
Benoit Feroumont – LaLilawood, CC BY-SA 3.0
Avec trois albums en librairie et un court-métrage en préparation, Benoît Feroumont a eu une année 2016 bien remplie. Retour sur le parcours d’un animateur talentueux qui a su se muer en auteur de bande dessinée courtisé.
Il n’est pas aisé d’accorder son agenda avec celui de Benoît Feroumont tant l’auteur est sollicité de toute part. Après plusieurs semaines de négociations, nous parvenons enfin à fixer un rendez-vous. Et quel meilleur endroit que le Parvis de Saint-Gilles, lieu de rencontre favori de la communauté artistique bruxelloise, pour un entretien passionné avec un auteur aussi passionnant ?
Il est 20h30, Benoît Feroumont a quelques minutes de retard. Il s’installe, s’excuse et m’interroge : « Je risque de devoir partir un peu plus tôt que prévu. Est-ce que ça pose un problème ? ». Je lui réponds que non, l’interview ne devant pas durer plus d’une heure. Feroumont s’installe, commande une bière et l’entretien débute.
Des débuts foisonnants
Né en 1969 à Aye, du côté de Marche-en-Fammene, Benoît Feroumont, fils de pharmacien, a été éduqué dans un milieu catholique. C’est à l’âge de treize ans qu’il est initié au dessin et à l’animation en participant au stage Caméra Enfants Admis (aujourd’hui renommé Caméra-Etc Asbl), un atelier de production de films d’animation basé à Liège. C’est là qu’a lieu le déclic. Le jeune Benoît ne sait pas encore exactement dans quelle direction il veut se diriger, mais une chose est certaine, son parcours sera… dessiné.
Comme beaucoup d’auteurs belges, il rejoint les bancs de l’institut Saint-Luc à Liège. « Nous étions à la fin des années 80 et je n’avais pas envie de vivre à Bruxelles, c’est pourquoi j’ai décidé d’aller étudier à Saint-Luc Liège. L’idée d’aller vivre là-bas me tentait bien plus ». Après trois ans passés à étudier l’illustration et la bande dessinée et la réalisation d’un court-métrage animé comme travail de fin d’études, Feroumont fait ses valises et déménage, finalement, à Bruxelles pour étudier l’animation à l’École Nationale Supérieure des Arts Visuels de La Cambre. Une expérience qui a beaucoup enthousiasmé l’auteur : « C’était un peu le paradis, là-bas. Dès que je suis arrivé, les professeurs nous ont dit « Allez-y, faites des films ! » ». À l’époque assez renfermé, Feroumont passe beaucoup de temps à travailler et peaufiner son art. « Finalement, le fait d’être timide a été un excellent atout ».
Courts et récompensés
En 1992, alors qu’il entame sa deuxième année à La Cambre, Benoît Feroumont rencontre son premier succès critique grâce à son court-métrage Chapeaux qui lui vaut de remporter le Prix de la Communauté Française au Festival Media 10/10. Le succès est de nouveau au rendez-vous deux ans plus tard, lorsqu’il présente son cinquième court-métrage Madame O’Hara, film qui remportera de nombreux grands prix dont certains dans des festivals internationaux (comme au Festival des Films du Monde de Montréal, ndlr). « Tout à coup, je remporte des récompenses, de l’argent, je suis invité à participer à tout un tas de festivals… » explique Feroumont. « J’étais super fier et j’ai un peu attrapé la grosse tête. C’est normal dans ce genre de situation (rires) ».
Ses études à la Cambre terminées, Benoît Feroumont s’attaque à la réalisation du court-métrage Bzz, un film qui va lui demander beaucoup d’énergie et d’investissement. «J’avais très peu de budget pour la production de ce film, précise Feroumont, c’est pourquoi je suis allé le présenter à Geert Van Goethem de la boîte de production S.O.I.L qui a bien voulu en financer une partie ». Malgré cela, Bzz manque toujours de budget, obligeant Feroumont à accepter des travaux de commandes tout en continuant à monter son film.
À ce moment de l’entretien, Benoît Feroumont regarde l’heure. Voilà plus de trois quarts d’heure que nous discutons et son rendez-vous est dans vingt minutes. «On n’aura pas le temps de parler de tout, constate-t-il ». Je lui demande s’il veut poursuivre l’interview par e-mail, il me répond que non, que l’exercice l’amuse et me demande s’il serait possible que nous complétions l’entretien lors d’une prochaine rencontre. J’accepte, bien entendu, sa requête. Nous commandons de nouveau à boire et notre discussion reprend.
« C’est durant cette période que je fais la connaissance de Sergio Honorez avec qui je me suis très vite bien entendu et qui était LE réalisateur à la mode dans le monde de la publicité », continue Feroumont. Honorez, séduit par le travail du dessinateur, lui propose de collaborer sur les parties animées de ses spots publicitaires, une offre que Feroumont acceptera et qui lui permettra d’être plus à l’aise dans la réalisation de son court-métrage. Financièrement parlant, s’entend, car ces travaux de commande lui demanderont beaucoup d’énergie.
Après cinq ans de production, Bzz est enfin terminé et projeté au Festival Anima au début des années 2000. Franc succès, il remporte le Grand Prix et le Prix du Public, de quoi ravir son auteur qui peut enfin se reposer et décide de partir en vacances en famille. « Nous n’avions pas beaucoup d’argent à l’époque, mais nous avons quand même décidé de partir du côté de Barcelone », précise l’auteur. « C’est là que je reçois un appel de Geert Van Goethem qui m’annonce que Bzz vient d’être sélectionné au Festival de Cannes ». Une reconnaissance qui laisse Feroumont sans voix. Il ne le sait pas encore mais cette nomination va lui amener de nouvelles opportunités.
Un homme entre alors dans le bar où a lieu notre entrevue. C’est la personne avec qui Benoît Feroumont a rendez-vous. « Ah ! Déjà ! », s’étonne Feroumont en se levant de sa chaise. Nous nous saluons et fixons un nouvel entretien la semaine suivante, même heure, même endroit. Durant ce laps de temps, j’en profite pour regarder Bzz, disponible sur la plateforme Vimeo. Dans ce court-métrage humoristique relatant les déboires d’un homme qui tente tant bien que mal de tuer une mouche, se retrouvent déjà les éléments qui vont faire le succès des futurs travaux de Feroumont : un humour féroce et des personnages hauts en couleurs.
De court à long
Une semaine plus tard, Benoît Feroumont et moi nous retrouvons à nouveau. « Cette fois, me dit-il, j’ai plus de temps». J’ouvre mon carnet de notes et retrouve le moment où nous nous étions arrêtés : l’arrivée de Benoît Feroumont au Festival de Cannes. Nous commandons à boire et l’entretien reprend.
« Cannes, c’est vraiment le temple du luxe, raconte l’auteur. Quand on n’a pas l’habitude de tout ça, c’est très étrange de débarquer dans ce genre de milieu ». Si malheureusement cette fois Bzz repart sans récompense, l’accueil que lui réserve le public est excellent et très encourageant pour le jeune animateur. « Quand on travaille sur un film d’animation, on a beau tenter de tout contrôler, on ne maitrise au final que 95 % du projet, explique Feroumont. Le fait qu’un film plaise et trouve son public à un moment donné, ça, c’est les 5% qui restent. Ça ne s’explique pas. C’est un peu magique ».
C’est durant le Festival de Cannes que Feroumont rencontre un certain Sylvain Chomet. « C’est là que ma carrière a vraiment décollé », estime-il. Dessinateur et scénariste, Sylvain Chomet est l’auteur de Léon la Came (éd. Casterman) et fait partie des Armateurs, une maison de production et d’animation française fondée par le producteur Didier Brunner. Le courant passe si bien entre Feroumont et Chomet que ce dernier lui propose d’animer quelques séquences d’un film qu’il est en train de réaliser : Les Triplettes de Belleville.
Succès critique et commercial, Les Triplettes de Belleville, sorti en 2003, relate les aventures de quatre vieilles dames qui partent, à vélo, à la rescousse du neveu de l’une d’elles. Le film est nommé au Festival de Cannes et aux Césars (il y remportera le prix de la meilleure musique, ndlr). Engagé comme directeur d’animation (il est responsable d’un petit groupe d’animateurs), Feroumont s’envole donc pour Montréal où lui et son équipe réalisent leurs séquences. « Au départ, je ne devais m’occuper que de 4 séquences et mon voyage devait durer 6 mois, se souvient-il. Mais Sylvain Chomet a été tellement séduit par la qualité de mon travail et de celui de mon équipe qu’il nous proposa de rester. Au final, on a travaillé pendant environs 18 mois ! ».
Entrée en BD
Nous sommes au début des années 2000. Son travail sur Les Triplettes de Belleville terminé, Feroumont revient en Belgique. Il débute la production d’un nouveau court-métrage tout en continuant d’accepter de réaliser des travaux publicitaires, notamment pour une importante campagne de promotion lancée par la compagnie d’assurance Ethias (à l’époque, la SMAP, ndlr). C’est à cette période que Sergio Honorez lui présente Thierry Tinlot, le rédacteur en chef du Journal de Spirou. «Lorsque Tinlot a regardé mon travail ; il m’a dit : « Je n’aime pas du tout tes histoires, mais j’adore ton dessin ! » », se souvient Feroumont. Il est donc associé au talentueux scénariste Fabien Velhmann (scénariste de Seuls, Green Manor et, actuellement aux commandes de la série Spirou et Fantasio). Ensemble, les deux auteurs créent la bande dessinée Wondertown (éditions Dupuis), qui n’aura malheureusement pas le succès escompté et s’arrêtera au bout de deux albums.
Loin de se laisser décourager, Feroumont décide de persévérer dans la bande dessinée car il sent qu’il peut s’y épanouir. « J’ai travaillé sur plein de choses en même temps pendant presque sept ans et à un moment… j’en ai eu marre ! raconte Benoît Feroumont. Certes, je gagnais bien ma vie, mais j’étais frustré artistiquement. C’est pourquoi après l’échec de Wondertown, et une fois mon court métrage terminé, j’ai fini tout ce que j’avais sur le feu, j’ai décliné une grosse commande de 11 publicités avec Ethias et j’ai décidé de me consacrer à un projet plus personnel ». Ce projet, ce sera la série Le Royaume, bande dessinée qui lui mettra véritablement le pied à l’étrier.
Un Royaume pour Feroumont
En 2007, Sergio Honorez devient le directeur éditorial des Éditions Dupuis. Convaincu du talent de Benoît Feroumont, il le présente à Frédéric Niffle, rédacteur en chef du Journal de Spirou. En plus d’apprécier les travaux dessinés de l’auteur, Niffle se montre également très intéressé par Dji Vou Veu Volti, le court-métrage que vient de terminer Feroumont et qui raconte l’histoire d’un troubadour, au Moyen Âge, qui tente de séduire sa dulcinée en lui chantant une ritournelle… en wallon ! Niffle propose à Feroumont de développer le court-métrage en bande dessinée, mais Feroumont n’est pas convaincu. C’est pourquoi au lieu de raconter la suite de l’histoire des personnages de Dji Vou Veu Volti, l’auteur décide plutôt de s’inspirer de l’univers graphique de son film et de créer des personnages complétement inédits. « Comme j’avais accumulé des tas de recherches de décors et de paysages pour la réalisation de Dji Vou Veu Volti, je me suis dit que j’allais les réutiliser mais en y introduisant de nouveaux personnages». C’est ainsi que naît Le Royaume.
Du propre aveu de Feroumont, les premières histoires (courtes) du Royaume sont le fruit de l’improvisation. « Quand j’ai commencé la série, je voulais suivre le quotidien d’un roi, de sa famille, de sa cour. Pourtant, un personnage secondaire va très rapidement se démarquer. » Ce personnage, c’est Anne, la servante du château qui, dès la première histoire, se fait congédier par la Reine pour avoir dormi dans le lit du Roi (en tout bien tout honneur… Anne avait juste été effrayée par le hululement de chouettes). Lorsqu’il lui fait quitter le château, Feroumont considère encore Anne comme un outil lui permettant de faire découvrir au lecteur la ville dans laquelle elle va s’installer. Pourtant, au fil du récit, la jolie servante (devenue tenancière) s’impose pour devenir LE personnage principal du Royaume. « Ça m’a surpris moi-même », déclare Feroumont en riant. C’est donc par le biais d’Anne que l’auteur va développer son univers en lui faisant rencontrer tout un tas de personnages hauts en couleurs comme François le forgeron (amoureux fou d’Anne), le maître d’armes et sa peste de fille, et les oiseaux, des volatiles dotés de la parole et qui s’amusent à semer la discorde chez les villageois. « C’est avec Le Royaume que j’ai vraiment trouvé ma place en tant que dessinateur, estime Feroumont. Notamment en dédicace, lorsque j’ai commencé à rencontrer mes lecteurs, à recevoir leurs réactions. Ça été un vrai plaisir. »
Spirou et les Femmes
Cependant, malgré sa qualité, Le Royaume peine à attirer de nouveaux lecteurs. Benoit Fripiat, responsable de la collection « tous publics » chez Dupuis, propose alors un projet à Feroumont : la réalisation d’un album de Spirou.
Personnage iconique de la bande dessinée, au même titre que Tintin, Spirou a soufflé ses 78 bougies. Il a été animé par de nombreux auteurs talentueux (Jijé, Franquin, Tome et Janry…). Ses aventures se déclinent sur plus de 50 albums dans Les Aventures de Spirou et Fantasio, ainsi que dans une série parallèle (intitulée Le Spirou de…) et dont chaque album est réalisé par un auteur différent. C’est à ce projet qu’est invité à participer Benoît Feroumont. « Selon Benoit Fripiat, réaliser un Spirou aurait permis d’étendre mon travail à un public plus large et de donner un bon coup de projecteur sur Le Royaume ».
Feroumont s’attaque donc, avec un plaisir non feint, à la réalisation d’un album du célèbre groom. D’abord accompagné au scénario de Stéphane et Guillaume Malandrin (entre autres réalisateurs du film Je suis mort mais j’ai des amis), c’est finalement seul que Benoît Feroumont élaborera son Spirou, neuvième tome de la série parallèle. « Très vite, l’idée de dessiner une histoire dans laquelle Spirou serait entouré de femmes s’est imposée à moi », raconte Feroumont. Il est vrai qu’à part quelques exceptions, les héroïnes fortes ne sont pas légion en bande dessinée franco-belge classique. On en compte deux dans les aventures de Spirou : les journalistes Seccotine (créée par Franquin en 1953 et présente dans une quinzaine d’albums) et Ororéa (créée elle en 1972 par le dessinateur Fournier et absente de la série depuis le départ de ce dernier). Seccotine étant le personnage féminin le plus populaire des aventures de Spirou et Fantasio, c’est par son biais que Feroumont décide de traiter son sujet. Dans cet album, intitulé Fantasio se marie, Fantasio, l’éternel comparse, tombe amoureux d’une jeune fille qu’il décide d’épouser et c’est donc avec Seccotine que Spirou doit faire équipe pour arrêter une mystérieuse voleuse.
C’est un véritable hommage à la gent féminine que rend Feroumont au travers de cette bande dessinée. Outre Spirou, Fantasio et Spip, tous les personnages de cet album sont des femmes (une première dans la série) et toutes sont représentées avec soin. Feroumont l’aura prouvé plus d’une fois, il aime dessiner les femmes et cela se ressent dans cet album. L’auteur se refuse de tomber dans le cliché de la « jolie héroïne en détresse » ; de fait, les personnages féminins qu’il représente sont de toutes tailles, de toutes formes, de tous âges… des femmes réelles, en somme. « Si j’ai pris beaucoup de plaisir à réaliser cet album, j’avoue avoir été un peu déçu par les réactions des lecteurs, confesse Feroumont. Les critiques sur internet n’ont pas toujours été tendres». Il n’est en effet pas sans risque de s’attaquer à un tel monument de la bande-dessinée et de bousculer les attentes de toute une communauté de fans. L’auteur l’aura appris à ses dépens. Il ne regrette cependant pas ses choix artistiques car «… à l’inverse, les réactions des lecteurs en festival sont très positives. Cela me conforte dans l’idée que j’ai fait un bon album. ».
Un auteur courtisé
Entre la sortie du premier album du Royaume (2009) et celle de Fantasio se marie (2016), Benoît Feroumont aura trouvé le temps de travailler comme directeur d’animation sur le long-métrage Astérix et le Domaine des Dieux (2014) et de réaliser, entre autres, la bande dessinée érotico-humoristique Gisèle et Béatrice (Éditions Dupuis, 2013). Il rejoint également l’Atelier Mastodonte, un collectif d’auteurs composé entre autres de Lewis Trondheim (Les Aventures de Lapinot, Dargaud) et de Julien Neel (Lou, Glenat), qui racontent, en bande dessinée, les « coulisses » d’un atelier… de bande dessinée. Enfin, il prête son talent à la collection La Petite Bédéthèque des Savoirs (Le Lombard), une série de bandes dessinées didactiques associant un essayiste scientifique reconnu dans son domaine avec un/une dessinateur/trice. C’est avec la sociologue Nathalie Heinich que Feroumont traite de l’art contemporain dans l’album L’Artiste contemporain : Sociologie de l’art d’aujourd’hui (2016).
Lorsque je lui demande ce que l’on ressent en étant à ce point courtisé, Benoît Feroumont répond : « C’est flatteur, évidemment, mais c’est surtout rassurant. Ça me rassure sur la qualité de mon travail ». Malgré cela, Benoît Feroumont reste, avant tout, un auteur qui fait ce qui lui plait et ne veut plus se laisser surcharger par le travail. « Pour le moment, j’essaie de ne plus partir dans tous les sens, explique-il. J’ai envie de me recentrer sur quelque chose qui me touche. ». C’est pourquoi aujourd’hui, il retourne aux sources en travaillant sur un nouveau court-métrage animé. En l’entendant en parler, on sent que ce projet lui tient à cœur et que, même s’il lui demande beaucoup de travail, il s’agit presque d’une récréation pour lui. « Je travaille chez moi, en compagnie de deux animatrices que j’ai engagées. Il va s’agir d’un petit film modeste, mais je pense que ça va être bien », dit-il en souriant.
Plusieurs verres vides trônent désormais sur notre table. Benoît Feroumont jette un œil à sa montre : « Ah… déjà… bon… je vais devoir rentrer, moi ! ».
C’est satisfaits (et un peu éméchés), que nous prenons congé l’un de l’autre. L’interview aura finalement duré plus de trois heures… le temps passe vite lorsque l’on discute avec un passionné.
Salvatore Di Bennardo
En savoir plus :
- La fiche de Benoit Feroumont sur Objectif plumes
- BDGest’, site spécialisé
- Chaîne officielle de Feroumont sur Vimeo
Article paru dans Le Carnet et les Instants n° 193 (2017)