Céline Delbecq, Éclipse totale

Quand tout devient noir

Céline DELBECQ, Eclipse totale, Lansman, 2013

delbecq eclipse totaleLa pièce s’ouvre par le suicide de Juliette. « Il existe des abîmés de l’âme qui marchent sans rien dire », jusqu’au choix ultime de poser l’acte de la mort. Quand ils ne songent pas à cette fin inéluctable, ils ont l’impression de tromper leur propre personne. Juliette est l’une d’entre eux. Sa vie n’est qu’un enchaînement de malheurs. Elle n’a aucune saveur, aucune consistance. Il n’y a plus d’autres solutions que de se jeter au cœur de l’éclipse totale. Autour de son corps, gravitent quatre personnages. Il y a le petit frère désemparé qui découvre son cadavre. Il y a l’ambulancier qui arrive trop tard, la mère qui reste figée, et enfin la mémé qui essaie de les secouer avec son franc-parler. Après le choc, vient le déni. La mère cherche la présence de sa fille dans sa chambre, son rouge-à-lèvres…

Dehors, la neige a cédé la place à une lumière intense. Arrivent ensuite la colère et l’incompréhension. Juliette quitte son drap blanc et devient le témoin impuissant des scènes auxquelles elle assiste. La troisième partie nous fait basculer dans le surnaturel : Juliette revient d’entre les morts pour se confronter à ses proches et justifier son choix. Mais comment expliquer l’inexplicable ? Comment accepter ce qui ne devrait jamais arriver chez soi ? Comment pardonner cet être qui nous abandonne ? Céline Delbecq confronte les positions des uns et des autres, sans jamais porter de jugement de valeur. Comme le dit Emil Cioran, il faut accepter que certaines personnes ne se retrouvent pas dans la vie.

Céline Delbecq, préoccupée par des problèmes sociétaux tels que la mort, écrit et met en scène des pièces de théâtre, notamment pour sa Compagnie de la Bête Noire. Pour ce texte, elle a bénéficié de deux résidences d’écriture, l’une à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, l’autre à Montréal. La pièce, publiée chez Lansman, a été créée en février 2014 au Manège.Mons.

Émilie Gäbele


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°182 (2014)