Claire Lejeune : « J’ai cent ans » – 5 octobre 2026

claire lejeune

Claire Lejeune

« Une invitation à rêver face au miroir« ? Cela fait plus de 37 années que je suis passée au travers. Et que je marche. 2026? J’y vais pas à pas, non sans piétiner. Je serai présente au rendez-vous.

Fragment du Livre de la mère en train de s’achever :

Ma pensée nait de l’entretien continuel de l’archaïque et de la moderne que je suis en même temps. De la lumière qui jaillit de leurs croisées, une troisième femme est en train d’advenir. Ce matin, mon regard étonné se porte sur elle qui me devance sur le chemin qui me sépare encore de ma mort. Lirsqu’en sonnera l’heure, nous serons l’une l’autre. Ne pas presser le pas, ne pas vouloir connaitre le visage de l’inconnue. Mes yeux ne la verront jamais que de dos.

Femme de tous les âges, qui vivra la reconnaitra. Ils n’auront pas à se souvenir de moi, elle les précède en terre inconnue afin qu’ils ne s’y sentent pas abandonnés.

Enfants de la nuit, enfants sans foi ni loi, que puis-je pour vous sinon faire de mon angoisse, de votre désarroi matière à bâtir une maison neuve sur les ruines de la maison du Père. Les grand-mères aujourd’hui n’ont plus le cœur à vous raconter des histoires à dormir debout, pas plus que vous n’avez le cœur à les écouter. Je n’invente rien. Le futur que délivre mon écriture n’est pas fiction, je l’ai déjà vécu. M’y anticipant, je vous lègue un peu de présence posthume, une légère avance d’amour lucide plutôt qu’une dette. De quoi faire la soudure entre mon siècle et le vôtre.

Ce que j’aimerais les entendre dire? « Message reçu. »

Claire Lejeune


Texte publié dans Le Carnet et les Instants n° 100 (1997)