Voyage au bout de l’enfer
Paul EMOND, Moby Dick, Lansman, 2014
Les adaptations du célèbre roman d’Herman Melville, Moby Dick, ne manquent pas : films, bandes dessinées, romans, dessins animés… Le théâtre pourtant se fait plus discret. Difficile aussi de s’attaquer à un tel récit d’aventure. Ce n’était pourtant pas un pari fou pour Paul Emond qui nous présente un monologue librement inspiré du roman. La pièce garde un rapport très fort au langage, en donnant tout le poids à la narration. En recourant à un seul narrateur, le même que dans l’œuvre initiale, elle évite de se perdre dans des actions irréalisables sur scène, tout en gardant brillamment un côté romanesque.
L’intrigue qui est bien entendu résumée reste fidèle au roman de Melville. Ishmaël, le narrateur et seul survivant d’un effroyable naufrage, raconte comment il est revenu vivant de l’enfer. Ce jeune homme qui rêvait de chasser la baleine devient matelot sur le célèbre navire du Capitaine Achab : le Péquod. Achab ne rêve que d’une chose : se venger de Moby Dick, la terrible baleine, qui lui a pris une jambe des années plus tôt. Il la poursuit partout et désire la réduire à néant une bonne fois pour toutes. Pour ce dessein, il est prêt à prendre tous les risques, même la mort de son équipage. Il a perdu la raison dans cette quête insensée. Moby Dick l’obsède. Le monstre légendaire ne voit pas le déroulement de l’histoire du même œil. Il reste inaccessible et finit par décimer tout l’équipage, excepté le pauvre Ishmaël.
La pièce conserve les nombreuses références bibliques de l’œuvre en recourant notamment à ce vieil antagonisme du Bien contre le Mal. Mais qui représente encore ce Mal ? Moby Dick n’incarne-t-elle pas finalement toute la puissance divine ? Paul Emond recourt également à un langage technique, propre aux marins et baleiniers. Moby Dick a été créée pour la première fois en 2001. La recréation de la pièce cet été au Festival Off d’Avignon a permis la présente édition.
Emile Gäbele
Article paru dans Le Carnet et les Instants n°184 (2014)