Guy Vaes, Mes villes

Vaes, ou le voyage intérieur

Guy VAES, Mes villes, postface de Bart Vonck, Impressions nouvelles, coll. « Espace Nord », 2013 

vaes mes villesTravailler pendant cinq ans en face à face avec Guy Vaes dans le même journal est une expérience enrichissante tant sur le plan amical que sur celui de la découverte.  En particulier lorsque l’on part à Londres sur les pistes magiques  qu’il vous a ouvertes (comme la visite de la maison-musée de John Soane qui lui a inspiré une vision prodigieuse). D’où plus d’intérêt encore à ouvrir – quinze ans après sa première édition en 1963 – ce Londres ou le labyrinthe brisé qui sera le premier et le plus important des deux textes publiés à l’enseigne de Mes Villes (Jacques Antoine, 1986).  Lui-même  le définissait alors, à l’intention de « son compagnon à la longue rame » (c’est dire à quel point le travail rémunéré l’enthousiasmait!) comme un « essai où la perception s’efforce de se muer en réflexion ». Lorsque s’y ajoutera le texte Singapour, sa dédicace évoquera « des interrogations répétées du lieu natal ». Ces quelques mots d’un natif d’Anvers (où il vécut jusqu’à sa mort l’an passé) expriment déjà, à eux seuls, la portée et l’ampleur du voyage intérieur – quasi métaphysique au sens premier – qu’induisait pour lui cette double expérience. D’où la nécessité, en effet, de perpétuer ces textes, près de trente ans après leur publication jumelle. D’autant plus que la postface de la présente édition, de la plume de Bart Vonck, poète, critique et traducteur flamand de haut vol, constitue une étude remarquablement fouillée et propre à pénétrer au plus intime une œuvre qui, dans les romans comme dans les essais, s’impose avec autant de vraie puissance poétique que de cohérente minéralité. Une œuvre exigeante, et qui se mérite, d’un écrivain pour qui l’image mythique (mystique?) et primordiale du labyrinthe incarnée par ses « villes natales » pouvait représenter à la fois l’essence, l’énigme et la clé de l’existence. Fondement, pour lui impératif, du droit à l’écriture

Ghislain Cotton


Article paru dans Le Carnet les Instants n°178 (2013)