Henry Bauchau

henry bauchau

Henry Bauchau

De profil : une médaille, une monnaie antique aux traits fins, presque ascétiques, à la frappe nette, adoucie par l’usage parmi les hommes. Toute la force des choses qui se savent fragiles à cause du symbole et féminines à cause de l’image !

De face : un visage d’enfant riant de la farce qu’il vient de vous jouer, lui qui n’aime ni la fascinante violence ni les pouvoirs dont elle devient très vite le coryphée sanglant ou la noire tragédienne.

Orphée, il sait d’Eurydice qu’elle est celle aux yeux sauvages, souveraine du vaste empire des morts. De Dionysos, auquel il sacrifie sévèrement dans le poème, il dit qu’Apollon en a besoin pour construire le temps qu’est la prose. Ses longues mains fines apportant les réponses aux questions non encore posées. Son corps, ses façons d’aller et de faire, son « assiette » en somme sont d’un « homme de cheval » dont le plaisir tirerait, des figures jamais assez parfaites de la carrière, la leçon des passions absolues, et de l’effort, partagé entre la chair et l’âme, le goût d’un équilibre fusionnel rarement atteint. Il garde, dans la lenteur des gestes de son âge, des précautions de fiancé, des impatiences d’amoureux et des fatigues d’amant comblé. Il tient, debout dans son regard, comme si de la tour ne comptait que le guet.

Werner Lambersy


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°97 (1997)