Guy Goffette, Presqu’elles

Voy’elles

Guy GOFFETTE, Presqu’elles, Gallimard, 2009

goffette presqu'ellesA travers les dix récits de Presqu’elles, Guy Goffette renoue avec l’atmosphère intimiste d’Une enfance légère, roman d’initiation à haute valeur poétique, réédité depuis en collection de poche.

Le jeune narrateur d’Une enfance légère a grandi mais il a toujours pour la gent féminine une curiosité à laquelle il rend les hommages à travers une plume qui a la formule alerte, le sens du raccourci, une musicalité poétique. Cette prose est marquée du rythme des passantes que Goffette épingle sous son regard. Car toutes les femmes décrites dans ses textes sont saisies au vol de son voyeurisme littéraire. Il ne se passe quasi rien entre ses femmes et le narrateur qui les croque. Ou plutôt il se passe tout dans l’enchantement d’un instant suspendu, dans l’éblouissement d’une image captée. Et de l’image au fantasme, il n’y a qu’un pas que Goffette franchit allégrement.

Ainsi est-il pris par la vision d’une passante vêtue de rouge, au pas vif et court, surmontée d’un petit chapeau plat « du plus malheureux effet, comme un hiatus. » Mais l’auteur se joue de nous et s’il s’ingénie à nous « révéler le nu secret« , on découvre au final une autre réalité que celle imaginée au début. Ces textes oscillent  aussi entre réel et rêve, entre femmes de chair et femmes de papier. Ainsi donc se multiplient ces portraits de femmes : lectrice voyageuse croisée dans une gare qui a « la lecture lente des dévotes qui s’ignorent« , étudiante détaillée par un banlieusard sous toutes les coutures de son collant noir et de sa jupe, simples mannequins dans une vitrine, rêve d’Amsterdam sous le pinceau de Rembrandt qui lui fait perdre une dernière fois le Nord et toute son enfance, actrice américaine platinée inspiratrice de la phrase, « cette phrase unique, inespérée, miraculeuse qui mûrissait depuis des siècles dans les tréfonds de son ombre et pour laquelle il lui semblait avoir vécu, aimé, désespéré si longtemps« . Ces femmes inspiratrices d’une phrase inespérée et miraculeuse, il les déniche parfois de façon inattendue, comme dans le Larousse en images de ses années de jeunesse au collège des frères maristes ou, plus tard, dans sa solitude d’écrivain, sur une tasse en porcelaine chinoise. Guy Goffette capte ainsi l’érotisme jusque dans le quotidien le plus banal et se fait son petit cinéma, souvent avec humour, en accrochant son regard à tout l’arsenal de la séduction féminine : collant noir, jupe bleue d’écolière sage, fourreau rouge, etc., mais là où certains tomberaient dans le vulgaire et le prosaïque, il apporte une tonalité littéraire et poétique.

Michel Torrekens


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°158 (2009)