Philippe Lekeuche : « J’ai cent ans » – 19 janvier 2054

philippe lekeuche

Philippe Lekeuche

On ne sait pas où est passé Philippe Lekeuche.

– Qui c’est?

– C’était une sorte de poète, du moins à certains moments, très rares, il faut le dire. Il a écrit un ou deux poèmes valables durant sa vie, ce qui n’est pas si mal. Il est probablement mort maintenant ou il s’est terré dans un hospice de vieux, quelque part « hors du monde » comme disait Baudelaire. C’était, pour le reste, un homme ordinaire, avec ses bons et ses mauvais côtés. Il n’y a pas grand chose à dire de cet homme.

– Mais qu’est-ce qu’il faisait donc comme poésie?

– Cliff, que Lekeuche admirait beaucoup, lui reprochait de produire des « fausses déterminations ». Ils eurent une longue discussion à ce sujet dans un bus français entre Montpellier et Barcelone. Cliff savait parler, Lekeuche pouvait entendre, bien qu’il ne fût pas d’accord. C’est ça, le vrai dialogue. Il n’avait pas de théorie sur la poésie, il se méfiait terriblement de la théorie et de ce que l’on tient généralement pour de la poésie. En 1983, il écrivit un manifeste avec son ami, le peintre Jean Dalemans. Cela s’intitulait « Manifeste du Spire », il y avait là une phrase qui disait : « La vie déborde l’art de toutes parts ». Une autre énonçait : « Brisures sont les perfections du monde ». Je pense que toute l’esthétique de notre auteur tenait dans ces deux phrases. À part cela, il était passionné par la photographie. La photo c’était pour lui un plaisir ; la poésie, elle, était une nécessité, un destin, certainement pas un besoin ou une envie. Quand il n’écrivait pas, il se délitait progressivement. Voilà, en quelques mots, tout ce dont je me souviens à son propos.

– Difficile de parler de soi quand on est mort…

Eppiliph Chekeule

Philippe Lekeuche


Texte publié dans Le Carnet et les Instants n°100 (1997)