Pierre Puttemans : « J’ai cent ans » – 20 février 2033

Pierre Puttemans

Pierre Puttemans

From here to eternity

Quoi, merde, il est encore là, Puttemans, est-ce qu’il ne nous a pas assez fait chier, il va bientôt poser sa chique j’espère, moi qui ai quatre-vingt-cinq ans j’entends déjà les murmures à travers mon sonotone, mais lui ! il est débranché, c’est sûr, il tombe avec les rameaux et le tronc entier, regardez-le, il est cassé en deux ou trois, mais il y a encore de bonnes âmes pour aller réparer ça, ce débris crasseux, et ça veut encore causer ! enfin c’est ce qu’il prétend parce que sans son râtelier on ne comprend rien, c’est une bouillie, un glouglou, un bruit de bétonnière fatiguée, tiens ! ça doit lui rappeler le bon temps, quand on construisait encore à la main et que la pays n’était pas entièrement recouvert d’horreurs en tous genres – il y en a de lui, d’ailleurs, elles tiennent encore, à coups de réparations diverses, la date de péremption est passée depuis vilaine lurette, il faudrait mettre ça sur tout ce qu’on fabrique – cathédrale : à consommer de préférence avant le 12 avril 2034 ; poème : à conserver à l’abri de la lumière, ne pas consommer plus de 48 heures après le déballage – et lui ? et moi ? y a pas une date limite ? il n’a pas construit une maison de repos il y a trente ans, quand il y avait encore des crayons et qu’on ne dessinait ou n’écrivait pas tout sur leurs foutus écrans, des plans virtuels, des livres virtuels ? et vous cher ami ? quelle encre utilisez-vous ? cristaux liquides ! je m’en vais te les liquider leurs cristaux ! et Puttemans avec, ça a bien assez duré comme ça.

Jean Avijl

Pierre Puttemans


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°100 (1997)