Céline Delbecq, Seuls avec l’hiver

Et les étourneaux s’envolent…

Céline DELBECQ, Seuls avec l’hiver, Lansman et Rideau de Bruxelles, 2013

delbecq seuls avec l hiverFigure féminine du théâtre contemporain, Céline Delbecq revient avec un dernier texte – toujours paru chez Lansman – Seuls avec l’hiver. La pièce met en scène les derniers instants de Carl-Hadrien De Jonghe, 65 ans, en phase terminale d’un cancer. Il est seul sur son lit, son langage n’est qu’une alternance de cris et de  râles. Le récit se déroule au mois d’octobre, dans le salon de la famille, transformé en chambre d’hôpital. La fenêtre, qui donne sur l’extérieur, laisse entrapercevoir des milliers d’étourneaux. Son épouse, Sonia, est présente à ses côtés. La pièce est d’ailleurs composée principalement de son monologue, tantôt agressif, tantôt humoristique, ou mêlant les deux tons : « et c’est ce maudit lit que tu choisis pour finir notre histoire ! Tu auras encore réussi à découcher avant de partir ! Ça ne va pas se passer comme ça ! (…) Non, non, non, à partir d’aujourd’hui je vais dormir avec toi ! Je vais m’accrocher à ton CORPS, Carl, m’enrouler tes baxters et ta sonde urinaire autour des cuisses, je ne vais plus te lâcher d’une semelle ! »

Différents symboles apportent au récit une certaine densité : le puzzle que compose Sonia, les étourneaux, qui se multiplient près de la fenêtre jusqu’à disparaître en fin de récit et les trois spectres – Priscilla, Lucie et Germaine, respectivement la fille, la sœur et la mère de Carl-Hadrien – qui commentent les différents faits de Sonia. Ce qui rend la pièce attrayante – même à la simple lecture – c’est le balancement du récit entre deux mondes : celui des vivants et celui des morts, représenté par les trois urnes/spectres.

Seuls avec l’hiver est une pièce à la croisée de différents textes : le monologue, celui de Sonia ; le récit réaliste-fantaisiste. Le rythme est bien soutenu et le ton du texte, ce subtil mélange entre l’humour noir et l’empathie, rend l’ensemble très agréable.

Primaëlle Vertenoeil


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°181 (2014)