Daniela GINEVRO, Lisières. Contes de petites filles dans la forêt, Lansman, 2023, 80 p., 12 €, ISBN : 9782807103917
Dans Lisières, Daniela Ginevro revisite cinq contes populaires : Le petit chaperon rouge, Hansel et Gretel, Les chaussons rouges, Vassilissa-la-très-belle et Boucle d’or. Ces célèbres histoires mettent en scène des petites filles des forêts à qui l’autrice dédicace son texte. Qui sont-elles ? Leurs noms nous sont familiers : le petit chaperon rouge, Gretel, la petite fille aux souliers rouges, Vassilissa, Boucle d’or… Mais il y en a tant d’autres. Continuer la lecture →
Sylvie ROGE, J’ai appris à me taire, F Deville, 2023, 204 p., 20 €, ISBN : 9782875990716
La narratrice, Clémence, veuve depuis plusieurs années, déménage dans une maison de repos, certainement son dernier déménagement avant la grande fin. Elle est résignée : c’est le chemin de la vie. Elle ne veut en aucun cas être un poids pour sa fille Justine. Cette dernière a déjà bien du souci avec son aînée, Gladice, une jeune adolescente au regard noir. Sa petite-fille lui rappelle quelqu’un : Anna, sa sœur aînée, avec qui elle a vécu jusqu’à ses six ans. Continuer la lecture →
Philippe BEHEYDT, L’aéroport, Lansman, 2023, 64 p., 12 €, ISBN : 978-2-8071-0384-9
L’intrigue se déroule dans un aéroport de province, sans doute quelque part au milieu des États-Unis. Une grosse tempête cloue les avions au sol et oblige les passagers à modifier leurs plans. Ils doivent quitter les lieux ou passer la nuit dans l’aéroport. C’est le cas de l’une des deux protagonistes – Elle – qui n’a d’autre choix que de se résoudre à attendre là, en s’installant comme elle peut sur une banquette, au milieu de ses sacs. Pendant qu’elle dort, un homme en costume froissé – Lui – arrive, avec sa seule valise, et s’installe sur le siège le plus éloigné d’elle. Elle se réveille et voit l’homme qui la fixe. Il engage la conversation et se joue rapidement d’elle. Elle est agacée par ce type qui cherche un peu de compagnie dans cet aéroport désert. Elle le trouve condescendant, lourd, envahissant et ne veut pas de cette promiscuité non désirée. Elle n’a pas envie de discuter ni de se faire de nouveaux amis. Mais lui n’abandonne pas la partie. Il la provoque gentiment, la drague, enchaine les jeux de mots pourris et fait tout pour qu’elle sorte de ses gongs. Après l’agacement, elle entre dans son jeu et se met à parler, jouer, provoquer elle aussi. Peu à peu, derrière leurs carapaces, on aperçoit leurs cicatrices et leur manque d’amour. Continuer la lecture →
Daniela GINEVRO, Au-dedans la forêt, Lansman, 2023, 52 p., 10 €, ISBN : 9782807103856
Au cœur d’une forêt mystérieuse et parait-il maudite, rôde une enfant des bois, « couverte de peaux d’animaux. Un masque d’écorce sur le visage, un couteau à la ceinture ». Surnommée La Mésange, elle raconte son présent et son passé. Comment elle est arrivée dans la forêt, accompagnée de son frère, Le Géant, et de sa sœur, La Renarde. Ils se sont « évaporés » dans les bois pour échapper à la maison au toit fêlé, à son froid qui s’insinuait partout, à la faim qui les tiraillait, à l’absence qui y régnait. De cette période dans la maison au toit fêlé où ils vivaient tous trois collés serrés, on n’en apprendra pas beaucoup plus, si ce n’est que les parents n’étaient plus là et que de nombreuses cicatrices invisibles datent de cette époque. Son frère, bien qu’étant l’aîné, est resté petit suite à une chute dans les escaliers. La Mésange parle de leurs premiers jours dans la forêt. Comment ils ont enterré leurs noms et s’en sont choisi de nouveaux. Elle évoque leur vie à trois dans les bois jusqu’à l’accident qui a scindé leur groupe à tout jamais. Peu à peu, la forêt devient son territoire, devient sienne. La solitude ne l’effraie pas. La nature, les animaux, les bruits sont là. Continuer la lecture →
Marie HENRY, Come to me Comme tout le monde, Lansman, coll. « Théâtre à Vif », 2022, 48 p., 11 €
Come to me, un jeune garçon de dix ans, roux, gentil, studieux et très grand, est le héros de cette histoire. Une légende plane autour de lui. On raconte qu’il est parfait. Comme dans un conte, il se promène dans une forêt et a enfilé de grandes bottes qui le font bondir. Par monts et par vaux, il avance vers celle qui l’appelle : Celle qui espère (ou attend) toujours. Cette dernière, qui fait des songes bien trop sombres et est l’héroïne de cette histoire, attend l’homme de sa vie. Ses pleurs doivent le guider. Come to me doit devenir le prince époustouflant de Celle qui espère toujours.
Mon nom est Come to me. Je suis en train d’escalader des monts et des vaux. Je n’ai pas peur. (…) Je cours à la rescousse d’un pleur. Continuer la lecture →
Alain DANTINNE, Une gravure satanique, Weyrich, coll. « Plumes du Coq », 2023, 136 p., 16 € / ePub : 11,99 €, ISBN : 9782874898761
Des années septante à nos jours, ces quatorze nouvelles mettent en lumière des instants de vie très différents les uns des autres. Certaines sont irriguées d’un penchant politique, d’autres exposent des parcours beaucoup plus personnels. Mais toutes témoignent d’un certain idéal libertaire, avec le vagabondage et l’insoumission pour seules armes. De longueur variable et ponctuées d’humour, les nouvelles nous emportent aux quatre coins de la Belgique et du monde : l’Ardenne belge, Paliseul, l’Entre-Sambre-et-Meuse, mais aussi l’Espagne, l’Écosse, le Congo, le Chili… Continuer la lecture →
Alex LORETTE, Aussi long que le silence, Lansman, 2023, 56 p., 12 €, ISBN : 9782807103733
Un beau puits… Du solide. (…) Rien que des blocs de tuffeau, doux au toucher, comme la peau d’un bébé. (…) Le puits était plus beau que la maison. La maison n’a jamais été agréable. (…) Il y faisait sombre. On aurait dit un terrier. Oui, la maison faisait penser à un terrier… un terrier à lapins, avec des galeries partout.
Depuis plusieurs générations, la famille de Georges vit dans une petite maison, dans un coin reculé où tourbières et sables mouvants s’étendent à foison. Georges a grandi dans cette demeure, puis s’y est installé avec sa femme – une fille qui n’était pas du village – au grand désarroi de sa mère. Une fois cette dernière partie, la femme a fait condamner le puits qui trônait devant la maison. Il lui gâchait la vue. Mais sous la terre, le puits était toujours là et n’avait pas dit son dernier mot.
Un jour, Georges a disparu, laissant derrière lui sa femme et trois orphelins. Une entrepreneuse explique à la mère que la maison risque de s’écrouler à cause de l’humidité et qu’il faudrait entreprendre de gros travaux. Mais celle-ci ne veut rien entendre. Elle attend désespérément que son mari revienne. Prendre de telles décisions sans lui est inenvisageable. Elle n’arrive déjà pas à joindre les deux bouts alors comment payer une telle rénovation ? Pourtant, l’odeur d’humidité s’infiltre partout et, de page en page, ne fait qu’empirer. Les paroles de sa sœur (la tante), venue l’aider, n’y changent rien. Pourquoi ne vend-elle pas carrément ? Continuer la lecture →
Michel LAMBERT, Cinq jours de bonté, Le beau jardin, 2023, 252 p., 20 € / ePub : 9,99 €, ISBN : 9782359700749
Thomas Noble, le narrateur, emmène sa femme Raya à Ostende. Une permission de cinq jours lui est accordée. Hospitalisée dans une clinique spécialisée, c’est sa première sortie depuis longtemps. Thomas est nerveux. Il a peur de ses réactions. Du couloir de la mort où elle végète, il espère la conduire dans le couloir de la vie. Beaucoup de non-dits s’interposent. On sent un passé pesant, une fracture. Tous les deux sont enfermés dans des prisons différentes et ont banni depuis belle lurette de nombreux mots de leur vocabulaire, tels que chance, « espoir, demain, bonheur, chanter, rire… ». Thomas fait le clown pour détendre l’atmosphère, mais il est maladroit. Continuer la lecture →
Alex LORETTE, Un fleuve au galop, Genèse Édition, 2023, 247 p., 22,5 € / ePub : 13,99 €, ISBN : 9782382010259
Tout au long du roman, nous suivons les récits de plusieurs personnages. Il y a d’abord Lucie, qui est née au Congo et n’a jamais été heureuse en Belgique. Ensuite, il y a sa fille Félicité avec qui elle n’a jamais réussi à communiquer. On suit également les histoires du père André, autrefois appelé Nkisu, de Massiga, la nourrice de Lucie et enfin d’Edmond, l’arrière-grand-père de Lucie, un colonisateur sanguinaire.
Lucie aimerait retourner au Congo, cette terre qui l’a vue naître, au bord du fleuve, dans les années 1940. Malgré sa couleur blanche, elle s’est toujours sentie noire à l’intérieur, une Congolaise. À présent, il est trop tard. Elle est clouée au lit dans sa maison de retraite. Elle pourrait demander à sa fille qui habite en Norvège de l’y accompagner, mais elle n’a plus de contact avec elle. Seuls lui restent les souvenirs dans lesquels elle plonge à corps perdu, au risque de s’y perdre. Lucie se souvient de Massiga, cette Congolaise qui l’a éduquée comme sa propre fille. De Koko, son grand-père, qui considérait les Congolais comme des sauvages. De son père, presque toujours absent. De ce 28 mai 1958 où, âgée de 17 ans, on l’envoya en Belgique pour étudier dans un pensionnat de sœurs. Lucie repense aussi à Nkisu, son ami d’enfance qui allait chez les pères blancs. Elle se souvient de leurs parties de foot, de leurs baignades dans le fleuve, mais aussi de ce jour d’été de 1957, où ils se sont aimés et où sa vie a basculé. Elle évoque sa grossesse cachée. La naissance de Félicité et le départ vers la Belgique, en 1958, sans son enfant, seule et sans d’autres bagages qu’une volonté tenace de revenir au plus vite au Congo. Continuer la lecture →
Stéphanie BLANCHOUD, Le temps qu’il faut à un bébé girafe pour se tenir debout, Lansman/Rideau, coll. « Théâtre à vif », 2023, 40 p., 10 €, ISBN : 9782807103740
Quarante-cinq minutes. C’est le temps d’une mi-temps au football ou le temps qu’il faut à un girafon pour se tenir debout, après sa naissance. C’est aussi le temps réglementaire que dure une visite au parloir, en prison. Et le temps que Louise passe sur un banc, chaque mercredi, face au numéro 44 de la rue Berkendael, à Bruxelles, la prison des femmes.
Tout en comptant les trous dans le trottoir, Louise raconte son histoire depuis ce banc. Elle parle de sa mère qui est comme un fantôme à présent. Elle se souvient de sa mère qui visait les pigeons avec son pistolet à billes. Des histoires qu’elle leur racontait. De sa voix réconfortante. Mais aussi de la violence de l’homme qui a partagé sa vie durant dix-huit ans. Quand elle était plus jeune, Louise montait dans sa chambre lors de leurs disputes et ne redescendait que quand elle entendait Vivaldi, signe qu’il était parti et que sa maman ramassait les morceaux brisés. Dix-huit années à voir sa mère s’éteindre à petit feu. Vivaldi était l’échappatoire de celle-ci, sa bouée de sauvetage. Que s’est-il passé le jour du meurtre ? Le jour où sa mère a mis fin à son calvaire en tuant son beau-père ? Louise a plein de questions, mais sa mère ne se souvient de rien. Elle se ferme de plus en plus jusqu’à définitivement refuser de la voir. Continuer la lecture →
Christine DELMOTTE-WEBER, La cabane d’Alexandra Kollontaï, Oiseaux de nuit, coll. « Rideaux rouges », 2022, 112 p., 10 €, ISBN : 9782931101599
Alix rencontre Julia, par l’intermédiaire d’une amie commune. Dès les premières secondes passées ensemble, elles tombent dans les bras l’une de l’autre. S’ensuit une relation. Julia est aussi en couple avec Samuel. Enfin, « en couple » n’est pas tout à fait le terme approprié. Samuel goûte aux joies du polyamour et n’a pas moins de quatre relations au même moment. Il encourage Julia dans cette voie, mais elle est plus réticente. Des pointes de jalousie surgissent, surtout quand Alix rencontre Samuel et que ces deux-là se plaisent à leur tour. Alix découvre ce nouveau mode de relations. Leur rencontre a lieu dans la cabane de Samuel, un lieu retiré où il désire vivre autrement. Son rêve serait de s’épanouir au sein d’un polycule, c’est-à-dire un groupe polyamoureux. Selon lui, le couple ne laisse pas de place à l’individualité. Sa référence dans le domaine est Alexandra Kollontaï, une communiste et militante féministe marxiste soviétique, qui a forgé une nouvelle conception du monde. Il a d’ailleurs donné son nom à sa cabane. Continuer la lecture →
À travers ce monologue, écrit pour l’actrice Hélène Theunissen, nous suivons le quotidien de Marie Couturier, une sexagénaire célibataire qui doute beaucoup et n’aime pas voir son corps vieillir. Ce corps, qu’elle n’aimait déjà pas dans sa jeunesse et qu’elle aurait dû pourtant aimer, n’est aujourd’hui plus que l’ombre de ce corps passé avec ses bras fripés, ses rides, ses pattes d’oie, ses dents que l’on bichonne pour qu’elles ne se déchaussent pas, ses quelques poils blancs sur le pubis, sa cellulite, les contours du visage qui s’affaissent, ses chevilles qui s’épaississent… Marie voit la vieillesse comme une guerre, un bombardement sans fin. Ce qu’elle craint le plus, c’est de ne plus jamais faire l’amour. Peut-être a-t-elle déjà vécu sa dernière fois ? Sera-t-elle encore objet de désir et de fantasme ? La vieillesse ne peut-elle pas aussi être le champ de tous les possibles ? Continuer la lecture →
Céline DELBECQ, Les yeux noirs, Lansman, 2022, 60 p., 11 €, ISBN : 9782807103641
Les yeux noirs rassemble trois textes courts de Céline Delbecq, trois histoires « pour comprendre l’incompréhensible, sonder l’insondable ». Ce triptyque, composé de Phare, Les ombres et La nuit est noire et publié aux éditions Lansman, aborde les violences conjugales et intrafamiliales.
Phare, écrit en 2017 suite à une commande de la SACD France, nous met en présence d’une femme abimée par son mari. Ils vivent avec leurs enfants dans un phare. Sept minutes de retard et le déluge s’abat sur elle. Les tempes de l’homme se mettent à battre. Ses yeux ne sont plus les mêmes. C’est le signal que les coups vont pleuvoir. Elle se persuade qu’il n’est plus maitre de lui-même dans ces moments-là, que ce n’est pas Benoît qui la bat, mais un démon qui prend possession de son corps. Il n’est qu’une âme égarée qui n’a que trop vu son père battre sa mère. Cette fois, les coups pleuvent très violemment, comme la mer qui se déchaine dehors et se fracasse contre les rochers. L’homme s’en va pour pleurer et se coucher, et laisse la femme étendue par terre. Ses enfants arrivent. Va-t-elle réussir à se relever ? Va-t-elle réussir à partir ? Continuer la lecture →
Comment continuer à vivre quand on vous annonce le pire ? Comment faire son deuil ? Surmonter la douleur face à la mort de son enfant ? La vie, telle un ricochet, impose parfois des rebonds imprévisibles.
Alors qu’elle vient d’arriver dans la bibliothèque où elle travaille, Claire reçoit un terrible appel : elle est demandée urgemment à l’hôpital. Son mari et son fils ont eu un grave accident de voiture. Arrivée sur place, on lui annonce que son mari, Martin, est en salle d’opération et qu’il va s’en sortir. Malheureusement, ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour leur fils, Sacha, qui est décédé. Continuer la lecture →
Marie HENRY, Norman c’est comme normal, à une lettre près, Lansman Jeunesse, 2022, 40 p., 9 €, ISBN : 2807103561
Dans une contrée lointaine, mais pas si lointaine, un soir de pluie entre les mois de janvier et février, nait Norman, un petit garçon aux joues roses et joufflues comme tous les bébés. À sept ans, Norman affirme ses choix : il aime le rose et tout ce qui brille, et ce qu’il affectionne par-dessus tout, c’est porter des robes. Un jour, on lui permet de garder sa robe toute la journée pour jouer au jardin. Norman aime sentir le vent s’engouffrer sous son vêtement qu’il fait tourner inlassablement. Mais derrière cet acte, déjà des voix s’élèvent : « Que fait le gamin des voisins ? Il ne porte pas une robe quand même ? ». Norman, lui, aurait préféré ressembler à sa mère plutôt qu’à son père. Continuer la lecture →
Daniel SIMON, La troisième nuit, Lansman, 2022, 40 p., 10 €, ISBN : 978-2-8071-0357-3
Un homme vit reclus dans sa cave de 10m2. Par le soupirail, il observe la vie d’en haut et note, dans un carnet, des bribes de ce qu’il s’y passe : la belle Madame Hirondelle avec ses talons, le gamin qui court et tombe souvent, cette autre dame avec toute sa marmaille… Il est le scribe du soupirail. Il mange peu et se nourrit exclusivement de denrées qu’il trouve dans les poubelles, au pied des immeubles ou à côté des grandes surfaces. La nuit, il marmonne et pense à sa famille qu’il avait encore, il n’y a pas si longtemps. Continuer la lecture →