Corinne Hoex, Juin

Été lointain

Corinne HOEXJuin, Le Cormier, 2011

hoex juinAvant de lire, il faut couper les pages – geste d’autrefois qui prépare à la lecture par le toucher. Un beau geste pour ce recueil subtilement sensuel – saveurs, senteurs, souffles de vent : sous les doigts la peau de papier comme, dès les premières strophes, la robe de soie rouge et dans les mains les pétales froissés. D’une touche de rose va procéder tout le poème. Le poème car, malgré les titres en capitales qui inscrivent des repères – LA RUE, LE SOIR… – et scandent un texte d’où ponctuation et majuscules sont presque absentes, il y a continuité. Une continuité fragmentée mais non rompue : les vers libres et brefs, groupés en petites strophes sur des pages où règne le blanc, ont l’humeur pointilliste. Ils excellent à fixer des instants mangés par le temps et à leur donner une texture aussi craquante que s’ils venaient d’être vécus – friabilité propre au souvenir ressuscité. Des cheveux blancs suggèrent une grand-mère, un regard de huit ans une fillette. On est en enfance et, derrière le « tu » qui habite le texte, on entend le je-qui-se-souvient. Brodés au petit point des échos qui se répondent d’un vers à l’autre– le rose des fleurs, les arômes, les mots tendres aux goûts pâtissiers – les moments lointains palpitent comme des mirages et dans leur évanescence rayonne la silhouette chérie. Moments doux, lovés en juin sans doute parce que c’est le mois préféré des enfants heureux qui attendent sur son dos étiré en solstice les vacances et l’été.

Isabelle Roche


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°167 (2011)