Armel Job, La malédiction de l’abbé Choiron

Les voies du Seigneur sont impénétrables

Armel JOBLa malédiction de l’abbé Choiron, Weyrich, 2011

job la malediction de l abbe choironAlors qu’il était promis à de brillantes études ecclésiastiques, l’abbé Lucien Choiron passe de désillusion en désillusion et comprend rapidement qu’il ne sera jamais qu’un pion entre les mains de l’Église. Il se voit tout d’abord confier un poste de professeur de latin dans un séminaire. Persévérant et imaginatif, il monte chaque année un spectacle digne des plus grandes tragédies grecques. Au séminaire, l’abbé connaît quinze années de respect et de satisfaction avant d’être arrêté au sommet de sa gloire et exilé comme une vulgaire chaussette dans un bled ardennais, Forgelez.

Nous sommes dans les années 50. La région est habitée par des âmes de moins en moins croyantes. Choiron essaie tant bien que mal d’inculquer un peu de savoir-vivre chrétien au troupeau de fidèles qui lui reste. Mais ses efforts se voient bafoués par des mécréants. Que faire ? Il vide son sac lors d’un sermon où il n’épargne personne. On commence à le craindre… Mais quelques infidèles demeurent. N’y pouvant
plus, l’abbé Choiron, dans un instant de colère, laisse échapper une malédiction qui provoquera bien du remue-ménage. Quelques jours plus tard, un jeune homme meurt subitement. Cette mort mystérieuse occupe tous les esprits. Pourquoi Dieu s’est-il attaqué à ce jeune homme ? On s’interroge sur ses propres actes, sur soi-même. Choiron n’est pas épargné. Qui est-il réellement ? Est-il le messager de Dieu, voire un
prophète ? L’abbé lui-même ne sait quoi penser. On n’ose plus profaner la parole divine. Chacun va à confesse. Qu’adviendra-t-il de ce petit village et de Choiron ?

Dans un style piquant, et toujours aussi peu avare en détails et anecdotes, Armel Job observe tout ce petit monde et nous présente des personnages pittoresques, représentatifs de chaque bourgade campagnarde. Pipit, l’idiot du village, cocu comme pas deux. Aimée, sa femme, la pécheresse au grand coeur. La veuve, la « sainte », souffrante et mourante depuis belle lurette, qui domine ses fils de sa main de fer. Lambert, revenu
de son service militaire, qui méprise le clergé et ne pense qu’à dominer le monde. Le brave fermier Armand toujours prêt à aider les autres. La mère Choiron qui attend et espère son ascension sociale… Des amours clandestines voient le jour, des passions se révèlent, mais aussi des jalousies, des drames et des coups bas.

Treize ans après sa première parution aux éditions L’Harmattan, La Malédiction de l’abbé Choiron trouve un second souffle, édité cette fois en Belgique, chez Weyrich, dans la collection « Plumes du Coq ». Cette nouvelle version se voit augmentée de notes sur le parler wallon et d’une postface : dialogue avec Christian
Libens et extraits du Bas clergé de Victor Enclin. En effet, pour créer son personnage principal, Armel Job s’est inspiré d’un abbé ardennais du début du XXe siècle, Victor Enclin. Dans un soucis de se rapprocher le plus possible de la langue parlée en 1950, l’auteur a inséré dans son texte des expressions wallonnes traduites en français. Loin d’en faire une approche philologique, ces expressions archaïques et inhabituelles donnent au récit une touche populaire et « bien de chez nous ». Replongez dans ce roman et retrouvez les racines de l’Ardenne profonde.

Emilie Gäbele


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°168 (2011)