Jean-Pierre Verheggen, Poste coïtum. Facteur triste !

Le rimeur résonne toujours deux fois

Jean-Pierre VERHEGGEN, Poste coïtum. Facteur triste !, ill. Robert Brandy, ARTGO, 2009
Jean-Pierre VERHEGGEN, Phallus et Morilles, ill. Joël Des bouiges, ARTGO, 2009

Poète à temps plein, Jean-Pierre Verheggen se plairait-il aux rythmes stakhanovistes ? Ces derniers mois, deux petits nouveaux ont rejoint la bande d’Artaud Rimbur et de Divan le Terrible

Poste coïtum. Facteur triste ! Dès le titre de cette nouvelle parturition, Verheggen donne le ton, d’autant qu’il glisse d’emblée, comme un faire-part de naissance : « Notre père qui êtes au superficiel, pardonnez-nous de vous trouver un peu léger ! » Nous voici prévenu ! Et sans en appeler aux mânes des dada-pata-surréabulistes, reconnaissons que le rigolard rimeur s’amuse à taquiner les grands ancêtres dans leurs petits jeux de mots. « Aimez-vous les vers de caramels mous ? » semble demander à son lecteur (avec ou sans houppe, et même à Milou !) notre professeur Jean-Pierre, amateur de calembours, professionnel du faux lapsus et porteur de mots-valises… D’aucuns le trouveraient « exagéré » ? Verheggen assume et assomme les délicats : « Poésie humide et vulgaire, exemple : tu es la pluie belge du monde, tu sais ! Je mouille pour toi. » Ou assène aux beaux esprits esthètes et épiciers : « Le marché de la peinture se porterait beaucoup mieux si le cubisme était sponsorisé par Knorr, Liebig ou Oxo ; le tachisme par Ariel ; le fauvisme par le lion de Peugeot et le minimalisme par quelque fabricant de strings ! » Ou encore assiste les jeunes poètes de son art poétique très perso : « Jean-Paul, / Jean-Pierre, / Jean-François, / Jean-Michel, / Jante-Pneu, / vous voyez ça roule ! / ça roule tout seul la poésie ! »

La seconde naissance verheggenienne se présente en deux cahiers jumeaux : l’un, Phallus et Morilles est sous-titré Quatorze tentatives érotico-culinaires et montre en vis-à-vis les poèmes gourmands de l’auteur de L’Oral et Hardi et les planches mycologiques dues à Joël Desbouiges ; l’autre, Mycorama, est une suite illustrée de « vingt-huit champignons comestibles » du même illustrateur.

Avec Verheggen au piano, le menu ne l’est jamais ! Ainsi sa « Piperade aux lactaires délicieux » commence ainsi : « Magritte déjà (dans les années 48) / en faisait – ceci n’est pas une blague ! – / sa piperade de couleurs érotiques. / C’était dans les années Cobra / pendant sa période vache, va de soi ! / Certains prétendent qu’il fallait bien faire bouillir la marmite, / d’autres – moins sectaires ! – qu’il en fit ses délices ! » La suite de la recette et la planche illustrée (inspirée ! les cueilleurs de champignons étant toujours des cueilleuses…) dans ces deux beaux cahiers d’écoliers buissonniers.

Christian Libens


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°163 (2010)