J.-H. Rosny aîné, Le trésor de Mérande

Lire Rosny ?

J.-H. Rosny aîné, Le trésor de Mérande et autres récits d’aventures, Les moutons électriques, 2014, 351 p., 24 €

rosny le tresor de merande et autres recits d aventureRosny est-il encore lisible aujourd’hui ? Plus que jamais. Il est vrai que ses textes sont traversés de concepts hérités du naturalisme, la « race », l’influence du milieu, la question de l’avenir de l’humanité et de la vie. Et certaines de ses idées ont vieilli, celle de race principalement.  Mais ce qui fait l’originalité de Rosny par rapport aux autres naturalistes le rend, un siècle plus tard, proche de nous. Ses réflexions sur la question de l’origine de la vie en général et de l’humanité en particulier trouvent des échos contemporains. Lorsqu’il spécule sur ce qu’aurait pu être l’ordre du vivant dominé par des espèces comme les félins ou les éléphants, avec les qualités d’adéquation au milieu qu’il leur reconnaît, il rejoint les réflexions sur la nature de l’intelligence animale telle que la pense l’éthologie aujourd’hui.

Le trésor de Mérande et autres récits d’aventures propose l’édition originale d’un roman datant de 1902 ainsi que diverses nouvelles mettant en scène des aventuriers confrontés à une nature hostile mais surtout fascinante ; et les descriptions qu’en fait Rosny montrent sa fascination pour ces moments de brutalité primitive mais aussi de beauté incomparable. À tel point qu’il plaide – déjà – pour la création de sanctuaires qui protégeraient ces expressions anciennes de la vie. Et s’il peut paraître condescendant et paternaliste dans les descriptions des populations indigènes, il met l’accent, au travers à chaque fois d’un individu représentatif, sur les qualités de ces ethnies qui les rendent supérieures aux Européens. Dans ces années de colonialisme triomphant du début du XXe siècle, il regrette profondément l’asservissement de la planète au modèle occidental. Sa foi dans l’avenir est cependant tempérée par sa prescience étonnante de la nature des conflits à venir. Et même si sa langue est parfois datée, elle garde aussi une fraîcheur d’émotion et d’empathie devant ces spectacles autres. Oui, il faut relire Rosny.

Joseph Duhamel


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°184 (2014)