E. Brogniet et M. Grimont, Graphies, nue noire

Soudaine lumière dans la nuit

Éric BROGNIET, Marianne GRIMONT, Graphies, nue noire, Tétras Lyre, 2013

brogniet grimont graphies nue noireD’abord, on ouvre distraitement le livre. À la recherche des photographies de Marianne Grimont. Se demandant comment on fait, techniquement parlant, pour réussir de telles images « abstraites » : agrégats de taches, traits lumineux et laiteux comme sortant de la nuit, comme si la pellicule tout à coup palpitait.

Puis on lit les quatrains d’Éric Brogniet et, du coup, le livre fonctionne à merveille. C’est que les poèmes nous forcent à revenir aux photographies. À les voir de plus près. À y déceler ce que, de prime abord, on n’avait pas remarqué.

Les images de Grimont sont les photos d’un visage. Visage d’une morte – si l’on en croit les poèmes -. Visage qui, pourtant, palpite. Tant le traitement des lumières et des ombres fait de sa surface – sa peau – une matière évolutive, en devenir. Pas du tout figée, en somme.

Et puis, retour aux poèmes. Éric Brogniet n’a pas son pareil pour « décrire », « poétiser », autour d’œuvres plastiques abstraites. C’est qu’elles lui permettent de se tenir dans un territoire qui lui est cher : là où le visage des êtres et des choses n’est plus d’apparence, là où l’apparition seule compte. Mais oui, vous voyez très bien ce que je veux dire ! Nous côtoyons des dizaines d’êtres vivants, humains ou animaux. Et puis un jour vous croisez le regard de votre chat. Et, rien de précis, rien de concret, quelque chose de neuf, de jamais-vu, apparaît.

Voilà ce que traquent ici les photos et les poèmes : une telle palpitation. Apparition paradoxale de quelque chose de vivant dans ce qui, apparemment, a disparu.

Cela donne des poèmes comme celui-ci : Images surgies de la nuit / Contre toute idée même de représentation / Ce qui flotte dans les emboîtements / Ce qui chuinte par flashs.

Poèmes / commentaires à lire en regardant intensément les images, donc.

Vincent Tholomé


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°177 (2013)