Jean-Baptiste Baronian, On ne voit pas la nuit tomber

Voulez-vous jouer…

Jean-Baptiste BARONIAN, On ne voit pas la nuit tomber, de Fallois / L’âge d’homme, 2014

baronian on ne voit pas la nuit tomberLes treize nouvelles de ce recueil du très prolixe Jean-Baptiste Baronian (plus de cinquante livres en une quarantaine d’années) donnent chacune, en leur amorce, l’impression de (se) dérouler (comme) le cours de nos vies ordinaires : on y prend les transports en commun, on est vendeuse, employé(e) de banque, de compagnie d’assurances, plus exceptionnellement écrivain ou réalisateur (d’autofiction, pour son grand malheur), trafiquant de (vrai faux) tableaux, on va dans les centres commerciaux, on habite Bruxelles, Liège, plus rarement en France, on passe des vacances au bord de la mer du Nord (dans le jardin de la villa plutôt que sur la plage), on possède une résidence secondaire à la campagne, on est marié, fils et fille de famille, on est attiré par des femmes aussi belles et irrésistibles que celles des écrans exhibiteurs…

Et c’est là que tout commence à se gâter, à déraper, que la vie tourne aux faits divers, quand l’amour devient passion, quand on veut bousculer la routine des jours, sortir de l’ordre établi – ou le rétablir (un père et un fils ne peuvent convoiter la même femme, une fille trop aimer son père). On se met à jouer au plus malin, au grand escroqueur, on devient criminel, comme dans les romans policiers ou Les caves du Vatican de Gide… Cela ne s’arrête pas là, cela ne fait même que débuter, car, quand on croit prendre la main, on la perd ; le hasard, le destin, la malchance (voire la chance) s’en saisissent. On est pris à son propre piège ou dépassé par la mécanique assassine. Jean-Baptiste Baronian est bien évidemment le grand manipulateur de ces histoires grises et noires, un deus ex machina manœuvrant les personnages et défiant les lecteurs, invitant ceux-ci à participer à un jeu jubilatoire qui ne consisterait pas à nommer l’assassin mais à imaginer l’improbable dénouement des nouvelles. Et nous, de jouer le jeu. Avec jubilation.

Michel Zumkir


Article paru dans Le Carnet et les Instants n°184 (2014)