Lettres hospitalières
Yun Sun LIMET, De la Vie en général & du Travail en particulier, Belles Lettres, 2014
Intéressant projet que celui de la collection « Tibi », lancée par les éditions des Belles Lettres : elle vise à proposer des ouvrages de réflexion, de formes variées, mais toujours brèves, et « inspiré[e]s par les maîtres du billet d’humeur, les Anciens », sur des sujets quotidiens, avec le souci constant de rester accessible à un large public.
À l’inverse de ce que son titre, d’une pompe parodique, laisse présager, le dernier ouvrage de Yun Sun Limet, De la Vie en général & du Travail en particulier, embrasse parfaitement les objectifs de la collection qui l’accueille. En fait de forme, l’auteure de Joseph a choisi pour son court essai l’autofiction épistolaire 2.0 : depuis l’hôpital où elle se fait soigner pour une maladie grave, « ysl » envoie des emails à trois destinataires, amis ou connaissances, et partage ainsi avec eux ses pensées du moment. Le repos auquel la contraint sa santé défaillante lui inspire un questionnement sur le travail et le loisir et sur leur place dans l’existence humaine. Ces interrogations touchent directement à la condition d’écrivain. Comme la plupart des gens de Lettres, Limet exerce un métier lucratif – un vrai métier ? – à côté de ses activités de plume. Elle s’interroge alors : écrire relève-t-il du travail ou du loisir ? Si les réponses de ses correspondants la poussent à approfondir sa réflexion, celles-ci ne sont jamais reproduites dans le livre. L’essai n’en est pas pour autant, loin s’en faut, un exercice à une seule voix : l’essayiste se livre à un travail de relecture de philosophes qui se sont, avant elle, intéressés à la question du travail – Sénèque, surtout, mais aussi d’autres – et n’hésite pas à citer de larges extraits qu’elle commente ensuite.
On sort de l’ouvrage de Limet avec l’envie de se (re)plonger dans les pages de ces auteurs – et le dépit de n’en avoir pas toujours le loisir.
Nausicaa Dewez
Article paru dans Le Carnet et les Instants n°183 (2014)