Lucien Noullez, Des équipages inaccomplis

Ma vie au jour le jour

Lucien NOULLEZ, Des équipages inaccomplis, Journal 2003-2004, L’Âge d’homme, 2013

noullez des equipages inaccomplisMême si la poésie demeure pour lui « la seule grande aventure », Lucien Noullez ne pourrait se passer de tenir son journal : « ce rendez-vous de chaque jour avec ce qui surnage dans le quotidien agit en moi à la manière d’une bouée. »

Il en avait publié un premier tome en 2009, intitulé Une vie sous la langue. Un deuxième paraît aujourd’hui, couvrant les années 2003 et 2004 : Des équipages inaccomplis.

Presque quotidiennement, Lucien Noullez relate ses rencontres, ses travaux, note ses réflexions, décrit une petite scène qui l’a touché au hasard des rues ou dans le métro, évoque ses lectures, un souvenir, un projet.

Grand marcheur, dans la ville comme à la campagne, nageur émérite, il se révèle surtout un amateur passionné de musique classique. « Sans la musique qui passe dans ma vie comme une métaphore de la foi, je pense que je verserais dans une irrémédiable mélancolie. » Un lecteur pénétrant, qui revient souvent à Julien Green, en qui il décèle « cette forme très particulière de la misanthropie qui fonde les vrais humanismes ». Trouve chez Charles Du Bos « des questions spirituelles magnifiques ». Cite des poètes chers : Jean Follain, Guillevic, André Schmitz… Se souvient avec émotion d’Albert Ayguesparse : « On ne se console pas de la mort d’un tel homme. »

Ouvert, souriant, bienveillant, rarement moqueur, il ne se cache pas « cet exorbitant besoin de communiquer qui est depuis toujours tout à la fois mon ange et mon boulet ». Ne s’illusionne pas sur les limites de l’écriture de soi : « On ne dit jamais tout. Un journal, un poème, un livre valent aussi, et peut-être même avant tout, par ce qu’ils taisent. »

L’intérêt s’émousse parfois devant des notations anodines. Se réveille à des accents d’une profonde justesse : « La nostalgie n’est pas le regret du passé, mais sa présence. »

Francine Ghysen


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°178 (2013)