre, « les hommes sont indissociables de la nature qui les a vus naître et dont ils sont le portrait le plus fidèle, effrayante de beauté et d’âge ». Giuseppe Santoliquido rend bien ce lien fort, quasi irrationnel, à la terre natale qui est pour plusieurs personnages le fondement de leur rapport au monde, leur raison de vivre, avant les relations sociales ou amoureuses. Ainsi, Pasquale Serrai a connu la misère de l’après-guerre et un bref exil pour raisons économiques en Belgique, mais il est revenu très vite chez lui préférant le travail de forçat d’arracher à la terre sa subsistance à la relative aisance d’un travail dans la sidérurgie. Sandro Lucano a vécu longtemps à Ravina, auquel il reste lui aussi viscéralement attaché. Des années plus tard, il raconte le drame qui a secoué le village et ses propres souffrances. Le roman offre de la vie villageoise un portrait complexe et nuancé. Bien sûr, il y a les rancœurs et les tensions entre personnes et familles, l’insatisfaction des jeunes qui pour la plupart n’aspirent qu’à partir, fascinés par la vie dans les villes que leur révèle la télévision. Et il y a ceux qui, victimes des anciennes fractures sociales les condamnant à la misère, ont lutté toute leur vie pour l’amélioration de leur sort et voient leurs efforts presque anéantis. Mais le village, c’est aussi une vie sociale riche et souvent heureuse, rythmée par les moments de fête. Et puis surtout il y a cette terre, difficile à cultiver, mais pas si ingrate puisqu’elle offre sa beauté particulière.  G. Santoliquido situe le roman en 2005, à une époque charnière. Celle où les rêves de mieux-être par un travail agricole acharné laissent place aux mirages que proposent la télévision et les moyens modernes de communication. Le drame que vit le village va d’ailleurs être profondément influencé par la couverture télévisuelle tout sauf anodine, les présentateurs de téléréalité dictant les attitudes et les propos des protagonistes décervelés par les mirages de réussite et de visibilité sociales. Fort de sa connaissance des médias italiens, l’auteur décrit à plusieurs reprises pour les dénoncer les procédés du « mécanisme du spectacle » qui n’illustre plus la réalité, mais s’est substitué à elle.  Les valeurs auxquelles s’accroche Pasquale peuvent ainsi paraître périmées. Dans le passé, elles ont été nécessaires à la survie des hommes et du village. Elles sont partagées par Sandro. Si le roman est construit autour de la disparition de l’adolescente, il s’agit d’abord de la mise en avant de l’importance des liens : les liens familiaux, ceux fondés sur la complicité et la proximité que donne la vie dans un même petit village, ceux qui fondent la solidarité lorsque frappe le deuil. Mais tous ne sont finalement que des variations de ce lien fondamental à la terre. Cette problématique apparaissait déjà dans les autres romans de l’auteur, mais elle est ici traitée dans toutes ses implications.  Entre autre, est abordée la difficulté pour la communauté villageoise de s’ouvrir à d’autres réalités. Comment est-il possible d’être vraiment soi-même là où tout le monde se fait une certaine image de l’autre ? Cela pousse Sandro dans une voie en miroir de celle de Serrai : tout le pousse à partir, mais il choisit de rester, jusqu’au jour où le départ devient inéluctable, suspendant ce lien vital. Et le paradoxe veut que ce soit la ville qui devienne la garante de sa liberté. Giuseppe Santoliquido revient souvent sur la notion de destin, surtout vers la fin du roman, quand Sandro, le narrateur, tire des enseignements de ce à quoi il a été confronté. Il a le sentiment que « le destin est une bête sournoise, il procède par touches légères, infinitésimales, vous laissant accumuler mauvais choix et petites erreurs… ». D’autant plus quand s’y mêle le sentiment d’une faute commise, faute peut-être non définie mais qui pollue le vécu d’un drame ; à l’image du garçon se reprochant la mort accidentelle de sa mère parce qu’il ne s’est pas levé assez tôt. Dans cette loterie du destin, Santoliquido montre sa sympathie pour deux de ses personnages, chez qui se marque le sentiment d’infériorité des laissés-pour-compte acceptant l’injustice « sans jamais se révolter ». Le roman est émaillé de l’adaptation de délicieuses expressions locales, comme « Vouloir discuter avec le gros Dino, cela revenait à creuser un puits avec un doigt ». Ou d’heureuses  formules, parfois graves : « Le danger avec les souvenirs, c’est qu’ils sont souvent l’antichambre des remords », parfois drôles : « Les confidences sont la propriété du vent, il vous suffit de tendre l’oreille où que vous soyez pour les entendre roucouler à la cantonade ». Perplexe devant la complexité des situations, Sandro a cette phrase qui peut résumer son récit : « Aucune pensée n’est jamais totalement juste. Totalement pure. Aucun sentiment ». C’est la conclusion que l’on peut tirer à la fin de L’été sans retour, qui laisse ouvertes les interprétations.  Joseph DuhamelL’été sans retour est d’abord l’histoire d’un homme, Pasquale Serrai, de sa famille, de la relation proche et riche de silence qu’il a avec Sandro, le fils d’un des ses amis décédé. C’est aussi l’histoire d’un drame dans le beau village de Ravina qui se blottit dans les collines du sud de l’Italie, la disparition d’une adolescente. C’est encore et surtout l’histoire du rapport des hommes avec leur terre, « les hommes sont indissociables de la nature qui les a vus naître et dont ils sont le portrait le plus fidèle, effrayante de beauté et d’âge ». Continuer la lecture

Millefeuille d’Europe

Grégoire POLET, Soucoupes volantes, Gallimard, 2021, 240 p., 19.50 € / ePub : 13.99 €, ISBN : 9782072878343

polet soucoupes volantesAprès sept romans et divers opuscules, Grégoire Polet s’exerce à l’art de la nouvelle. L’on sait qu’il ne suffit pas d’avoir fait sa place comme romancier pour être reconnu comme nouvelliste. Ni l’inverse d’ailleurs. Le récit bref est un art en soi qui tient surtout de l’ascèse et les lecteurs francophones ne sont guère portés à ouvrir ces recueils qui séduisent depuis longtemps les anglophones. La nouvelle reste d’ailleurs une aventure éditoriale à risque. Soucoupes volantes, recueil dont la sortie était programmée il y a un an, vient juste de paraître : signe des temps incertains, de la fragilité éditoriale du genre, ou un peu des deux ? Qui nous dira combien de livres se sont perdus au cours des quinze derniers mois ? Continuer la lecture

« La fantastique histoire de Jewish Rebel et Muslim Monster »

Un coup de cœur du Carnet

Geneviève DAMAS, Jacky, Gallimard, 2021, 159 p., 14,50 € / ePub : 10,99 €, ISBN : 978-2-07-292456-9

damas jackyIbrahim a 18 ans. À l’âge où la plupart préparent leur avenir, lui ne fait pas de projet. Il ne croit plus en rien depuis qu’il est allé Là-bas. Là-bas, cet endroit dont il ne faut pas parler, où il est parti sans prévenir et d’où, par chance, sa mère l’a ramené. Là-bas, c’est la Syrie. S’il en est revenu, son esprit est marqué par l’horreur et son quotidien par les règles qui encadrent son retour à Bruxelles. Continuer la lecture

Rolin et Sollers, attelés au même livre

Dominique ROLIN, Lettres à Philippe Sollers 1981-2008, éd. établie et présentée par Jean-Luc Outers et annotée par Frans De Haes, Gallimard, 2020, 432 p., 24 € / ePub : 16.99 €, ISBN : 978-2-07-289375-9

rolin lettres a philippe sollers 2Avec ce deuxième volume des lettres de Dominique Rolin à Philippe Sollers, couvrant cette fois les années 1981 à 2008 – l’écrivaine disparaît quatre ans plus tard, le 15 mai 2012 – se clôture une aventure exceptionnelle et rare, à la fois amoureuse et littéraire, dont il y a peu d’équivalent dans l’histoire des lettres – et dans la vie, tout simplement. Exceptionnelle par sa fécondité d’écriture, certainement, tant les deux écrivains, depuis leur rencontre à l’automne 1958, ont conçu – outre leur œuvre personnelle, distincte mais par moments existant en miroir –  une prouesse qui défie le temps, les habitudes et les conformismes. Continuer la lecture

On se casse

Caroline DE MULDER, Manger Bambi, Gallimard, coll. « La Noire », 2020, 206 p., 18,50 € / ePub : 12.99 €, ISBN : 978-2-07-289349-0

de mulder manger bambiDans la chambre de ce luxueux hôtel, l’homme nu est ligoté et bâillonné sur le lit. De l’autre côté du gun, le revolver, qui le menace, il y a une adolescente de presque 16 ans, Bambi, Hilda de son prénom, Dada pour sa mère. Le vieil homme a été attiré par le biais d’un site de rencontres, de sugardating. Bambi, aux yeux de biche, ne supporte pas qu’on la touche, mais elle apprécie l’argent liquide, la montre, l’ordinateur et tout ce qui est monnayable. Elle se sent victime et estime avoir le droit de prendre tout ce que l’on ne lui donne pas gratuitement : « C’est pas ma faute, Leï, pas la tienne. Faut jamais l’oublier. On est des putains de victimes. On a tous les droits. ». Le gun qui la sert si bien et qu’elle chérit est tout ce qui lui reste de son père. C’est un moyen de persuasion efficace surtout s’il est doublé de mauvais traitements et même de sadisme. Continuer la lecture

Yourcenar et la vie des songes

Marguerite YOURCENAR, Les songes et les sorts, Gallimard, coll. « Folio 2 €», 2020, 130 p., 2 €, ISBN : 9782072877308

Yourcenar les songes et les sortsDans Mémoires d’Hadrien, L’œuvre au noir, Marguerite Yourcenar se penche sur la matière des songes, analysant l’activité imaginaire des dormeurs, mais c’est dans Les songes et les sorts paru en 1938 qu’elle explore la nature de la vie onirique. Depuis le rivage de la veille, elle retranscrit avec la plus grande fidélité vingt-deux songes qui ont peuplé sa vie nocturne. S’adonner à l’écriture implique souvent d’être ouvert aux productions de l’inconscient, au nombre desquelles les rêves. En fonction de leur contenu apparent, ces songes se répartissent en divers cycles, ceux du père, de l’église, de la mort, de la terreur… dont elle suit les images, la construction, les récurrences avec l’attention de qui, tout en étant éveillé, demeure branché sur cette sphère échappant à la maîtrise de la conscience. Continuer la lecture

« Il y a toujours une fin aux confins … »

Un coup de cœur du Carnet

Anna AYANOGLOU, Le fil des traversées, Gallimard, 2019, 97 p., 12,50 € / ePub : 8.99 €, ISBN : 978-2-07-284427-0

anna ayanoglou le fil des traverseesCréé en 1913, le personnage de Barnabooth, voyageur libre et délicat, nous entraîne à travers l’Europe du début du 20e siècle. Sous la plume précieuse de Valery Larbaud, les villes du vieux continent se succèdent, se déplient, de Moscou à Londres, de Paris à Berlin. Occasion pour Barnabooth de dessiner une cartographie intime et personnelle que le lecteur devine au fil des fragments compilés du  journal et des poèmes. L’un de ceux-ci éclaire particulièrement le contexte sentimental dans lequel s’effectue cette traversée, Continuer la lecture

Passés mais point perdus

Un coup de cœur du Carnet

Guy GOFFETTE, Pain perdu. Poèmes, Gallimard, 2020, 150 p., 18 € / ePub : 12.99 €, ISBN : 978-2-07-289494-7

guy goffette pain perduEn 2016, comme il le raconte à Nicolas Crousse (Le Soir, 17 mai 2020), Guy Goffette est victime d’un A.V.C. qui l’empêchera d’écrire trois années durant. Or, Gallimard lui demande instamment quelque manuscrit. L’auteur s’avise alors de fouiller son tiroir de poèmes restés inédits, soit qu’à l’époque ils lui aient paru insatisfaisants, soit qu’ils s’intégraient mal dans un projet de recueil. Il en choisit plusieurs, leur apporte les modifications qu’il juge opportunes, opération facilitée par le recul : certains textes remontent à de longues années, jusqu’à 1964… D’autres, qui avaient paru dans des revues ou des anthologies, font l’objet d’une sélection et d’une révision similaires. Tel est le mode rétroactif sur lequel est né Pain perdu, dont le titre suggère plaisamment le procédé de revalidation qui en constitue la genèse. Jadis, en effet, on ne jetait pas les tranches de pain rassis : mouillées dans une soupe de lait et d’œuf, puis frites à la poêle et saupoudrées de sucre, elles devenaient une quasi friandise. Continuer la lecture