Guy Goffette, Les derniers planteurs de fumée

Les planteurs de fumée

Guy GOFFETTE, Les derniers planteurs de fumée, Gallimard, coll. « Folio 2€, 2011

goffette les derniers planteurs de fuméeCe volume de contes tient tout entier dans un paradoxe à lire dès la première nouvelle « Partance » dans l’épigraphe de Rimbaud : « On ne part pas ». on ne part pas, mais on rêve, on imagine l’ailleurs, tout vient à soi par le rêve. Et celui-ci permet les voyages les plus justes. Les brefs récits qu’imagine Goffette proposent autant de situations paradoxales : l’enfant devenu homme qui, au fond de l’Ardenne, se retire dans une caravane immobilisée près des peupliers parce que ceux-ci recrachent la mer ; le même enfant, devenu sans doute un autre homme, cherchant partout la mer, ne découvrant que des mers,  s’arrêtant dans un village au centre des terres et attendant que la mer vienne l’y rejoindre.

Ce qui séduit dans ce recueil, c’est l’interrogation sur le statu de la réalité, c’est la récurrence d’un certain nombre de thèmes, repris et retissés autrement, des détails qui passent d’une nouvelle à l’autre, avec cette sensibilité aux mots que l’on connait bien au poète Goffette : le grand-père qui a (peut-être) navigué et qui possède une pipe d’écume que l’on fume sans l’allumer. Et toujours les paradoxes qui ne sont pas que des figures de style mais qui font la perception même du monde : « on n’emporte avec soi que ce qu’on a donné », « d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours vécu en exil » ; « cette impression de n’avoir jamais commencé, d’être toujours depuis toujours à attendre que cela veuille bien se mettre en branle ».

Joseph Duhamel


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°166 (2011)