Françoise Mallet-Joris, Les larmes

Deux femmes, début de siècle

Françoise MALLET-JORIS, Les larmes, Flammarion, 194

mallet joris les larmesFrançoise Mallet-Joris a situé certains de ses romans dans le quotidien de sa vie, dans certains milieux de lumière aussi. Cette fois, c’est dans l’ombre qu’elle donne un coup d’éclair, l’intrigue de son dernier livre se situant dans le monde mal connu de la céroplastie et des bourreaux. Imaginez un instant, que Les larmes ne soit pas un livre mais un film. Il vous serait insupportable. Ou alors les yeux clos : toutes ces dissections, ces bouts de corps qui se trimballent, toute cette intériorité mise à jour serait intolérable sur écran animé. Alors que pas un instant on n’a envie de refermer le livre. On le fait parfois quand le quotidien reprend le dessus mais c’est à regret. Toujours on a envie de continuer, de ne pas briser cette ambiance du début du dix-huitième siècle, (on nous lasse tant avec les fins de siècle en ce moment) avec ses intrigues contre le Régent. Complots qui ne sont pas de Cour. Qui viennent de milieux déclassés. De milieux d’hommes proches de la mort où certaines femmes ont leur importance. À leur manière. Car, pour ne pas changer, Françoise Mallet-Joris nous a gâtés avec deux beaux portraits de femmes totalement différentes : Catherine, la première sculptrice sur cire et Antoinette, une romantique avant le siècle. Deux femmes au profil opposé : l’une prenant la vie à bras le corps, l’autre la subissant les bras baissés. Deux femmes comme les a toujours si bien inventées l’écrivaine belge. Deux femmes qui nous donnent l’espoir et le désespoir de vivre.

Michel Zumkir


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°82 (1994)