Éric-Emmanuel Schmitt, La trahison d’Einstein

L’idéaliste confronté à la réalité

Éric-Emmanuel SCHMITT, La trahison d’Einstein, Albin Michel, 2014

schmitt la trahison d einsteinSur la rive d’un lac du New Jersey, un vagabond rencontre Albert Einstein. Après quelques moqueries bon enfant, les deux hommes s’apprivoisent. Une amitié voit le jour entre ces deux hommes que tout sépare, si ce n’est un humour à toute épreuve. L’un est un pacifiste militant, l’autre pense que la guerre est un mal nécessaire. Le vagabond, dont le fils est mort au combat en 1918, a beaucoup d’estime pour les soldats. Einstein, quant à lui, ne voit pas la guerre comme un moyen de résoudre les conflits.

Nous sommes en 1934, les nazis sont depuis peu au pouvoir. Einstein a fui ce régime de la terreur et s’est réfugié aux États-Unis. Ses opinions politiques amènent les Américains à se méfier de lui. Ils voient en lui un Rouge… ou peut-être est-il un traître ? Un agent du FBI ordonne au vagabond de rapporter les dires du savant. Va-t-il trahir son ami ? La Seconde Guerre Mondiale éclate. Einstein est face à un dilemme. De sa célèbre équation va naître la bombe nucléaire. Il faut arrêter les Allemands et armer les Américains en premier. La paix n’est plus possible. Doit-il trahir ses propres convictions pour sauver l’humanité ?

À l’aide de généreuses descriptions, Éric-Emmanuel Schmitt nous dresse le portrait d’un homme torturé. À quelles fins doit servir la science ? Les avancées technologiques nous rapprochent-elles inéluctablement de l’apocalypse ? Tout un pan de l’Histoire est retracé. On perçoit le travail de recherche de l’auteur, amoureux du mot juste et de l’exactitude des faits. Nous voyageons de l’arrivée au pouvoir d’Hitler aux débuts de la Guerre froide. L’écriture théâtrale, assez romanesque, donne des indications très précises sur la scénographie qui se décline entre ambiance de fin d’après-midi, voûte céleste et imagerie de guerre. La pièce a été créée au Théâtre Rive-Gauche le 30 janvier 2014, dans une mise en scène de Steve Suissa, avec Francis Huster et Jean-Claude Dreyfus.

Émilie Gäbele


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°181 (2014)